Hamlet ne peut manquer de nous évoquer les querelles de frontières, conflits ethniques ou combats fratricides dont, en Europe même, nous sommes les témoins quasi impuissants. Mais il me semble qu'aujourd'hui nous entendons différemment le diagnostic de Marcellus : Quelque chose est pourri dans l’Etat de Danemark. Nous l’entendons en général : quelque chose est pourri dans l’Etat, c’est-à-dire dans les affaires du monde, dans la politique. Un peu plus tard Hamlet renchérit : Le temps est détraqué, ah, maudite faveur que je sois jamais né pour le remettre à l'heure ! La dimension d’éternité de l’oeuvre comme du héros tient, pour une grande part, au perpétuel retour dans le monde de cette nécessité de reprendre, de poursuivre la lutte contre la barbarie. Mais si Hamlet nous fascine autant, c’est à l’évidence pour d’autres raisons plus mystérieuses. Victor Hugo, qui considérait la pièce comme le chef-d’oeuvre de la tragédie rêve, insiste sur la singularité du personnage d’Hamlet lui-même, de son mode d’être : Il y a dans toutes ses actions du somnambulisme répandu. On pourrait presque considérer son cerveau comme une formation ; il y a une couche de souffrance, une couche de pensée, puis une couche de songe. C’est à travers cette couche qu’il sent, comprend, apprend, perçoit, se moque, pleure et raisonne... Hamlet n’est pas dans le lieu où est sa vie. C’est sans doute pourquoi nous reconnaissons en lui non seulement notre contemporain, mais un frère : tel qu’en nous-mêmes, divisé.


- extraits de revue de presse : Etonnant travail de mise en scène et d'interprétation. On croyait connaître toutes les ambiguités d'Hamlet, toutes les ombres et les lumières, les intuitions et les fulgurances de la tragédie de Shakespeare, Philippe Adrien nous en fait découvrir de nouvelles encore ! Dans un quelconque régime autoritaire du bout du monde, du bout du temps, il réinvente les fatales relations de pouvoir entre père et fils, mère et fils, frère et sœur, amis, amants et maîtresse. Et entre soi et soi, bizarrement, absurdement...Scali Delpeyrat est un Hamlet fascinant, étrange, séduisant à la diable.Allez le découvrir, il n'a pas fini de hanter les souvenirs du rôle.Fabienne Pascaud


Deux axes portent la mise en scène de Philippe Adrien : l'élimination totale de la pompe tragique qui va habituellement avec Hamlet, l'exploitation maximale de l'humour ravageur du Prince du Danemark. Scali Delpeyrat est un Hamlet étudiant, une sorte de danseur de la pensée jeune. Victor Garrivier et Laurence Roy sont de merveilleux traducteurs du sordide des antichambres et chambres politiques. Dans une version extrêmement libre et farceuse de Luc de Goustine, cela procure une soirée ravageuse. 
Gilles Costaz

- voir le dossier sur le site de la Tempête : http://www.la-tempete.fr/index.php5?menu=5&saison=12&fiche_spectacle=896&documentation=1&diaporama=1&PHPSESSID=5e4326968897dcc73dd637ba81d459f3