UN COLLOQUE SUR LA GRANDE GUERRE TRES INSTRUCTIF

Un colloque s'est tenu le jeudi 30 janvier 2014 au lycée Hoche deVersailles sur le thème "Enseigner et commémorer la Grande Guerre". De nombreux spécialistes de la période ont proposé leur éclairage sur ce thème.

Marc VIGIE (Inspecteur pédagogique d'Histoire de l'Académie de Versailles) a fait un exposé sur "Enseigner et commémorer la Grande Guerre au collège et au lycée : pourquoi ? Comment ?"

Il a rappelé en introduction qu'un colloque s'était tenu la veille à Marly dans le cadre de la commémoration du Centenaire, en présence de Monsieur le recteur d'académie.

Sur les 75 établissement du secondaire ayant déposé uprès des comités académiques des projets une trentaine ont déjà été labellisés lors de la première vague de labellisation(dont le collège Georges Duhamel). Les établissements de l'académie de Versailles semblent très engagés.

La commémoration a été voulue par les plus hautes autorités de l'Etat (7 novembre 2013 : ouverture de la commémoration par le président de la République François Hollande. Cette commémoration permet de redéfinir le patriotisme [sentiment d'appartenance à une communauté nationale] aujourd'hui.

Marc VIGIE est persuadé que "Marianne" (la République) et "Clio" (l'Histoire) peuvent marcher ensemble en cette occasion. La disparition de notre dernier "poilu" Lazare PONTICELLI a suscité beaucoup d'émotion en France, ce qui n'a pas été le cas en Allemagne pour le dernier combattant allemand de la Grande Guerre décédé dans la même période.

Le colonel Michel GOYA (IRSEM) est ensuite intervenu. Il a apporté des informations sur la métamorphose ou plus exactement la révolution technique, stratégique et tactique que l'armée française a subie en quatre ans de conflit, entre 1914 et 1918. L'armée française en 1914 est composée par

- Une infanterie (300 régiments équipés de trois armes essentiellement : pistolet – quelques mitrailleuses – des fusils avec baïonnette)

- Une cavalerie (missions : renseignement, exploiter les succès locaux)

- Une artillerie (canon de 75, le "meilleur canon de l'époque")

1914 constitue un choc sans précédent (par exemple, lors de la seule journée du 24 août 1914, il y a 22 000 soldats tués !). Les conséquences des premières batailles sont les limogeages (40% des généraux envoyés à Limoges), les innovations, le rôle plus important donné aux sous-officiers en matière d'initiative, la création des groupes d'armée, des corps francs (commandos)...La guerre des tranchées s'appuie sur les méthodes des sapeurs. Les capacités d'attaque sont accentuées avec les moyens de feu (fusil-mitrailleur, canons de 37), l'apparition en 1917 des chars (très avantageux par rapport à l'artillerie lourde car moins chers car l'artillerie lourde), l'aviation de chasse et de bombardement (de nombreux pilotes, "les chevaliers du ciel", proviennent de la cavalerie).

La stratégie change : il faut porter à l'ennemi un maximum de coups afin de le "cabosser" et de remporter la guerre "aux points". L'armée française est devenue plus mobile (80 000 camions, 1000 batteries tirées par des tracteurs, unités auto-mitrailleuses

Finalement, l'armée française est devenue en 1918 la meilleure au monde, un modèle de combat sophistiqué.

Vincent AUZAS (IHTP / CNRS) a fait une intervention sur le thème suivant : "Commémorer la guerre, de 1919 à nos jours". Il a rappelé la manière dont le soldat inconnu a été choisi parmi neuf corps identifiés. Le 22 novembre 1922, CLEMENCEAU n'assiste pas aux cérémonies : il n'est pas invité et s'embarque pour un séjour aux Etats-Unis.

Nicolas BEAUPRE (Université Blaise Pascal – Clermont-Ferrand) : "Ecrire en guerre, écrire la guerre" a quant à lui fait un exposé sur "Ecrire en guerre, écrire la guerre (écrivains et poètes combattants". Il a cité le cas de nombreux auteurs allemands (Ex : Richard DEHMEL (All) et français (Henri BARBUSSE) ayant combattu, certains ayant perdu la vie dans les combats (PEGUY, August STRAMM, Wilfred OWEN, Rupert BROOKE...)

André LOEZ a présenté un exposé très intéressant sur "Les tranchées, lieux d'histoire, lieux de mémoires". Il a essayé de dépasser les stéréotypes sur les tranchées (lles rats, les poux, la boue, le froid...). Les guerres de Sécession (1861-1865) et russo-japonaise (1904) ont permis de préparer la guerre des tranchées. En 1914 – 1918, la tranchée présente un emboitement des différents espaces, un tracé festonné, en serpent (afin de limiter l'impact des obus, les tirs en enfilade). Des travaux gigantesques ont été nécessaires (Nature des sols très différente d'une région à une autre : en Champagne, le sol est crayeux ; dans le nord, il est plus boueux donc problème pour l'évacuation de l'eau ; abris bétonnés en Alsace...). Parmi les témoignages de soldats français s'étant emparés de tranchées allemandes, beaucoup expriment leur surprise par la qualité des tranchées allemandes.

Anne HERTZOG (Géographe de l'Université de Cergy-Pontoise) a évoqué "Les territoires de la guerre, une patrimonialisation contemporaine". Elle a cité plusieurs musées ou sites marquants : Le Linge en Alsace, Chemin des Dames et Péronne en Picardie, Verdun en Lorraine

Enfin, Caroline MOINE (Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines) a développé le thème suivant : "La Grande Guerre et la relation franco-allemande". Le traumatisme est très marqué à la fin de la guerre (ex : 600 000 veuves en France, 1,4 million de morts / 520 000 veuves en Allemagne, 2 millions de morts). Il n' y a pas la même vague de commémoration en Allemagne après la Guerre (HITLER se propose comme le soldat inconnu !). Quelques échanges entre anciens combattants sont organisés dans les années 1930 (Associations d'anciens combattants réunies en une seule par les nazis)

1936 : vétérans Allemands participant aux commémorations à Verdun (en civil mais arborant un drapeau nazi +et faisant le salut nazi) ;

1937 : une rencontre a lieu entre vétérans français et allemands au stade olympique de Berlin, (réunion de 100 000 combattants) ;

11 novembre 1940 : 200 lycéens arrêtés pour avoir outrepassé l'interdiction de commémorer l'armistice à Paris ;

15 juin 1940 : Verdun, lieu d'entraînement de la Werhmacht, un des sièges de la Gestapo (charniers retrouvés en 1945)

Juillet 1962 : DE GAULLE et ADENAUER à Reims ;

22 septembre 1984 : MITTERRAND et le chancelier allemand KOHL main dans la main à Douaumont ;

8 juillet 2012 : Angela MERKEL et François HOLLANDE dans la cathédrale de Reims.

Actuellement, la chancelière allemande Angela MERKEL ne semble pas motivée par les cérémonies de commémoration de la Grande Guerre. Le président de la République fédérale d'Allemagne (Joachim GAUCK) sera sûrement présent aux cérémonies du 11 novembre 2014 (au Vieil Armand, en Alsace).