"Trompe-la-mort" au pays de dandy

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le 16 mars au palais Garnier, nous avons assisté à la première de l'opéra Trompe-la-mort de Luca Francesconi, d'aprés l'oeuvre de Balzac . Avant de vous donner nos impressions sur le spectacle, voici des extraits d'un article paru dans le journal Libération ce 24 mars.

" S'inspirant de Vautrin, l'ambigü héros balzacien, le compositeur italien Luca Francesconi crée au Palais Garnier un majestueux opéra mis en scéne par Guy Cassiers. Une commande qui s'inscrit dans un cycle d'adaptations de grandes oeuvres littéraires.

...Quand le directeur de l'Opéra de Paris, Stéphane Lissner, lui a demandé quel sujet littéraire avait sa préférence pour composer une grande oeuvre contemporaine, le compositeur de 56 ans, qui a déjà écrit huit opéras, a immédiatement choisi Balzac et le personnage de Vautrin.

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Laurent Naouri incarne Vautrin, serpent de mer de "La Comédie humaine"

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

...Vautrin est un insaissable , un serpent de mer qui apparaît sous des patronymes différents au gré des parties de trois romans: Le pére Goriot, Illusions perdues et surtout Splendeur et misère des courtisanes où son génie du mal éclos et se perd... Francesconi a choisi de structurer son livret par un système de narrations alternées. Les trames désossées des trois romans s'y culbutent dans des univers différents.

... Quand à la musique...Elle coule d'évidence. Le compositeur, élève de Berio et fondateur de l'Agon (Centre italien de recherche et d'expérimentation musicale), est rompu à tous les courants et ne réfléchit plus en terme de langage. "J'ai étudié le travail des maîtres, j'ai fait un pas, mille pas devant l'avant-garde. Il faut aller au-delà de l'impasse de la vieille musique contemporaine. Je suis fatigué par son manièrisme." A l'importance du langage, il substitue aujourd'hui celle de l'intensité, pioche dans tous les idiomes et inscrit sa démarche compositionnelle entre deux axes. D'un coté, les sons, organisés de la tonalité la plus sage à l'atonalité la plus aventureuse, jusqu'au bruitisme. De l'autre, le rythme, qui brasse du 4/4 rassurant à la destructuration totale. Francesconi déplace son curseur sur ces deux échelles pour bâtir "un jeu de tension qui va nourrir les phénomènes dramatiques".

... Ce Trompe-la-mort représente pour le directeur de l'Opéra de Paris un enjeu fort. A sa prise de fonction en 2014, il décide de relancer les créations mondiales, soit les oeuvres nouvelles commandées à des compositeurs encore en vie, comme toute bonne maison d'opéra inscrite dans son temps se doit de le faire... Germe alors dans la tête du directeur l'idée d'attirer des publics alternatifs: ceux du monde du théâtre, qui se déplaceraient peut-être à l'opéra pour un programme inspiré d'oeuvres de la littérature française... L'affaire est lancée et, victoire! deux grands noms de la scène lyrique nationale acceptent de participer. Ce sera la soprano montante Julie Fuchs dans le rôle d'Esther la fille légère et le baryton expérimenté Laurent Naouri dans celui de Vautrin l'assassin.

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Dégageant une lumière feutrée et brillante à la fois, les vidéos montrent des intérieurs du Palais Garnier

 

 

 

 

 

 

 

 

 

...Et il ressemble à quoi alors ce Trompe-la-mort de haut vol braconné sur les terres de la littérature? Il est magnifique. Sur la scéne de Garnier, un plateau noir qui se transforme au gré de l'éclairage et d'une série de vidéos disposées en bandes verticales qui font leur vie (elles apparaissent de moitié, disparaissent complétement...). Elles montrent dans une ironie reflexive des intérieurs du Palais Garnier, lieu qui symbolise autant le XIXe que la caractère dandyesque recherché par Rubempré ou Esther. Les vidéos dégagent une lumière feutrée et brillante à la fois, rassurante comme du marbre sur lequel le destin des personnages finit par s'écraser."