En utilisant des figures d'argiles et des images d'archives, RITHY PAHN témoigne des atrocités commises par les khmers rouges au Cambodge entre 1975 et 1979. Les crimes du régime Khmer rouge couvrent l'ensemble des meurtres, massacres, exécutions et persécutations ethniques, religieuses ou politiques commis par ce mouvement communiste. Durant quatre ans, les Khmer rouges, dont le chef principal était Pol Pot, dirigèrent un régime connu sous le nom officiel de Kampuchéa démocratique, qui soumit la population à une dictature d'une rare violence et dont la politique causa, au minimum plusieurs centaines de milliers de morts.
Ce film est un chef d'oeuvre du cinéma documentaire. Il nous permet de mieux connaître ce massacre subit par les civils : ils étaient obligés de quitter les villes en quelques heures, tels que la capital Phnom Penh ; de travailler de force dans les champs pour créer une nouvelle population cambodgienne. Cependant, ce film nous permet également de nous poser des questions cinématographique tels que, comment réussir à faire vivre des personnages immobiles, et à susciter de l'empathie au spectateur pour eux ? Comment inclure, dans son récit, un pronom personnelle « je » en parlant des autres ? Comment interpréter les images de ce film ? Je vous propose une discution cinématographique à travers ces trois questions que je me suis posé en regardant ce film.
Dans son film, RITHY PANH, inclut des figures d'argile pour illustrer son récit. Ces différentes statuettes sont fixes. Malgré cela, RITHY PANH réussi à les rendre vivantes : on croirait se trouver dans son village, on souffre comme eux dans les champs, et on compatit pour les morts. "Avec de la terre et de l’eau, avec les morts, les rizières, avec des mains vivantes, on fait un homme. Il suffit de pas grand-chose. Il suffit de vouloir. Son costume est blanc, sa cravate sombre. Je voudrais le tenir contre moi. C’est mon père…" Par la magie du cinéma et le talent d’un sculpteur, qui fait naître sous l’œil de la caméra personnages, décors et accessoires, puis les peint, Rithy Panh parvient à évoquer, avec une émotion puissante et toujours contenue, ce qui, pour tant de rescapés, demeure indicible : les souffrances vécues jour après jour, la douleur du survivant. Ses minuscules statuettes d’argile, la musique et le bruitage permettent de créer une étonnante humanité, qui dénonce toute l’inhumanité des quatre années de terreur khmère rouge.
Pour raconter son récit, RITHY PANH demande à l’écrivain français CHRISTOPHE BATAILLE aide le cinéaste à trouver des mots simples, touchants et empreints de poésie pour raconter la tragédie d’une famille et d’un peuple, la cruauté et l’absurdité du régime Khmer rouge, la faim et enfin le traumatisme qui colle à la peau. Au delà du devoir de mémoire, il y a là un besoin vital de raconter. Il arrive ainsi à inclure le « je » pour raconter de son point de vue sur l'invasion khmère rouge, mais il inclut également la souffrance des autres civils en détaillant l'horreur qu'il a subit, le spectateur comprend donc que cette horreur a été subit par tous les cambodgiens.
Une image de ce film a particulièrement susciter l'attention des spectateurs : une mer déchainée. Cette image nous la retrouvons à trois reprises dans le film. Nous pouvons donner plusieurs interprétations à celle-ci : le déchainement peut nous faire penser à la violence et l'horreur qu'à subit RITHY PANH lors de l'invasion Khmer rouge ; en revanche nous pouvons aussi interpréter celle-ci avec le souvenir qui revient « à la surface ». En effet, le fait de voir plusieurs fois l'image dans le film, nous permet de mettre une pause dans le récit comme si RITHY PANH réfléchissait et chercher au plus profond de lui les souvenirs de l'invasion.
Pour terminer cette article, je conclurais par une citation de RITHY PANH : « Il y a tant d’images dans le monde, qu’on croit avoir tout vu. Depuis des années, je cherche une photographie prise entre 1975 et 1979 par les Khmers rouges, quand ils dirigeaient le Cambodge. A elle seule, bien sûr, une image ne prouve pas le crime de masse ; mais elle donne à penser. A bâtir l’histoire. Je l’ai cherchée en vain dans les archives, dans les papiers, dans les campagnes de mon pays.
Maintenant je sais : cette image doit manquer ; et je ne la cherchais pas - ne serait-elle pas obscène ? Alors je la fabrique. Ce que je vous donne aujourd’hui n’est pas une image, ou la quête d’une seule image, mais le récit d’une quête : celle que permet le cinéma. » Ainsi l'image de l'époque, qui manque, a été recréée par RYTHY PANH. En incluant plus qu'une photographie. Il a réussi à nous retranscrire la violence des Khmers rouges, la peur que les civils ont subis, et surtout l'incompréhension de RYTHY PANH, qui n'avait que 13 ans à l'époque.