Autour de "La Reproduction interdite" de René Magritte
Par Aline Reyes (Lycée Camille Pissarro, Pontoise) le 25 octobre 2017, 06:44 - Histoire des Arts - Lien permanent
1) Ce qui a été dit en classe par les élèves sur cette peinture (les élèves ont du talent !) ;
2) des liens qui la présentent ;
3) la fin de l'énigmatique roman d'Edgar Poe qui y figure ;
4) en conclusion : une réflexion sur l'image, sur les personnages de fiction, sur le sens de l'art et de la littérature ;
5) en bonus : deux vidéos sur Magritte au Centre Pompidou et une invitation à poursuivre en commentaire
1) Ce qui a été dit par les élèves dans deux classes (1ère et 2nde) sur cette peinture :
"Lui seul se voit ainsi ; les autres le voient normalement"
"Il a perdu son âme, il n'a pas le droit de la voir"
"Il est passé du côté de la mort"
2) La Reproduction interdite présentée par des lycéens du lycée Claude Bernard à Villefranche-sur-Saône : ICI
Un dossier plus complet à lire et beau à voir : LÀ
3) Cette peinture a été donnée en classe avec les dernières phrases du roman d'Edgar Poe qui y figure, Les Aventures d'Arthur Gordon Pym, et en lien avec la thématique du roman comme miroir de la réalité (selon Stendhal) ou dépassant le miroir, dépassant la reproduction de la réalité. Voici ce que dit le narrateur, juste avant l'engloutissement du navire (dont il réchappera, on ne sait comment) :
"Les ténèbres s’étaient sensiblement épaissies et n’étaient plus tempérées que par la clarté des eaux, réfléchissant le rideau blanc tendu devant nous. Une foule d’oiseaux gigantesques, d’un blanc livide, s’envolaient incessamment de derrière le singulier voile, et leur cri était le sempiternel Tekeli-li ! qu’ils poussaient en s’enfuyant devant nous. Sur ces entrefaites, Nu-Nu remua un peu dans le fond du bateau ; mais, comme nous le touchions, nous nous aperçûmes que son âme s’était envolée. Et alors nous nous précipitâmes dans les étreintes de la cataracte, où un gouffre s’entr’ouvrit, comme pour nous recevoir. Mais voilà qu’en travers de notre route se dressa une figure humaine voilée, de proportions beaucoup plus vastes que celles d’aucun habitant de la terre. Et la couleur de la peau de la figure était la blancheur parfaite de la neige."
Edgar Poe, The Narrative of Arthur Gordon Pym of Nantucket, 1838, première traduction de Charles Baudelaire en 1858 sous le titre Les Aventures d'Arthur Gordon Pym de Nantucket (texte intégral en ligne ICI)
4) ---> D'une certaine façon, comme le tableau de Magritte intitulé La trahison des images (1929), représentant une pipe avec la légende "Ceci n'est pas une pipe", ou bien Ceci n'est pas une pomme (1964), La Reproduction interdite ne signifie-t-elle pas "Ceci n'est pas un homme" ?
De même que les peintures, les personnages de roman ou d'autres formes de fiction ne sont pas des humains mais des constructions de la pensée humaine. L'art, la littérature, ne sont pas des reproductions de l'être mais des mécanismes à réveiller la conscience de l'être. Poe ne livre pas plus la solution de son roman que Magritte ne livre le visage de son personnage : la solution n'est pas dans l'image ni dans le personnage (qui est une image en mots) mais dans le fait même de contempler l'énigme et de s'interroger sur elle, dans l'œuvre comme questionnement de l'être.
5)
Vous avez quelque chose à ajouter ? Je n'ai pas retranscrit votre réaction à cette peinture ? N'hésitez pas à utiliser les commentaires : à vous la parole !
Commentaires
Très bonne explication du tableau.
Merci Alicia pour ce premier commentaire du blog ! Ce que j'attends maintenant, ce sont vos réflexions, de la même façon que vous vous exprimez en classe à l'oral. Tout à fait librement, ce qui vous vient à l'esprit à propos du sujet évoqué. Qui se lance ?
Par exemple, j'ai retranscrit de mémoire ce que certain.e.s d'entre vous avez dit sur cette peinture, et que je trouve très fort. Mais j'en ai sûrement oublié, ou vous avez encore autre chose à dire. Écrire vos réflexions ici, c'est une bonne façon de les garder en mémoire pour nous tous et de progresser ensemble. La parole est à vous !
Jolie blogue ! Personnellement, je vois sur cette toile un homme qui n'arrive plus à se regarder dans la glace, comme une forme de culpabilité.
Ce tableau est tres interessant . Il peut exprimer plusieurs chose, plusieurs sentiments.
Bonsoir le blog est très intéressant.
Cette toile veut ne pas être un miroir de la réalité mais plutôt quelque chose qui la dépasse c'est pour cela que la toile est perturbante car René Magritte nous fait comprendre que la peinture n'est pas qu'un simple miroir de la réalité, qu'elle peut prendre l'apparence de la réalité mais qu'elle possède en fait un sens caché et c'est plutôt vers cela qu'il faut se tourner.
Sinon bonne nuit par ce que là je suis grave fatigué.
Bonjour, pour moi ce tableau signifie que cette personne ne veux pas voir la réalité en face d'où la représentation d'un deuxième personnage de dos.
René magritte,la reproduction interdite 1937 ce tableau représente un homme qui ne se voir pas dans le mirroir on peut supposer qu'il est mort alors que le livre à côté de plus est bien reflété a travers le mirroir.
Le fait que son visage n'apparaisse pas sur le miroir pourrait signifier que la personne qui s'y regarde nie l'existence de sa face et donc l'existence même de sa propre personne. Il existe aux yeux du monde, des gens qui le regarde, mais pas aux yeux de lui même. Ce personnage n'a pas d'âme et ne peux pas voir son reflet, il n'est qu'un simple corps sans visage.
Mettons la toile dans un contexte historique: En 1937, le mouvement nazi monte en puissance et menace de rentrer en guerre car en Allemagne, il y a une énorme production de matériel militaire. La peinture pourrait, par l’intermédiaire de l'homme se regardant dans le miroir et qui ne voit pas son reflet mais l'arrière de son corps, représenter le refus des dirigeants alliés d'admettre que le traité de Versailles de 1919 ait été mal fait , et, ayant été pris comme une humiliation par les allemands qui rêveraient de se venger, pourraient déclencher une guerre-qui se révélera être d'envergure mondiale-pour annihiler l’humiliation.
Ce tableau pourrait etre interprété comme une image de la redemption..L'homme regarde dans le mirroir mais ne se voit que de dos,et pas de face,comme pour ignorer ou oublier ses erreurs passées.
On peut apercevoir un homme, vu de dos devant un miroir. Mais le problème est qu'on voit aussi son dos dans le miroir alors qu'on devrait voir son portraits mais inversés. Cependant on peut observe un livre et dans le reflet du livre, il est normal. Il y a le reflet inverse du livre dans le miroir. La question qui se pose est pourquoi l'homme et le livre sont traités autrement ?
Bonsoir .
Je vois que le miroir produit tout ce qu'il veut comme bon lui semble.
Je ne peux pas dire qu'en j'aime bien ou pas ce tableau car il m'inspire pas grand chose du fait que cet homme n'arrive pas à voir son visage. Mais ce qui est quand même interssant et mystérieux d'où l'on veux savoir et à chercher à comprendre, pourquoi on n'arrive à voir le reflet du livre et non celui de l'homme?
Ce tableau peut avoir plusieurs interprétations : celle de la culpabilité, du déni, de la damnation (âme perdue) ou encore du jugement de sois même. Pour ma part, j’opte pour quelque chose de plus sombre, ce tableau me fait indirectement penser à la mort. Pour commencer, il est de dos, on aurait pu trouver le même tableau avec un personnage et son reflet de face, dans ce cas, il symboliserai l’avancement, le futur et la capacité à ne pas vivre dans le passé. Mais ici, il est de dos. La position du personnage est en fait anodine, mais le fait que son reflet le soit aussi, pour moi, cela signifie que dans sa vie, dans sa tête, ou dans son cœur il est également « de dos ». C’est à dire, qu’il ne communique plus réellement, qu’il ne vit plus et se contente d’exister. En fait c’est comme s’il était déjà mort.
Ce tableau me fait penser à une citation d’Oscar Wilde : « vivre est la chose la plus rare au monde, la plupart des gens ne font qu’exister ».
J’ai peut-être pousser trop loin mon raisonnement et suis peut-être hors sujet mais voilà ma courte « analyse » personnelle du sens de ce tableau.
P.S. : j’ai aimer la note sur le tableau de Magritte, intitulé La trahison des images (celui représentant une pipe), il s’agit de mon tableau préféré parmi tous ceux que j’ai pu voir jusqu’ici.