Prologue :

 

Le réveil sonnait depuis quelques secondes déjà et une main maladroite cherchait le moyen de l'arrêter ;mais un geste involontaire le fit tomber et il se brisa sur le sol.Le propriétaire de cette main,Monsieur Lonka,bondit de son lit comme si mille enfants lui pinçaient le dos .D'un coup de main délicat sur sa tête,ses cheveux étaient coiffés ; pas besoin de peigne,ni de brosse.Ses yeux pétillants cherchaient dans toute sa chambre son haut de forme,un superbe chapeau violet,dont il ne se séparait jamais. Il passa devant son miroir. Tout en regardant son reflet,il cherchait dans sa poche de pyjama ses gants,qu'il enfila.Il passa alors sa main sur son visage et sur tout le long de son corps jusqu'aux pieds. Il était maintenant habillé.Son teint morne était devenu douce porcelaine.Satisfait,il souriait et quitta sa chambre pour au moins trois jours.Il ouvrait chaque porte de chaque couloir de chaque pièce de sa maison.Le mobilier était installé de manière à recevoir du monde.À chaque porte ouverte,il s'exclamait :« Bonjour tout le monde,j'espère que vous avez passé une bonne nuit » ;et il passait à la salle suivante. Personne ne lui répondait jamais puisque chacune  d'elles n'étaient remplies que de meubles et de bibelots.

 

L'hiver quittait enfin notre ville.Il faisait beau et chaud mais la ville était vide.Comme d'habitude,notre rue était silencieuse,calme,sans vie.Les pères étaient partis travailler,les mères étaient parties coudre,entre commères,et les enfants étaient trop occupés à regarder Pee-Wee se dandiner sur leurs écrans de télévision.Je détestais ce programme ,et tous les autres d'ailleurs,et cela me permettait d'échapper à cette attirance hypnotique qu'elle procure, comme un touriste sur un Picasso.Je descendais alors en ville,passant devant une petite maison rose et pâle,puis devant une autre rose et pâle,puis une autre rose et pâle.Un doute me saisit : toutes les maisons de notre rue ne sont tout de même pas identiques ?Je me retournai alors et vit une rangée de petites maisons,toutes semblables,roses et pâles.L'hiver avait donc été si long que je n'étais pas sorti depuis des lustres.

 

J'allais acheter le pain pour ma mère,qui avait trouvé une bonne excuse pour me faire sortir. Au détour d'une allée,je remarquai avec stupeur une étrange maison qui avait réussi à se détacher du décor. Cette demeure se démarquait des autres par ses façades sombres et son apparence était d'une richesse sans pareil.A côté des autres maisons qui l'entouraient,elle avait plutôt l'air d'un manoir en raison de sa hauteur et   de son style ancien.Je ne pouvais détourner le regard. Rempli de questions sans réponse,je décidai dès lors de retourner chez moi pour en apprendre un peu plus sur ce manoir.Je courrai jusqu'à rattraper le facteur du quartier.Il détourna le regardsur moi et s'écria :«  petit,j'ai une lettre te concernant ! »

Je l'attrapai au passage et continuai ma course.

 

Arrivé chez moi,je posai la lettre sur le buffet de l'entrée et demandai à ma mère : « - Maman,à qui appartient la maison aux façades sombres ? 

-Je ne sais pas, je n'ai jamais vu personne entrer ou sortir de cette maison.

-        Ah d'accord,tant pis. »

 

J'allai dans ma chambre,en emportant la lettre avec moi. Je l'ouvris et la lus :

« Bonjour chère famille, je vous serre chaleureusement la main.Vous avez été sélectionné parmi les 10 familles les plus riches de la ville.Vous pourrez savourer votre chance en vous rendant chez moi, pour un somptueux diner,suite auquel votre enfant pourra choisir un jouet fabriqué par ma personne.Je vous attends devant ma maison différente de toutes les autres de votre ville, vous la reconnaîtrez facilement par sa couleur sombre, le 26 avril, à midi.

 

Je vous attends

M.Lonka »

 

 

Un jouet fabriqué par M. Lonka? Quelle sorte de jouet cela pouvait-i l'être ?Je dévalais les escaliers afin d'avoir l'accord de ma mère pour pouvoir y aller.Après une longue discussion,mes parents acceptèrent.

 

Bien que nous étions au printemps, cette matinée était extrêmement fraiche.Toutes les familles les plus aisées de la ville étaient là.Il y avait la famille Schmits,gérants d'une grande industrie de métallurgie ;la famille Le Pavé,grands scientifiques du millénaire ;les épouvantables Doloby,juges pour les enfants et leur fille,Véruca, aussi égocentrique qu'à l'ordinaire,etc...

Tout le monde attendait devant la grille, tout le monde se lançait des regards,et tous les enfants se regardaient comme s'ils étaient en concurrence.

Mais,les grilles s'ouvrirent enfin,sans que personne n'ait à bouger.Ma famille et moi,et toutes les autres d'ailleurs s'avancèrent jusqu'à la porte d'entrée.

Un homme nous attendait. Il était vêtu d'une veste aux couleurs rappelant le chocolat au lait(mon préféré d'ailleurs). Son pantalon était noir et son chapeau violet. Cet accessoire lui cachait les yeux,on ne voyait ainsi qu'un nez fin et un grand sourire.

On entra chez lui et je vis que tout ce qui se trouvait dans ce manoir était en bois.

Le diner était très copieux et délicieux. Je n'avais pas aussi bien mangé depuis longtemps. M. Lonka se leva et nous conduisit dans une grande salle, un atelier.

Il déclara alors:«J'espère que vous avez bien mangé mais si je vous ai invité chez moi, c'est pour une toute autre raison. Je suis enfin prêt à vous présenter vos jouets ! Ouvrez les rideaux ! »

De grands rideaux lourds et rouges s'ouvrirent et laissèrent place à une grande vitrine remplie de marionnettes. Tous les enfants se précipitèrent sur celle-ci, et chacun regardait la marionnette qui lui plaisait le plus .Veruca avait choisi une marionnette ressemblant à un majordome. Celle-ci avait un smoking noir, un nœud papillon et un chapeau ressemblant à celui de Lonka.

La vitrine se leva et tous les enfants saisissèrent leur pantin, et je ne pouvais approcher. Quand les enfants s'écartèrent et partirent jouer avec elles, je pus enfin en choisir ; mais il n'en restait qu'une, presque finie. 

  1. Lonka appuya sa main sur mon épaule et dit :

« Celle-ci se nomme Tyson, c'est probablement la meilleur que tu aurais pu avoir. Cependant elle n'est pas totalement terminée... »

Je ne voyais pas en ce qu'il avait à en redire. Il nous présenta la sortie et nous partîmes.

En rentrant chez moi, j'habillai ma marionnette de mon haut de pyjama préféré. Je jouai énormément avec elle et cette dernière bougeait seule, sans fil. Elle comprenait absolument tout ce que je lui disais. Je m'attachai déjà à elle.

Mais soudain, la ville se remplit de cris de terreur. Tout le monde était sorti dans les rues et tout le monde courrait dans tous les sens. J'aperçu par ma fenêtre les neuf familles qui se dirigeaient vers le manoir de M. Lonka cependant je ne vis aucun père.

Je sortis de chez moi et rejoignis la foule. Les questions fusaient de partout, mais seule celle-ci eu une réponse, « pourquoi nous avoir donné des marionnettes assassins ? ». C'était donc ça : les marionnettes avaient pris le contrôle des maisons et des familles. M. Lonka contenait sa panique et gardait son sourire enfantin. Il nous expliqua qu'il avait besoin d'argent et quoi de mieux que son grand retour dans la société pour vendre ses incroyables marionnettes. Il regarda le ciel pendant quelques instants et se précipita dans sa maison. Avec quelques mères et enfants, je le suivais et soudainement je compris que si les pères n'étaient pas là, c'est parce qu'ils protégeaient leur foyer et cela avait permis aux femmes de s'enfuir.

M Lonka tournait de grandes manivelles et tirait de lourds leviers. Il s'exclama :

« J'avais prévu cette éventualité et j'ai préparé un produit pour les anéantir. C'est

 une fumée à l'odeur citronnée qui fera tomber raide mort chaque pantin qui se trouve à l'extérieur de cette maison »

Immédiatement, je cours chercher ma marionnette pour la sauver mais celle-ci m'attendait à l'entrée. Elle réussit à articuler : « J'ai eu peur pour toi »

Je la serrai contre moi, mais nous fûmes interrompus par le rire de M. Lonka qui tira le dernier levier. La ville s'embaumait d'une odeur de citron et toutes les personnes à l'intérieur de la maison furent éjectées par un souffle puissant et incontrôlable.

Dehors, il n'y avait aucun pantin qui gisait sur le sol. Pour avoir des explications, tout le monde se retourna mais je ne voyais qu'un champ vaste et vert. M. Lonka et son manoir n'était plus là. Tout avait disparu. Cette fois, il n'y avait plus que de petites maisons roses et pâles, toutes identiques.