LEVEZ-VOUS !
Peu avant l’aube, aux alentours de 5h30 du matin, le régiment français s’active plus que la normale. En effet, les attaques des casques à pointe ont été particulièrement destructrices pour nos camps. La tranchée nord à été atteinte par une série d’obus allemands atteignant violemment nos régiments et enlevant encore de pauvres âmes courageuses à notre France. Seul une dizaine de soldats ont survécu à ce massacre et quelques bourrins ont été blessés. Un de ces survivants a accepté de nous décrire cette horrible expérience, lui-même ayant été atteint par des éclats d’obus. C’est le poilu Bernard Lenglen qui a répondu à l’appel :
- Que s’est-il réellement passé Bernard ?
- J’étais là, essayant de me reposer un minimum en allumant ma dernière camouffle quand un Jass avec une main tenant son bras déchiqueté est venu me crier : « Lève-toi ! Une dragée est tombée dans la tranchée ! Ils vont débarquer … » Malheureusement il n’a pas pu terminer sa phrase car une balle est venue l’achever … J’ai saisis Joséphine, quitté ma cagna avec ma croûte et je me suis dépêché … Je devais défendre mon pays contre ces sales boches qui avaient décidés de nous voler une partie de notre patrie. En courant dans la tranchée défoncée, j’ai croisé tout mes poteaux plein de sang, certains la face contre terre.
Il fondit en sanglot à ses mots. Les différentes parties de son visage encore bien visibles étaient contractées de douleur. Tout son être était faible, et son corps ne ressemblait plus à rien.
- J’étais complètement désorienté, reprit-il, à cause des obus et des différents chocs reçus. C’est à ce moment précis que j’ai compris qu’il fallait que j’aille jusqu'à donner ma vie pour mon pays, ma femme et ma fille, et c’est justement pour elles que je me suis battu. Je suis arrivé sur les lieux de l’explosion, pleins de boches arrivaient en masse tandis que les troupes françaises se redressaient tant bien que mal. Le juteux donna les ordres et une machine sans cœur s’emparait de moi : il fallait anéantir l’ennemi.
- Mais comment avez-vous reconstruit la tranchée ?
- Nous ne l’avons pas reconstruite, car malgré qu’il n’y ait eu qu’un obus, la boue s’est écoulée de part et d’autre de la tranchée durant l’assaut. C’était impossible de pouvoir reconstruire quelque chose alors que nous étions en position de faiblesse et à découvert ! De plus, les tranchées sont faites en boue solidifiée mais là à cause du mauvais temps, il nous était impensable de pouvoir refixer quelque chose par-dessus… Nous avons donc préféré combattre au lieu de rester là à remodeler de la boue vous comprenez ?
- Bien sûr ! Et je pense que toute la France vous en est reconnaissante. Comment vous sentez vous à présent ?
- Je me sens apaisé, malgré le fait que je n’oublierais jamais les conditions dans laquelle cette chère France nous a mise… Nous étions 4 en tout… Quatre frères de cœur, de sang, d’âme… Tous, sauf moi, sont morts … tous sans exception. Je… Je ne me voyais pas vivre sans eux… Vous savez, quand la guerre vous enlève tout, votre force en premier, votre moral ensuite, et pour finir les personnes auxquelles nous nous sommes attachés comme à des aimants… Ma femme me manquait énormément et je ne sais même pas si elle est encore en vie… Dans ce cas, ma fille de dix ans doit être entrain de vivre toute seule, abandonnée dans ce monde dans lequel elle est censée survivre comme une femme, forte, à dix ans… et si ça ce trouve je n’ai même plus de famille, plus de raison de vivre, plus rien… La guerre m’a tout enlevé et je ne pourrais jamais le récupérer…
Une explosion à Verdun en 1916.
Nous avons laissé ce pauvre soldat méditer sur lui même, sur les atrocités de la guerre, et nous voulons que vous soyez au courant des atrocités que les allemands, mais pas qu’eux, nous procurent. Les soldats sont sous les ordres des commandants et des généraux qui ne se préoccupent pas de leurs états d’esprit et de leurs opinions ! Ils utilisent leurs vies comme de simples ballots de paille, sans importance, alors que ce sont la vie de nos hommes ! De nos frères ! Levez-vous ! Aidez-les à en finir une fois pour toute avec cette guerre beaucoup trop longue, qui défigure, qui arrache, qui déshumanise nos troupes…
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Texte écrit et imaginé par Paul Tollié et Maëlle Besnardeau - Mars 2016