GASPARD ET LUCAS
La scène se passe à la fin du XIX° siècle, à la campagne. Deux enfants font leur rentrée scolaire.
GASPARD : Mais avance donc ! Tu vas comme une tortue, nous n’arriverons pas à temps.
LUCAS : Eh bien ! Le grand mal ! C’est si ennuyeux l’école !
GASPARD : Comment le sais-tu ? Tu n’y as jamais été.
LUCAS : Ce n’est pas difficile à deviner. Rester trois heures enfermé dans une pièce, apprendre des choses qu’on ne sait pas, être grondé, tu trouves ça agréable ?
GASPARD : On n’apprend jamais que les choses qu’on ne sait pas ; et c’est très amusant d’apprendre.
LUCAS : Oui, quand c’est pour travailler au dehors, mais pas pour se casser la tête à …
GASPARD : Pas du tout… Ensuite, on n’est grondé que lorsqu’on est paresseux.
LUCAS : Mais puisqu’ils disent que parler ou bouger c’est une grosse sottise.
GASPARD : Parce que ça fait du bruit pour les autres.
LUCAS : Et le grand mal quand on ferait un peu de bruit ? ça fait rire, au moins.
GASPARD : Si tu ris, tu te feras gronder.
LUCAS : Tu vois bien, tu le dis toi-même. Et je dis moi, que si mon père ne me forçait pas d’aller à l’école, je n’irai jamais.
GASPARD : Et tu serais ignorant comme un âne.
LUCAS : Qu’est-ce que ça me fait ?
GASPARD : Tout le monde se moquerait de toi.
LUCAS : Ça m’est bien égal. Je n’en serais pas plus malheureux.
GASPARD : Et quand il t’arriverait des lettres, tu ne pourrais pas les lire.
LUCAS : Je n’en reçois jamais.
GASPARD : Mais quand tu seras grand ?
LUCAS : Tu me les liras, puisque tu veux être savant.
GASPARD : C’est ce que tu verras : je deviendrai savant, je ferai des machines, des livres, je gagnerai beaucoup d’argent, j’aurai des ouvriers, je vivrai comme un prince.
LUCAS : Ah ! ah ! ah ! le beau prince ! Prince, vraiment ! En sabots et en blouse ! Ah ! ah ! ah ! Nous voici arrivés. Place à Monsieur le prince !
D’après la Comtesse de Ségur, « La Fortune de Gaspard »
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