Le voyeurisme, plus qu'une simple obsession
Par Nawel KAOUTAR le 24 février 2024, 15:51 - Caroussel - Lien permanent
"Toute chose à une histoire, toute histoire à un début," voilà celle de l'obsession de De Palma, le voyeurisme.
Brian De Palma s'inspire de sa propre histoire pour réaliser la plupart de ces films. Effectivement, en 1958 après une tentative de suicide, sa mère lui avoue que son père la trompe avec une autre. Devenue folle, elle le manipule pour qu'il se transforme en un détective privée à son service. Contraint, Brian tente d'abord d'enregistrer les conversations téléphoniques de son père, puis il le suit, appareil photo en main. Il finit par entrer à l'improviste dans le bureau de ce dernier et le surprend en flagrant délit avec une autre femme. C'est surement sa première expérience de voyeurisme, qu'il traduit dans ses films comme Snake Eye ou encore Blow Out.
Au début du film, nous pouvons noter que De Palma inclus un plan séquence de 21 minutes comme pour nous montrer qu'il ne nous cache rien, mais à la fin de celui-ci on se rend compte que l'on a rien vu. Pour réaliser cet extrait Brian De Palma s'est directement inspiré du film de l'assassinat de John Fitzgerald Kennedy capturé par Abraham Zapruder. Il comprend ainsi qu'un événement est perçut différemment selon la façon dont il est filmé.
Tout le long du film beaucoup de détails peuvent nous interpeller :
Relevons le travelling pour arriver jusqu'à la chambre 3517, qui passe par toutes les chambres de l'hôtel. C'est comme si on s'introduisait dans la plus profonde intimité des personnes séjournant dans l'hôtel-casino. (en référence à l'expérience vécue en surprenant son père.)
La paranoïa est très présente dans le film puisque en observant de plus près nous constatons que 800 caméras de surveillance sont présentes pour à l'origine ne filmer qu'un simple combat de boxe, mais qui se révèlent utiles pour enregistrer la scène du meurtre du ministre de la Défense. Elles aideront ainsi Rick Santoro à trouver le coupable, qui se révèle être son "meilleur ami", Kevin Dun.
A cette époque là, la méfiance règne et la constante observation des citoyens est accentuée par l'arrivé récente des caméras de surveillance, en 1969. La comparaison y est faite avec le "Flying Eye", clin d'oeil au "Big Brother" un personnage fictif qui sait tout, voit tout et contrôle tout, dans le roman 1984 de Georges Orwell.
Pour montrer différentes vérités que peuvent refléter les images, Brian De Palma met en parallèle les actions de diverses personnages au moment où retentit le coup de feu fatal en direction du Ministre de la Défense. Mais aussi aux nombreux points de vue qu'adopte la caméra pour nous montrer une vérité différente en fonction de l'angle que prend celle-ci, par exemple le faux KO de Tyler; on dirait que son adversaire lui met un coup de poing, mais lorsque l'angle de la caméra change, nous pouvons voir que ce dernier ne le touche pas.
Après avoir vu tout ça, une question se pose : est-ce que cela aura servit à quelque chose de tout voir et tout savoir? On peut se dire que oui car on sait maintenant qui sont les vrais coupables du meurtre du Ministre. On peut aussi se dire que non car cela n'a pas changé le fait que le ministre soit mort.
Toute l'intrigue du film est là. Dans la première partie on voit tout et dans la seconde on sait tout. Le personnage de Rick Santoro est voyeur car il est obsédé par le fait de revoir toutes les images pour comprendre la vérité. De Palma nous créer un rôle dans le film où l'on va devenir comme un collègue inspecteur, lui aussi obsédé par la vérité.
En ayant regardé le film jusqu'à la fin, là où De Palma est fort c'est qu'il réussit à nous donner un rôle de voyeur, à nous aussi spectateur.