Alors que je me promenais, seule, au crépuscule d’une de ces froides journée d’automne, je vis au loin, enveloppée de brume, l’ombre massive d’un grand château. Je m’approchais pensive avec cette lugubre impression d’être dans un rêve. Je continuais d’avancer. Au bout d’un certain temps je m’aperçus que je marchais sur l’eau, plus précisément portée par des âmes blanches l’air égaré. Elles me regardaient avec des yeux vides et mystérieux. Au lieu de prendre peur, je m’asseyais sur l’eau et les regardais sans cacher ma curiosité grandissante. Mais au bout d’un certain temps, je m’endormis bercée par les danses mystérieuses des âmes.

Lorsque je me réveillais, j’étais assise sur un fauteuil, une magnifique conversation bleue azur, ornée de hiéroglyphes argentés. Elle se trouvait au bord d’un feu incroyablement reposant qui me réchauffait les pieds. Je regardais autour de moi et m’aperçus que je me trouvais dans le vieux château qui m’intriguait tant quelques heures, ou jours plus tôt. Je ne savais plus. J’avais perdu la notion du temps. Alors que je m’apprêtais à partir, je découvris, blotti dans un des coins de la pièce, un jeune garçon d’à peu près mon âge, qui me fixait avec de grands yeux verts émeraude écarquillés. Je me mettais alors à l’observer. Il portait des vêtements de valet trop grands pour lui, ainsi que de petits souliers marron et propres. Puis je l’imitais et le fixais droit dans les yeux.

Ce que j’y vis ? Une vision d’horreur, un terrible secret qui pesait sur sa famille depuis bien longtemps. Depuis douze générations, chaque enfant atteignant l’âge de sept ans devait, le jour de son anniversaire, vendre son âme au diable jusqu’à la fin de ses jours. Effrayée je tombais à la renverse comme évanouie.

Lorsque je me relevais, il n’était plus là, je profitais de son absence, pour m’enfuir. Mais à peine sortis du château, les âmes qui avaient été si accueillantes, m’empêchaient de sortir. En les regardants mieux, je compris qu’elles étaient la famille du garçon, et qu'étant la propriété du diable pendant leur vie, elles ne trouveraient jamais le repos. Après leur trépas, elles devenaient des âmes errantes.

J’entendis soudain, derrière moi, le son de pas, je me retournais, et vis le jeune garçon armé d’une épée. Je ne pouvais ni avancer, ni reculer, et sur les côtés se trouvait le lac. Je savais nager. Je sautais. Mais les âmes me rattrapèrent et m’emmenèrent vers le fond. Puis tout devint noir, le peu d’air qu’il me restait dans les poumons s’échappa par ma bouche entrouverte. J’étais morte, noyée.