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Les figurines de L'image manquante

Tout d'abord, la logique veut que nous présentions Rithy Panh. Ce grand réalisateur est un réchappé des camps de la mort Khmer rouge, dont il s'enfuit à 15 ans. Passionné de cinéma, il signe son premier documentaire en 1989 : Site 2 , documentaire sur les camps de réfugiés cambodgiens. Rithy Panh ayant vécu les événements de la révolution sanglante des Khmers rouges, sa filmographie et sa vie en sont marquées au même titre. En effet, ses films documentaires tournent tous autour de la thématique des camps et de ce passage violent de l'histoire cambodgienne. Son film L'image manquante a toutefois une thématique plus particulière, celle du souvenir.

En effet, l'auteur, à travers tout d'abord ce titre énigmatique, nous donne une indication sur le thème de la mémoire présent dans l'oeuvre. l'image manquante peut en effet représenter une image, un souvenir dont l'auteur n'arrive pas à se rappeler. Nous pourrions parler durant des lignes et des lignes d'un des plans sur lequel débute et finit le film, où des vagues semblent repousser la caméra perdue face à elles, comme le flot incessant des souvenirs assaillant le réalisateur, toujours aujourd'hui confronté aux horreurs de sa jeunesse à travers ses films. Le souvenir a donc une place fondamentale dans ce documentaire, qui peut d'ailleurs faire penser à un hommage à tout ces gens morts dans les camps Khmer rouge, ainsi que plus particulièrement au père de Rithy Panh, instituteur qui comme on le voit dans le film préfère arrêter de s'alimenter comme un animal pour mourir en tant qu'homme, et garder sa dignité.

Rithy Panh nous parle dans son film d'un passage historique de son pays, un passage violent qu'il traite d'une manière presque enfantine : les personnages sont représentés en tant que figurines d'argile, atténuant ainsi certaines scènes d'une violence extrême comme le triage des gens et le vidage de la ville de Phnom Penh. Mais ce traitement de l'image peut aussi rendre d'autres scènes bien plus violentes et frappantes : à l'entrée dans les camps, la caméra nous filme une figurine représentant un homme hurlant, le dos ensanglanté comme s'il venait d'avoir été fouetté. La voix du narrateur, lancinante et monotone, rend l'atmosphère générale du film pesante et dure à regarder. Rithy Panh, à travers ces choix, nous parle de lui, de son vécu, de l'horreur qui l'a accompagné et qui continue, comme le montre sa filmographie, à le hanter.

D'autres moments d'une rare beauté, mêlant figurines et images réelles, viennent alléger l'ambiance du film. Cette scène filmant la représentation du réalisateur enfant et de son père devant la projection d'un film cambodgien nous rappelle que malgré toute l'horreur qu'il à vécu, sa passion lui permet aujourd'hui de vivre, de témoigner, de rendre hommage, et, aussi, de se livrer. Le cinéma, le documentaire, à une place importante pour Rithy Panh, et ce film sert à nous le montrer : la lueur d'espoir au bout du tunnel Khmer rouge.