Dieu et les astres (extrait choisi par Léa et Cyrielle). Troisième tableau.

 

Sagredo : As-tu perdu tout bon sens ? Oublierais-tu vraiment dans quelle affaire tu t’engages si ce que tu vois est vrai ? Et si tu vas crier sur toutes les places publiques que la terre est une étoile, et non le centre de l’univers ?

Galilée : Oui, et que ce n’est pas tout le gigantesque univers, avec tous ses astres, qui tourne autour de notre terre minuscule, comme chacun pouvait se le dire !

Sagredo : Qu’il n’y a donc que des astres ! – Et alors, où est Dieu ?

Galilée : Que veux-tu dire ?

Sagredo : Dieu ! Où est Dieu ?

Galilée, en colère : Pas là-bas ! Pas plus qu’il ne se trouverait ici sur la terre s’il y avait là-bas des êtres qui auraient à le chercher ici !

Sagredo : Et alors où est Dieu ?

Galilée : Suis-je théologien ? Je suis mathématicien.

Sagredo : Avant tout, tu es un homme. Et je te demande : où est Dieu dans ton système ?

Galilée : En nous ou nulle part !

Sagredo, criant : Comme disait celui qu’on a brûlé ?

Galilée : Comme disait celui qu’on a brûlé !

Sagredo : C’est pour ça qu’on l’a brûlé ! Il y a moins de dix ans !

Galilée : Parce qu’il ne pouvait rien démontrer ! Parce qu’il affirmait seulement ! […]

Sagredo : Galilée, je t’ai toujours connu malin. Pendant dix-sept ans à Padoue et pendant trois ans à Pise tu as patiemment enseigné à des centaines d’élèves le système de Ptolémée, que l’Eglise proclame et l’Ecriture confirme, le système sur lequel l’Eglise est fondée. Avec Copernic, tu le tenais pour faux, mais tu l’enseignais.

Galilée : Parce que je pouvais rien démontrer.

Sagredo, incrédule : Et tu crois que ça fait une différence ?

Galilée : Toute la différence ! Tu vois, Sagredo ! Je crois en l’homme, et ça veut dire que je crois en sa raison ! Sans cette croyance, je n’aurais pas la force de me lever le matin de mon lit.