Alexis Renaud, danseur à l'Opéra de Paris
Par Benistant Simon (Lycée Jean Perrin, Saint-Ouen l'Aumône) le , - Lien permanent
Interview d'Alexis Renaud, danseur à l'Opéra de Paris, d'aprés des questions proposées par les élèves.
Pourquoi avez-vous choisi ce métier ?
C'est un métier passion. J'ai essayé différents sports (judo, taekwondo, équitation...) et j'ai surpris mes parents quand, à l'âge de 8 ans, je leur ai annoncé que je voulais faire de la danse. Je suis entré à l'Ecole de danse de l'opéra à 9 ans et demi. Le matin, je suivais les cours et l'aprés-midi était consacrée à la danse. J'ai passé un baccalauréat L. On passe en année supérieure aprés un examen, sinon on redouble...ou bien on se fait virer !
La danse demande beaucoup de discipline et de travail. C'est usant ! Nous ne sommes pas tous égaux par rapport au corps. Il est extrémement sollicité et on apprend à vivre avec la douleur. Les filles ont mal aux pieds à cause des pointes. C'est le métier qui veut ça ,on gére. J'ai été arrêté presqu'un an en raison de problème de santé, deux hernies discales.
Avez vous toujours voulu être danseur ?
Oui, c'est vraiment une passion. J'ai eu la chance de danser avec les partenaires et les chorégraphes que j'admire Jiri Kylian, Pina Bausch, Anne Teresa de Keersmaeker... C'est du bonheur ! Les styles sont différents, je ne m'ennuie jamais. Il n'y a pas de routine dans mon métier. Avec les jeunes arrivants talentueux, la concurrence est rude mais saine car elle oblige à travailler toujours plus pour prouver qu'on est meilleur qu'eux. On ne peut pas tricher en danse. Le mental est très important et la carrière, très rapide. A 30 ans, on doit avoir déjà gravi les échelons.
Depuis combien de temps faites vous ce métier ?
J'ai été engagé dans le corps de ballet en 1993, il y a donc 24 ans. Cette année-là, il y avait la place pour 4 danseurs, très peu d'élus ! J'ai été de ceux-ci. Le corps de ballet est composé de 154 danseurs. Puis j'ai gravi les échellons. De simple quadrille, je suis passé à coryphée en 2008 et sujet depuis 2009. Les prochains échelons sont Premier danseur puis Etoile. Actuellement, il y a 20 danseurs étoiles.
La direction choisit les Etoiles. Ces danseurs véhiculent l'image de l'opéra.
Aurélie Dupond est la directrice depuis août 2016. Elle est issue du sérail de l'Opéra, c'est rassurant. Elle connait bien la Maison et est une très grande danseuse.
Que pensent les gens quand vous dites que vous êtes danseur classique?
Plus jeune, je faisais face à la réaction : c'est un métier efféminé. C'est peut-être féminin, car élégant. Je travaille des pas de deux avec de superbes danseuses, on ne peut pas être plus masculin ! La danse, c'est un sport très puissant, charnel, viril quand vous voyez tous les portés, les sauts et le travail physique que cela demande.
Savez-vous danser du hip hop ?
Non, mais si j'apprenais, j'en serai certainement capable.
Etes-vous connu ?
Oui, j'ai ma notoriété. Je suis connu dans le milieu de la danse et par ceux qui s'y intéressent. Comme j'ai participé à de nombreux ballets chorégraphiés par des artistes célébres, il y a une médiatisation. Je suis reçu dans des ambassades.
Etes-vous passé à la télévision ?
Oui, notamment pour une série de reportages sur l'Opéra de Paris, à l'époque de Jacques Chancel.
Quel est le temps de préparation pour un spectacle ?
Il varie. La rotation des spectacles est rapide et l'Opéra très pris par des ballets, des opéras et des concerts. La direction doit s'organiser pour que tout s'enchaine le mieux possible. Le temps de préparation est parfois très rapide : 3 semaines pour certains, sinon plus comunément, de 5 à 6 semaines.
Est-ce que c'est dur d'apprendre les chorégraphies ?
Non, c'est plus difficile pour la danse contemporaine car le langage est propre à chaque chorégraphe.
En danse classique, il s'agit de répertoire précis. On est baigné dedans depuis l'école. Il arrive qu'il y ait des ratés, c'est inhérent au spectacle vivant. Il faut alors les camouffler le mieux possible.
Quel est votre plus beau souvenir ?
Il y a beaucoup de moments magiques. Je pense que Bercy devant 9000 spectateurs pour la Symphonie de Maurice Bejart était juste incroyable. Sur la 9ème symphonie de Beethoven, avec des chanteurs, des figurants...pléthorique.Très impressionnant et porteur !
Ainsi qu'un ballet à Epidaure, « Orphée et Euridice », sur une scéne en plein air avec le son des grillons, des cigales, le vent dans le voile des costumes, la nuit qui tombe.
Pensez-vous être au somment de votre art ?
Oui, quand je regarde le chemin parcouru, je suis satisfait de cette progression. On peut toujours visé plus haut, mais il est important de s'accorder un peu de recul. Je suis bien dans ma vie. Cette maison m'a tout donné : ma passion, mon métier, ma femme, mes enfants.
L'année prochaine, je serai à la retraite et ne ferai plus parti de la troupe de l'Opéra!
La retraite est fixée à 42 ans pour tous, alors qu'avant c'était 45 ans pour les hommes et 40 ans pour les femmes.
Quel est votre salaire ?
Quand on commence quadrille, on gagne 2000 euros. Certains restent à ce stade toute leur carrière. Un danseur Etoile peut gagner 7000 euros. Au salaire fixe, peuvent s'ajouter des primes suivant les spectacles et leur nombre. Ce qui n'est rien, comparé au salaire d'un footballeur !
A la retraite, on gagne la moitié de notre salaire, d'où l'importance d'une reconversion. A 42 ans, on est encore jeune !
Avez-vous déjà pensé à changer de métier ?
Non. Je vais développer les cours. J'ai mis 4 ans avant d'être sûr de vouloir enseigner et transmettre. Je sais maintenant que c'est ce que j'ai envie de faire.
Sinon, je me serai lancé dans les métiers de bouche. La cuisine, c'est ma seconde passion !