Pour les vacances d’été, j’étais invité chez des amis à séjourner quelques jours en Normandie à Etretat. Durant mon séjour, nous avions essuyé un violent orage qui s’était dissipé laissant apparaître quelques rayons de soleil. Je pris la décision alors, d’aller me promener vers la plage.

 

Je m’étais installé sur le tapis de pierre qui descend vers la mer, les falaises sur ma gauche au côté de quelques barques vides échouées sur le rivage.

 

            Je fus très vite pris par la magie des lieux. J’étais là, seul, assis sur la plage inondée de soleil. J’admirais la beauté de ces falaises singulières. J’observais une vague rapide roulant les fins galets avec un bruit perlé,  parfois sec comme le déchirement d'une toile, d’autres fois joyeux comme un rire d’enfant, mais toujours rythmé selon le  flux et le reflux des vagues galopant sur toute la longueur de la rive. Je regardais fasciné ces pierres rondes qui dansaient au bord de l'écume, s'arrêtant une seconde, puis recommençant leur ronde joyeuse et enfantine à chaque retour du flot.

 

Cette plage portait bien son nom : Etretat. Un nom qui sautillait comme les galets. Un nom joyeux, presque rieur s’offrait à moi, qui avait tant besoin de cette simplicité et de cette douceur depuis que je travaillais à Paris.

 

 J’étais envouté par la beauté de ces falaises qui semblaient cacher un secret. J’écoutais la symphonie formée  par le bruit mélodieux du frottement des galets entre eux, le ressac  des vagues s’écrasant sur la rive, le cri des mouettes et le vent léger s’engouffrant dans les ouvertures et les grottes cachées que ces grands murs blancs recélaient.

 

Je ne sais plus si  je m’étais endormi, quand soudain une mouette atterrit non loin  de moi, battit des ailes, alors qu’elle s’affairait autour de moi à tirer des rochers quelque nourriture, J’entendis une voix :

 

« Ces étranges créatures qui nous volent notre nourriture et nos proies, créatures  inférieures, qui ne savent pas voler comme nous. Manchots, mouettes sans ailes.

Bien plus forts que nous, ils épuisent la mer avec leurs grands filets.

Ils rejettent dans la mer des objets qui leur appartiennent et qui étouffent nos petits…

Mes petits, mes petits ! ».

 

 Soudain, elle approcha sa tête de mon visage et elle ouvrit son large bec. Aucun doute, c’était elle qui parlait. Elle poussa un cri assourdissant, tellement fort qu’on pouvait l’entendre à des kilomètres. C’était un cri insoutenable : « hihiàààr ! hihihihiàààr !... ». Elle hurlait « POLLUEUR !!! POLLUEUR !!! Mes pauvres petits !» Elle continua « T’as  pas honte ! hihiàààr ! Tu les as tués avec ton plastique… Vous ne faites pas attention aux conséquences de vos actes ! hihiaaaaR !   Criminels !hihiaaaaR !  Je vais t’arracher les yeux et la bouche…et le nez ! » annonça-t-elle menaçante, je voyais es yeux jaunes injectés de sang.

 

 

Terrorisé, je restais immobile devant cette mouette. C’était surréaliste. Elle en voulait à ma bouteille

 

« Mes petits, tu les as tués ? »  Murmurais-je.

 « hihihihihihihihihiâaar ! » Je me saisis vivement de la bouteille et l’a pris comme arme pour me défendre.

 La mouette allongea sa tête et ouvrit ses ailes, puis s‘envola en direction de la falaise.

Je me levai rapidement, étourdi, tout en me demandant si j’avais rêvé. Je restai un moment la tête embrumé, les bras ballants, incapable de faire un geste. Lorsque je repris mes esprits, je me mis à courir comme en fou. Les galets heurtaient mes pieds et semblaient aussi rire de moi en s’entrechoquant violemment à chacun de mes pas précipités. 

 Arrivé chez mes amis, je ne dis pas un mot de mon aventure et je me précipitais dans ma chambre en gémissant, la bouteille dans ma poche, je l’observais songeur

Je vous raconte cette histoire aujourd’hui, car je n’ai jamais osé en parler. Je ne sais toujours pas si ce que j’ai vécu est réel. Cependant, lorsque je suis sur une plage, je passe mon temps à ramasser les déchets jetés par ceux de ma race : les humains, vos traces, nos traces. Et chaque fois que je me baisse, j’ai l’impression que les mouettes moqueuses me regardent en hachant la tête