Vous êtes engagée dans différentes causes, quelles sont les motivations de ces engagements ?

 Je crois que quand on a grandi dans une forme de « misère sociale » et qu’on a dû demander à un moment donné de l’aide à des associations, compter aussi sur la générosité des gens autour de nous, et c’est ainsi que j’ai grandi, du coup je suis à la fois très reconnaissante de ce qui m’arrive et j’ai besoin aussi de le rendre d’une manière ou d’une autre.

Même si pour moi c’est déjà un partage que d’être sur scène, de chanter, de partager des émotions à travers les chansons, c’est vrai qu’être active dans l’associatif, dans l’humanitaire, cela me permet vraiment de rendre un peu de ce qu’on m’a donné. Cela me permet aussi de donner un vrai sens à tout ce qui m’est arrivé, à la chance que j’ai pu avoir. Je n’ai pas envie de garder tout pour moi, on va dire !

 

Oui, vous êtes partie récemment au Sénégal.

 En fait, j’y vais depuis toujours et c’est vrai que l’UNESCO m’a proposé d’être marraine d’un programme d’alphabétisation sur place, d’aller rencontrer des femmes qui en bénéficient, qui apprennent à lire, à écrire, à compter.

J’ai été séduite d’abord par le fait que ce soit sur le continent africain, le continent de mes ancêtres, et je me suis dit : « C’est plutôt cool d’aller à l’étranger pour défendre ces causes ! ». Et puis comme il s’agissait d’alphabétisation et que moi-même je suis d’une famille qui n’a pas forcément eu accès à l’école, notamment mes grands-parents, j’ai vraiment le sens de l’importance de l’école et je sais à quel point aujourd’hui, même en étant chanteuse, je suis super heureuse d’avoir eu la chance d’être éduquée, alphabétisée.

Aujourd’hui, j’ai monté ma boîte, je coproduis mon spectacle, ce sont des choses que je n’aurais peut être pas pu faire si je n’avais pas eu la chance d’accéder à l’école, d’être éduquée tout simplement pour être plus forte face à la vie qui est déjà difficile.

Et comme il s’agissait de femmes et que j’ai été élevée par une femme seule, qui a été élevée elle-même par une femme seule, le programme m’a vraiment séduite et j’y suis allée sans réfléchir. Cette année, j’y allais pour la deuxième fois, donc je revoyais les femmes qui bénéficiaient du programme déjà depuis plus d’un an et je sais que cela a complètement changé leur vie. Et puis, même si on se dit que l’alphabétisation n’est pas la chose la plus urgente à défendre, parce qu’il y a les maladies, la famine, la pauvreté, j’ai eu quelques chiffres au départ qui m’ont vraiment choquée, notamment le sida qui se développe plus vite chez les illettrés, ou le fait qu’un enfant qui a une maman illettrée a cinquante pour cent de risques de ne pas dépasser l’âge de cinq ans par exemple.

Donc voilà, je me suis rendu compte en me documentant que l’illettrisme était aussi une des causes qui facilitait l’avancement de fléaux comme la pauvreté, le Sida ou la famine. Donc pour moi essayer d’aider à alphabétiser des personnes, c’était aussi aider à éradiquer de grands fléaux dans le monde et je suis très heureuse d’être marraine de ce programme ! (sourires)

 

 Vos chansons parlent beaucoup d’amour, c’est un sujet qui vous intéresse, vous touche?

 Ce n’est pas que le sujet de l’amour m’intéresse ou me touche, c’est que j’ai l’impression que, de manière générale, toute l’existence tourne autour de l’amour. Ce n’est pas forcément l’amour amoureux entre une fille et son copain, c’est l’amour au sens large, avec un grand A. Moi, quand je parle de ma famille, c’est de l’Amour, quand je parle de mon public, c’est de l’Amour, quand je parle de la vie, c’est de l’Amour.

C’est peut-être un mot qui est devenu un peu « bateau » et c’est presque « bateau » d’en parler dans ses chansons, mais pour moi c’est tellement moteur. Si je fais ce métier, c’est par amour, si je suis là ce soir (pour le concert à Puteaux, ndlr), c’est par amour. Franchement, je ne vois pas quel autre moteur ou sur quel autre sujet je pourrais passer des heures à m’étendre et à chanter.  Alors pour moi c’est vraiment un sujet qui ne s’épuise pas et je sais que j’aurai envie d’en parler dans dix ans, vingt ans, trente ans mais sous toutes ses formes ! (sourires)

 

Ecrivez-vous vous même vos chansons ou collaborez-vous avec des auteurs ?

 J’écris tous mes textes, ceux que je n’écris pas, je les coécris. J’ai eu la chance que de grands auteurs m’écrivent des chansons et là, pour le coup, je n’ai pas envie de changer une virgule. Quand c’est Charles Aznavour ou Jean-Jacques Goldman qui vous écrive une chanson, on ne change pas un mot, pas une syllabe (rires).

C’est vrai que je tiens à écrire, surtout depuis mon deuxième album, et c’est une femme qui m’a donné confiance en moi : elle s’appelle Diams. Je l’ai rencontrée sur mon premier album, on a écrit ensemble « Ma philosophie ». C’est un peu un accident, parce que je ne voulais pas écrire au départ.  Elle m’a dit : « Tu es auteure, tu ne te rends pas compte, tu as plein de choses à dire, tu les dis bien, à ta manière ». Donc mon deuxième album, A 20 ans, c’est moi qui l’ai écrit dans son intégralité, c’était tout nouveau pour moi, je n’avais jamais pensé que j’étais capable de le faire.

 

Quels seront les principaux thèmes de votre prochain album ?

 L’album s’appelle Instinct : c’est ce qui a donné le nom de la tournée « Instinct Tour ». Les thèmes sont tous différents ; j’ai toujours été inspirée par la vie, la vie qui m’entoure. Je ne suis pas une poète, je n’écris pas de poésie pour raconter des choses abstraites. Je suis très terre à terre, j’ai besoin d’expliquer le monde qui m’entoure, de me l’expliquer en chansons, de me consoler ou de me donner le sourire dans des moments bien particuliers. Quand j’en ai besoin, j’écris sur une feuille et je chante derrière. Donc les thèmes sont très simples et j’essaye d’exprimer avec le plus de précision possible en terme d’émotion, pour que les gens puissent s’y retrouver, s’identifier, se consoler ou puiser une énergie super forte quand ils écoutent la chanson, pour que cela les aide d’une manière ou d’une autre. En tous les cas, j’essaye qu’il y ait un vrai partage, qu’il y ait quelque chose qui passe à travers les chansons.

 

 Vous êtes en pleine tournée, comment se passe-t-elle ?

 (Rires) Très bien ! Avant de partir sur les routes, on a toujours le trac, on ne sait pas si les gens seront au rendez-vous, surtout quand cela fait un petit moment que l’on est présente dans la chanson. Cela fera dix ans l’année prochaine et je suis à chaque fois toujours autant surprise et étonnée de voir le monde assis devant moi ou debout dans une salle de concert. A chaque fois, c’est beaucoup d’émotions, et il y a de beaucoup doutes avant, et un grand soulagement après.

 Vous avez déjà un peu d’expériences dans le cinéma, est-ce que vous aimeriez commencer une vraie carrière d’actrice ?

 Je suis chanteuse, je ne pourrais pas avoir une carrière à plein temps d’actrice puisque ce n’est pas mon métier.

J’estime que, quand on a la chance d’être invitée à faire autre chose que ce que l’on fait dans la vie de tous les jours, il faut le faire, ce serait bête de le refuser surtout quand ce sont des choses qui sont intéressantes, instructives, constructives. C’est toujours bien quand on est une notoriété, une « célébrité », de faire des choses à côté, aussi quand elles vont dans le bon sens et dans le sens de sa carrière.

Demain, si je suis dans un gros film avec un petit rôle sympa parce qu’on m’y a invitée, que la personne sait que je ne suis pas actrice mais qu’elle a envie de m’apprendre et qu’elle pense qu’il y a quelque chose de bien à faire avec moi, je le ferai. Maintenant, je ne suis pas du genre à dire : « Je suis chanteuse, mais je suis aussi actrice donc demain je vais passer des essais pour faire le nouveau Audiard », ce n’est vraiment pas mon genre. 

Mais je le ferais pour l’expérience et, encore une fois, vraiment si j’y suis invitée. Cela ne vaut pas que dans le cinéma, mais dans tous les domaines. Si j’ai deux mois de libres et que l’on me propose de m’apprendre à faire des cascades de voitures, je le ferai : c’est pour moi une aubaine de pouvoir apprendre des choses encore à mon âge et de se dire que ce n’est pas parce que je ne suis plus à l’école que j’ai fini d’apprendre des disciplines, des choses sur la vie.

Même si chanter reste ma passion ultime, je ne me nourris pas que de ça et je pense que c’est bien d’avoir d’autres passions, des loisirs. On va dire que mon métier a piqué mon loisir, donc je n’ai plus vraiment de loisirs. Alors quand on m’en propose, j’y vais !

 

Vous avez rencontré plusieurs fois Céline Dion, que pensez-vous d’elle ?

 Je trouve que c’est une des plus grande voix du monde.

C’est ce que je disais dans l’émission, quand j’ai eu la chance de discuter à nouveau avec elle pendant les interviews : on dit aux États-Unis les « stars », les « stars », parce que les stars américaines sont inaccessibles ; on ne peut pas vivre avec elles, elles ne nous racontent pas leur intimité, c’est toujours très travaillé, à l’américaine. Mais elle, c’est une star, une étoile, qui est accessible parce qu’elle a le côté francophone-français, enfin canadien, mais elle a toute sa carrière en France. Donc son côté français fait qu’elle est une star accessible, humaine, humble, comme nos stars françaises : comme Cabrel, comme Goldmann, comme Aznavour. C’est très français d’être comme cela.

Alors qu’on peut rire avec Céline Dion et l’embrasser, on ne peut pas embrasser Mariah Carrey, Rihanna ou Beyoncé.  Elle a le talent qui la rend inaccessible, parce que personne ne peut égaler son talent, et en même temps la femme qu’elle est fait qu’elle pourrait être une tante, une sœur, une cousine.

Chaque fois que je la rencontre, c’est toujours son humilité qui me « met sur le cul » (vulgairement parlant), parce que on se dit : « C’est Céline Dion, elle chante à  Las Vegas, elle a eu un Grammy Awards, le single le plus vendu de l’histoire de la musique, trente ans de carrière, il n’y a pas un faux pas, des millions d’albums vendus… » et à côté de cela, elle arrive et elle te « claque la bise », elle te parle comme si elle était ta voisine.

Je me rappelle une anecdote quand elle est venue faire Les Enfoirés, il y a trois ou quatre ans. Ils étaient tous dingues à la production : « Il faut faire une loge spéciale pour Céline Dion » (parce qu’aux Enfoirés, entre chaque chanson, les filles se changent avec toutes les filles et les garçons avec tous les garçons : il n’y a pas de loge individuelle). Ils avaient fait une super loge pour elle toute seule, et elle arrive : « Eh je ne veux pas être toute seule dans ma loge, je veux être avec toutes les filles ! ». J’ai pu voir Céline Dion en culotte ! On se dit qu’elle pourrait en « faire des caisses », et elle est plus simple que n’importe quelle personne. Voilà pourquoi j’aime Céline Dion.

 

 Quel genre d’adolescente étiez-vous ?

 Je dois d’abord dire que je travaillais bien à l’école, j’aimais beaucoup l’école.

J’étais un peu garçon manqué donc je faisais un peu des « sports de gars » : je faisais du foot (j’étais la seule fille dans une équipe de garçons, j’avais la douche des arbitres !), je faisais du judo, de la boxe anglaise. J’étais un peu garçon manqué aussi parce que je n’avais pas forcément de féminité, je ne me trouvais pas forcément jolie, j’étais un peu trop ronde. J’étais un peu cachée derrière une armure, genre je suis un garçon.

Parfois, cela a été un peu difficile parce que, comme tout le monde, j’ai eu mes petits amoureux, mais j’étais plus le « pote » que la nana jolie avec qui on a envie de sortir. Il y a eu des moments difficiles, mais c’est aussi de très belles années dont je me souviens et j’ai plein d’amis. En résumé, j’ai bien aimé ma scolarité.

 

 Avez-vous un message à faire passer aux collégiens ?

 Le collège et le lycée, c’est hyper lourd, relou. Les devoirs, je m’en souviens comme si c’était hier. Mais un jour, ça passe quand on trouve vraiment son objectif, ce qu’on a envie de faire dans la vie, tout ce qui nous paraissait super lourd à l’époque devient des armes pour réussir dans la vie. C’est s’accrocher, s’accrocher, s’accrocher, à la fois à sa scolarité mais aussi à ses rêves, à ses objectifs, s’aérer aussi la tête avec des passions, ce qui fait du bien.

Et puis un jour tout cela passe et on devient adulte, une femme, un homme, et on change et on prend un peu sa revanche sur ces années collège et lycée (rires).

 

Merci beaucoup !

 Mais de rien, avec plaisir !

 

 

 

Un grand merci à :

Mme Lafargue, qui nous a mis en contact avec la production d'Amel Bent

Mme Rey-Herme et Mme Rondeleux, qui ont appuyé la demande d'interview

Moussa, qui était présent pour l'interview !

Julien, coproducteur et producteur du spectacle, qui nous a si bien accueillis

 

Et mille mercis à Amel Bent pour sa gentillesse et le temps précieux qu'elle nous a accordé juste avant son spectacle génial !!! :)