Observation de la lune (extrait choisi par Marine G. et Sophia). Troisième tableau.

Sagredo, regardant à travers la lunette, à mi-voix : Le bord du croissant est tout à fait irrégulier, dentelé et plein d’aspérités. Sur la partie sombre, à proximité du bord lumineux, il y a des points lumineux. Ils apparaissent l’un après l’autre. Partant de ces points, la lumière se répand sur des surfaces de plus en plus vastes où elle rejoint la plus grande surface lumineuse.

Galilée : Comment t’expliques-tu ces points lumineux ?

Sagredo : Cela ne peut pas être.

Galilée : Si. Ce sont des montagnes.

Sagredo : Sur une étoile ?

Galilée : Des montagnes gigantesques. Dont la cime est dorée par le soleil levant, tandis que tout autour la nuit s’étend sur les versants. Tu vois la lumière descendre des plus hauts sommets dans les vallées.

Sagredo : Mais cela contredit vingt siècles d’astronomie.

Galilée : C’est comme ça. Ce que tu vois, personne ne l’a encore vu, à part moi. Tu es le deuxième.

Sagredo : Mais la lune ne peut être une terre, avec des montagnes et des vallées, pas plus que la terre ne peut être une étoile.

Galilée : La lune peut être une terre avec des montagnes et des vallées et la terre peut être une étoile. Un corps céleste ordinaire, un parmi des milliers. Regarde encore. La partie obscurcie de la lune, la vois-tu tout à fait obscure ?

Sagredo : Non. Maintenant que j’y prends garde, j’y vois une faible clarté, couleur de cendre.

Galilée : Quelle peut être cette clarté ?

Sagredo : ?

Galilée : Ça vient de la terre.

Sagredo : C’est une absurdité. Comment la terre luirait-elle, un corps froid, avec ses montagnes, ses forêts et ses cours d’eaux ?

Galilée : Tout comme la lune luit. Les deux étoiles sont illuminées par le soleil, c’est pourquoi elles luisent. Ce que la lune est pour nous, nous le sommes pour la lune. Et elle nous voit tantôt comme un croissant, tantôt comme un demi-cercle, tantôt comme un cercle entier, et tantôt pas du tout.

Sagredo : Il n’y aurait ainsi aucune différence entre la lune et la terre ?

Galilée : Apparemment non.

Sagredo : Il n’y a pas encore dix ans, un homme a été brûlé à Rome. Il s’appelait Giordano Bruno, et c’est justement ça qu’il avait affirmé.