Comme tous les dimanches d’automne, je quittais ma femme et mes enfants pour ma promenade matinale. Je dépassais maintenant l’orée de la forêt de Fontainebleau. Puis je m’enfonçais sous la couverture sombre des arbres. Soudain, à cause du dense feuillage qui formait une arche au-dessus de ma tête, le ciel disparut. L’obscurité se montrait de plus en plus pesante, oppressante. Aucun animal forestier ne se manifestait, j’étais seul comme perdu dans une mer de feuillus.

 

Au bout d’une heure de marche, j’arrivais enfin dans une petite clairière puis j’aperçus au loin « Clairière & Canopée », le meilleur centre de jeûne et de randonnée à Fontainebleau. Un havre de paix, vers lequel je me dirigeai.

 Mais contrairement à ce que je pensais, au fur et à mesure que je me enfonçais dans les  bois, des gros rochers m’entouraient, me barraient le passage. Moi qui étais surnommé la boussole humaine quand j’étais petit, tant je savais retrouver mon chemin, j’avoue avoir eu du mal à continuer dans la même direction.

Les arbres formaient un tunnel au-dessus de moi, le « toit-divin » disparut de mon champ de vision. Tout s’obscurcit. A deux pas d’un sentier qui m’était pourtant familier, je tombais dans un trou dissimulé sous un amas de feuillage. Je criai mais mon cri se perdit dans la canopée.

J’atterris dans un lieu, majestueux et insolite, qui me semblait être l’autre bout de la Terre. Un soleil de plomb m’écrasait. Envahi par une très forte curiosité, je me retournais pour admirer le paysage. A la place, j’aperçus un château lugubre. Le manoir semblait abandonné depuis des siècles. Deux corps de bâtiment réunis en équerre à une haute tour et qui faisaient face à l’étang des Carpes, composaient tout le château dont les portes rouillées, les fenêtres cassées paraissaient sur le point de tomber au premier souffle de tempête. Ses pierres disjointes, ses croisés, sa tour, ses toits à jour lui donnaient un air fantasmagorique.

Tout à coup, un homme pâle, les mains crispées, le visage d’une finesse divine mais recouverte de rides apparentes, apparut devant le château. Il ressemblait bizarrement à Napoléon 1er. Puis il disparut et réapparut tellement près de moi que l’on respirait le même air et que je pouvais entendre son cœur battre. Il m’enfila un bracelet portant l’inscription « mortem » qui signifie mort en latin et me montra du doigt une tombe. Je m’enfuis sans demander mon reste, envahi par un sentiment épouvantable et je sautai dans le trou par lequel j’étais venu…

Je me réveillais dans un lit d’hôpital, ma femme était assise à côté de moi. Le médecin m’expliquait que je m’étais cogné contre un rocher et que j’avais perdu connaissance. Sur mon bras, un bracelet ornait mon poignet et portait l’inscription « mortem »…