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Le blog de Mme GRUEL, professeure de Lettres Classiques

06 août 2012

Histoire d'ourses

Inspirée par l'histoire de "Rebelle", j'ai relu les métamorphoses de Callisto dans Ovide. Callisto était la compagne que la déesse Diane préférait. La fille de Lycaon était "très belle", selon la signification de son nom. Comme Diane, elle passait ses journées à courir dans les montagnes boisées de l'Arcadie, la tunique relevée et les cheveux sommairement attachés.

La "Diane de Versailles" (350 a.C.)

Alors que Callisto se reposait de sa chasse, Jupiter la vit et s'éprit d'elle. Il s'approcha d'elle sous les traits de Diane pour ne pas l'effrayer*. Les compagnes de Diane étaient des jeunes filles ou déesses qui refusaient les avances et le mariage. Quand Callisto se rendit compte qu'il s'agissait en fait de Jupiter, il était trop tard et elle ne put le repousser. Que faire contre un dieu ?

Elle rejoint Diane et ses compagnes, mais elle est tellement honteuse de sa mésaventure qu'elle rougit et refuse de se déshabiller au moment de se baigner* ; Diane comprend qu'elle n'est plus vierge et la chasse.

La pauvre Callisto n'en était malheureusement qu'au premier de ses malheurs. Comme toute union avec un dieu est féconde, elle accoucha d'un fils, Arcas. Ce fut le moment choisi par Junon pour se venger de l'adultère... sur la nymphe infortunée ; elle la saisit par les cheveux et la jeta sur le sol. La métamorphose commença alors :

"ses bras commencèrent à se hérisser de poils noirs, ses mains se courbèrent, se développant en griffes crochues, et firent office de pieds, et sa bouche, tant célébrée jadis par Jupiter, se déforma en une large gueule béante. Pour que ses prières et supplications ne fléchissent pas les esprits, on lui arrache la faculté de la parole ; de sa gorge rauque sortent des cris irrités et menaçants, qui sèment la terreur. Son caractère d'avant subsista quand elle fut devenue ourse." (Métamorphoses, II, 478-485)

Elle mène alors une vie de peur et de solitude, peur des fauves comme des chasseurs... tandis que son fils continue de grandir. Adolescent, il chassait dans la montagne quand il tomba nez à nez avec sa mère. Il prit peur. Celle-ci, reconnaissant son enfant, le suivit en le regardant avec insistance. Arcas voulut se défendre en la tuant. Juste à temps, Jupiter intervint et les transforma en deux "astres voisins". Callisto devint la constellation de la "Grande Ourse" (Arctos en grec, Ursa en latin) et Arcas devint "la Petite Ourse".

La Grande Ourse est une des constellations les plus célèbres. Ses sept étoiles principales évoquent communément une casserole ou encore une cuillère ou une charrue. Les Romains les appelaient le Septentrion (Septem triones, "les 7 boeufs du labour"). Le mot "Septentrion" désigne le point cardinal Nord. En effet, si on prolonge la droite formée à partir des deux points les plus à droite, on atteint l'étoile polaire, au bout de la queue de la Petite Ourse.

Pour les Européens, ce sont des constellations qui sont visibles toute l'année. Ovide l'explique à sa manière : Junon, furieuse que sa rivale soit devenue une constellation - ce qui équivaut à une déification -, va se plaindre au bout du monde, chez Téthys et Océan, les dieux les plus anciens. Elle obtient d'eux que Callisto et Arcas sous leur forme de constellations ne se couchent jamais dans la mer. Au ciel, près de la Grande et Petite Ourse se tient donc Arctophylax ou le Bouvier pour les surveiller...

Justement c'est bientôt la nuit des étoiles, alors ouvrez l’œil...

*Ce moment précis de la légende et le bain de Diane est un thème de prédilection pour les peintres : François Boucher, Rubens, J.A. Gros, Camille Corot... jusqu'aujourd'hui.

 François Boucher (1742)

Source des textes : traduction de Boxus et Poucet sur le site

Bibliotheca Classica Selecta

Source des illustrations :

27 mai 2012

Encore des dauphins !

Nous suivons le sillage des dauphins qui nous conduisent à d'autres de leurs congénères grecs.

1. Les dauphins crétois

   Source : ile-de-crete.com

Ces dauphins sont figurés sur une fresque de Knossos, le palais du roi Minos et du légendaire Minotaure. Bien que très ancienne - antérieure à la date supposée de la Guerre de Troie -, la civilisation minoenne n'en est pas moins raffinée et brillante comme en témoignent ses fresques. Celles-ci brossent le tableau d'une société pacifique et tournée vers la mer. Elle s'est éteinte brutalement à cause d'un tsumani provoqué par l'éruption volcanique de l'île de Santorin (en savoir plus) et a peut-être donné naissance au mythe de l'Atlantide, la cité engloutie... Mais ça, c'est une autre histoire !

                                                                                         

2. Bacchus métamorphose les marins impies en dauphins

Voici à présent une histoire de métamorphose : Ovide la rapporte à la fin du livre III.
Le roi de Thèbes Penthée s'opposait au culte de Dionysos ; ses gardes ayant capturé un des fidèles du dieu du nom Acœtès, il était bien décidé à le torturer à mort. Mais avant, il l'interrogea sur les raisons de son dévouement à Bacchus. Le prisonnier lui raconta alors son histoire.
Comme il était sans biens, il devint navigateur. Un jour qu'il avait abordé à Chios, un des marins captura un très bel enfant. Acœtès eut le pressentiment qu'il s'agit d'un dieu et se montra pieux à son égard... contrairement à ses compagnons. L'enfant se réveilla tout à fait et demanda qu'on l'emmène à Naxos. L'équipage y consentit en apparence. Mais on prit la direction opposée, pour enlever l'enfant et ainsi demander une rançon. Notre brave Acœtès en pleurait de tristesse pour l'enfant. Alors il se produisit une chose extraordinaire : le navire s'immobilise sur les flots, malgré les vigoureux coups de rames et le déploiement des voiles ; Dionysos se révèle sous les traits de l'enfant : le lierre pousse et la vigne se propage sur tout le navire, des bêtes féroces l'entoure ; et les matelots se transforment...

Les hommes sautèrent par-dessus bord, frappés de folie,
ou de peur ; et en premier lieu, le corps de Médon commença
à devenir noir et à se plier, tandis que son dos pressé s'arquait.
Lycabas lui dit : ʻ Quelle forme étonnante prends-tu ? ʼ,
et tandis qu'il parlait, sa bouche devenait large,
son nez se courbait, et sa peau endurcie se couvrait d'écailles.
Mais Libys, voulant tourner les rames qui le gênaient, voit,
en un éclair, ses mains rétrécir et cesser d'être des mains :
elles pouvaient désormais être appelées des nageoires. (Ovide, Mét., III, 670-678 - traduction Boxus & Poucet)



Coupe d'Exékias datant du milieu du VIe siècle (source). Pour lire une description de l'image, cliquez ici.

Partout ils font des bonds et éclaboussent abondamment,
émergent à nouveau puis retournent encore sous l'eau.
Ils exécutent une espèce de chœur, lançant gaiement leurs corps
et soufflant de leurs larges narines l'eau de mer qu'ils ont aspirée.
(ibid., v. 683-686)
                                                                                  
Seul Acœtès garda sa forme humaine et conduisit le dieu à Naxos, où il fut initié aux mystères de son culte. Emprisonné par Penthée, il eut néanmoins la vie sauve : les portes de la prison s'ouvrirent et ses chaînes tombèrent d'elles-mêmes !

15 février 2012

Des ailes aux pieds

Parlons un peu de mode : j'ai découvert cette semaine une ligne de chaussures munies d'ailes à l'arrière et sur les côtés, dessinée par Jeremy Scott.


Comment ne pas penser aux représentations de sandales ailées sur les vases grecs ?
Je suis tombée par hasard sur l'article de Yalouris Nicolaos : Pteroenta Pedila sur le site Persee.fr dont voici quelques bribes.
La représentation de la chaussure ailée est apparue en Grèce à partir de 625 a.C. Seuls quelques privilégiés avaient droit à cet accessoire hors norme : Persée, les Gorgones, Hermès, la Victoire mais aussi des démons, le dieu Borée, Atalante, dont la rapidité de la course était ainsi soulignée.
Présent en différents points de la Grèce, cet attribut était particulièrement en vogue en Ionie et en Attique, où il existait deux types de représentations. Le type ionien provient des représentations de divinités portant des ailes sur les omoplates : l'aile est à l'arrière de la sandale et s'enroule en volute vers le haut.
Sur le site histoire-fr.com, j'ai trouvé cet Hermès :

Dans le type athénien, l'aile est positionnée à l'avant de la chaussure, arquée vers le bas.
Voici un détail du dinos du Louvre où une Gorgone poursuit Persée : les deux personnages portent les sandales ailées.


Pendant la période la plus récente, un nouveau type apparaît, combinant l'aile à l'avant et l'aile à l'arrière.
Voici une amphore corinthienne représentant Persée tuant le monstre pour délivrer Andromède.

Tandis que les sandales ailées peuvent être l'attribut de certains personnages - on pense tout de suite à Hermès -, elles sont pour le héros Persée véritablement un objet merveilleux qui l'aide dans sa quête, don des Nymphes avec la besace et le casque d'Hadès, dans des récits très anciens, que les Grecs se racontaient à la manière de nos contes.
Comme j'ai l'habitude de le dire : "L'Antiquité, tout est déjà là !"

26 janvier 2012

L'histoire de la nymphe Io vue par le dessinateur Nadja

14 janvier 2012

Kilian Jornet à la conquête du Mont Olympe : un Phidippidès du XXIe siècle

Kilian Jornet est un sportif espagnol. Il est spécialisé dans le ski de montagne, l'ultratrail et la course à pied en montagne.

il s'est attaqué au mont Olympe, la plus haute montagne de la Grèce, dont j'ai parlé cette semaine à certaines classes. L'Olympe était la demeure des dieux pour les Grecs de l'Antiquité.
Je vous laisse apprécier l'exploit et la beauté des images...

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