Un jeune clandestin

               « Une vision »

                           Rendez-vous avec quelqu’un qui a vu et vécu…

Nous avons pu rencontrer un clandestin tout fraîchement arrivé en France. Il a accepté de répondre à nos questions sur son périple.

D’où venez-vous précisément ?

Je viens d’Afrique du Sud et plus précisément je viens de Johannesburg.

Pour quelles raisons avez-vous quitté votre pays d’origine ?

J’ai quitté mon pays à cause de l’extrême pauvreté qui augmentait de plus en plus.

Avez-vous laissé de la famille dans votre pays d’origine ?

Oui, toute ma famille. Ma femme, mes enfants, mes parents…

Je ne pouvais pas les emmener car le voyage est trop dangereux, et je ne voulais pas les perdre. Il y aussi le gros problème d’argent que nous devons donner au passeur. Toute la famille doit se cotiser et se priver pour en avoir assez. Il n’y a donc qu’une personne par famille qui peut y aller.

Lors de votre venue ici, avez-vous rencontré d’autres immigrés ?

Oui, nous étions beaucoup à vouloir quitter le pays. J’ai encore des contacts avec certains. Le voyage forge des liens que personnes ne peut comprendre. Mais j’ai été content d’en quitter quelques uns car ceux là étaient très agressifs et dégagent une mauvaise impression sur les pays qui ouvrent leur porte pour nous.

Comment avez-vous fais le voyage jusqu’en France ? Et combien de temps cela vous a-t-il pris ?

Le voyage m’a pris un peu moins d’un mois pour arriver en Europe. Je suis tout d’abord monté clandestinement dans une soute à bagage d’un bus, ensuite j’ai retrouvé les « passeurs » que j’avais payé ma place pour partir. Nous sommes montés à une vingtaine dans une jeep qui n’avait qu’une dizaine de places. Nous étions entassés comme des animaux. Nous sommes arrivés tard la nuit au bord de la mer où d’autres passeurs nous attendaient avec une barque. Elle n’avais pas l’air solide du tout mais personne ne s’est plaint de peur de se faire battre par nos « sauveurs ». Nous nous sommes souvent arrêtés avec la barque car celle-ci avait beaucoup de problèmes de fuites, de moteur…Nous avons failli nous faire prendre plus d’une fois mais au début nous étions à côté des plages de pays pauvres, nous n’avions pas grand chose à craindre… Après y être arrivé, il nous fallu deux semaines pour arriver en France. Cela a été un peu plus simple mais plus dangereux. Nous devions entrer dans un camion et ne plus en bouger pendant ces deux semaines. Le temps nous a paru incroyablement long. Certains sont morts, les passeurs laissaient les cadavres jusqu’à la tombée de la nuit pour les jeter dans un endroit où personne ne les découvriraient…

Après être arrivé à bon port, les passeurs nous ont laissés nous débrouiller seuls. Certains, comme moi, s’en sont sortis, d’autres se sont fait arrêter dans l’heure qui suivait.

Nous avons pris beaucoup moins de temps pour arriver en France. Deux, trois jours ont sufis. Il nous a suffit d’être prudent et de marcher la nuit et de se cacher le jour.

Êtes-vous plus heureux ici, ou pas ?

Sincèrement, oui. Là où je vivais, on ne savait pas quand on s’endormait si on allait rouvrir les yeux le lendemain matin. Mais en même temps, ce n’est pas très facile ici non plus. Il y a beaucoup de racisme, surtout envers les noirs.

Pensez-vous qu’il est facile d’arriver en France en tant qu’immigré et de se construire une nouvelle vie ?

Je pense que c’est assez compliqué. Il faut avoir beaucoup de patience ainsi que de la chance pour pouvoir se faire intégrer dans ce pays. Cela prend énormément de temps pour se faire entendre.

Avez-vous trouvé un travail ? Un lieu pour vivre ?

Au début, j’ai travaillé au noir. J’y étais obligé car sinon je ne trouvais pas de travail. Je suis tombé sur des gens bien qui m’ont aidé à avoir plus vite mon visa.

Etes-vous souvent confronté au racisme ?

Cela dépend des endroits où je vais. Là où je vis, les gens me connaissent maintenant, donc je ne le suis plus. Mais quand je vais dans certains lieux « huppés », certaines personnes ne voient pas d’un bon œil que j’y sois.

Pouvez-vous finir en nous disant quelque chose que vous pensez importante ?

Tout ce que j’ai à dire, c’est à ceux qui veulent, comme moi, quitter leur pays pour venir en Europe. N’imaginez pas que la France est le paradis, il y a des gens qu’on ne dérange pas, mais d’autres qu’on insupporte. Il faut faire attention car ceux qui ont un visa ne sont pas obligatoirement acceptés pas la population. Il est difficile d’avoir un visa, de trouver un travail, un domicile …

Voilà tout ce que je peux vous dire.

Propos recueillis par Anne-Charlotte M.