Le château de Pierrefonds

Depuis sa plus tendre enfance, cet endroit où vivait sa tante représentait ses peines et ses angoisses, sa joie et son bonheur...



Le château de Pierrefonds

         Sara Fèle vivait à Paris avec ses parents. Tous les trois mois, elle se rendait chez sa tante du nom d’Ania, habitant à la lisière du bois de Compiègne en Picardie.

Depuis sa plus tendre enfance, cet endroit où vivait sa tante représentait ses peines et ses angoisses, sa joie et son bonheur. Toutes ses émotions enfouies au fond d’elle-même, elle ne pouvait se permettre de les partager avec quelqu’un tant ce lieu la libérait intérieurement.

Dans les environs se trouvait un château médiéval nommé Pierrefonds que Sara appréciait mais méprisait tout autant. Ce château, elle en connaissait les moindres recoins ; des sculptures aux statues en passant par les tapisseries brodées à la main. Dès qu’elle avait su lire et réussi à atteindre les tablettes d’information, elle avait appris l’histoire de chaque tapisserie. 

        Sara ayant désormais quatorze ans, ne se laissait plus attendrir par le côté protecteur et magique de Pierrefonds. Bien au contraire.

Lorsqu’elle se promenait dans les allées précédant l’entrée du château elle pouvait apercevoir les arbres avec leur tronc dominant ou encore les feuilles vertes éclatantes, ravissantes de jeunesse et de santé. D’autres, quant à elles, étaient mordoré, se laissant mourir de leur dernier hiver et se déposaient ensuite délicatement sur le sol déjà vert de l’éclat du printemps. Malgré cette harmonie de couleurs, Sara ressentait un certain malaise. En continuant le chemin, une fois à l’entrée du château, une réelle agitation la fit sursauter.

Au niveau du pont-levis elle sentait une odeur de bois frais mais une autre senteur de déchets et de fruits ayant rendu l’âme la dégoutait au plus haut point. Les statues aux extrémités du pont semblaient se moquer d’elle pour les doux parfums embaumant l’air matinal du lieu qu’elle avait particulièrement apprécié.

      Sara arrivait au cœur de Pierrefonds. L’empire qu’elle détestait parmi tous les endroits du château se trouvait être le cœur. Elle semblait y ressentir les anciennes émotions des personnes s’étant retrouvées exactement où elle se situait ; piégée dans cette cour principale, sans aucune issue. A droite, de grandes portes en pierre précédées d’escaliers dominaient les extrémités de la cour. A gauche, des tours toujours plus grandes et éclatantes à la lumière du soleil attiraient l’attention. Elles jaillissaient de chaque côté du château et de telle façon que l’odeur des fleurs ne s’y faisait plus sentir.

Les portes autour de la cour étaient d’un bois sombre, comme en temps de guerre où seule la pierre pouvait combattre le feu. Il fallait qu’elle entre dans ce mystérieux domaine que rois et reines avaient frôlés la mort certaine de près.

Oui, si elle détestait tant cet endroit, c’était bien à cause du passé tragique et de l’énergie que le château pouvait libérer. Mais en même temps, ce château ne lui faisait-il pas se sentir libre et sans aucune frontière ? Cette énergie que libérait le château, ne l’aimait-elle pas finalement ? Et puis ne passait-elle pas tout son temps libre entre ces murs qu’elle redoutait tant ?

       Elle continua sa longue marche dans le château. Et c’est ainsi que tous ses sens se sentirent comme hypnotisés devant des murs remplis de tapisseries et de statues ornées de pierres et de couleurs. Le sol résonnait comme une caisse claire en plein concert. Ce bois lavé avec un produit ménager au citron l’écœurait. Dans la salle du trône, elle se sentait beaucoup moins piégée que dans la cour principale.

Son sixième sens se mettait en éveil. Dans cette pièce, aussi étrange que cela puisse paraître, Sara ne ressentait plus l’esprit de Mars envahir le lieu et son être. Son côté tendre prenait le dessus. Elle rêvait de se transformer en une magnifique princesse, de se trouver dans les bras de son prince charmant et de vivre dans un magnifique château en porcelaine…

 

Comme quoi, une goutte de magie peut transformer un point de vue, aussi horrible qu’il soit.  



M.B.