Voici la présentation du spectacle sur le site de la Comédie de Caen:


Laissez-vous surprendre par un univers théâtral qui ne manquera pas d'interroger vos perceptions et votre subjectivité.

La compagnie Haut et Court est à la Comédie de Caen pour créer son nouveau spectacle qu'on pourrait qualifier de théâtre de science-fiction. Quoi de plus normale du coup de s'inspirer de la vie et de l'œuvre du mentor américain de nouvelles et d'essais de science-fiction Philip K.Dick. Ses romans peuvent se lire comme des plongées dans la perception intime et singulière de l'auteur sur la société souvent en opposition avec le monde commun, partagé par tous. C'est cet espace que veut explorer Joris Mathieu en plaçant K. Dick au cœur de la fiction, c'est-à-dire de sa vie, en faisant de lui un héros s'enfonçant méthodiquement dans le dédale de son idios Kosmos. Quand la fiction d'anticipation agit au théâtre comme un troublant révélateur du réel qui nous entoure.



K. Dick a une sœur jumelle. Alors qu'ils sont encore bébés, leur mère ne s'aperçoit pas qu'elle manque de lait pour les nourrir tous deux. Philip s'alimente mais sa jumelle s'affaiblit, puis décède. K. Dick est traumatisé pour le reste de son existence par cet évènement tragique. Il est régulièrement traversé par l'hypothèse que c'est lui qui serait mort et non sa jumelle, et que son impression d'être vivant n'est donc qu'une fiction. 
Il se forge ainsi l'intime conviction qu'il est possible de vivre dans une forme d'illusion totale. Il lui paraît d'ailleurs envisageable que nous soyons en train de vivre collectivement cette expérience. S'en suit alors l'élaboration d'une littérature où se confrontent confusion obsessionnelle et élan de lucidité. 
Le monde qu'il construit est à la fois troublant de réalisme et stupéfiant de phobie. Tout est possible mais il est possible de douter de tout. Les murs et les sols semblent mouvants, la réalité est confondante et la paranoïa argumentée, plus rien n'a d'étanchéité, la vie de Dick alimente ses fictions et ses fictions alimentent sa vie. 
Ses romans peuvent se lire comme des plongées dans la perception intime et singulière de l'auteur sur la société souvent en opposition avec le monde commun, partagé par tous. C'est cet espace que nous voulons explorer en plaçant K. Dick au cœur de la fiction, c'est-à-dire de sa vie, en faisant de Philip un héros s'enfonçant méthodiquement dans le dédale de son idios Kosmos. 
Nous avons fait appel à Lorris Murail, auteur érudit de science-fiction, dont nous avions monté La méthode Albanaise il y a plus de 10 ans. Le roman qu'il nous écrit en toute complicité et que nous allons adapter à la scène est un scénario qui garantit rythme et efficacité au spectacle, propres à l'écriture américaine de Philip K. Dick. 
Dans ce labyrinthe, les frontières du vrai et du faux s'estompent sans nuire au récit, ni au plaisir, ni au questionnement.

Une anecdote pour commencer 
d'après la biographie d'Emmanuel Carrère 

Philip s'engage dans le petit couloir obscur qui conduit à la salle de bain. Il est à la recherche d'un médicament pour calmer un banal mal de tête. À tâtons dans l'obscurité, il cherche le cordon de la lampe mais ne le trouve pas. Il sait pourtant qu'il pend, là, à sa gauche, le long de la porte. C'est idiot comme situation ! Bras tendus, doigts écartés il se met à faire des moulinets dans le noir. Une sorte de panique commence à le gagner, comme si tout avait disparu autour de lui. À force de s'agiter, il se cogne contre le coin de l'armoire à pharmacie, les flacons de verre posés sur l'étagère s'entrechoquent. Il pousse un juron et brusquement, il lui vient à l'esprit que le cordon de lampe n'existe pas. Il y a en fait toujours eu un interrupteur, à droite de la porte. Il le trouve sans peine et allume d'un coup sec. Il regarde la salle de bain avec méfiance. Tout paraît normal, pas très propre mais normal. Un cafard traverse le carrelage. Il se retient de l'écraser. Après avoir éteint la lumière très doucement, afin que l'interrupteur ne fasse aucun bruit, il retourne à la salle à manger et rejoint sa femme. 
D'où me vient le souvenir d'un cordon de lampe, se demande-t-il ? Pas n'importe quel souvenir mais un cordon précis, d'une longueur précise, à un endroit précis. 
La plupart des gens face à un incident pareil se disent "c'est étrange" mais passent outre, sans plus s'en préoccuper. K. Dick, lui, considère que son métier consiste à prendre au sérieux de telles questions. 
Et si notre spectacle commençait ainsi, par l'histoire d'un homme découvrant un beau jour, en cherchant un cordon de lampe, que quelque chose ne tourne pas rond dans l'univers, qu'on lui dissimule des choses et que les objets disparaissent. 

Le roman en cours de Lorris Murail 
Le monde sombre. La quantité d'énergie nécessaire pour faire fonctionner la planète est beaucoup trop importante. Le macro-monde terrestre est à bout de souffle. Chaque être humain consomme chaque seconde 120 joules pour simplement fonctionner. La catastrophe est en cours. A la télé, on n'entend que ça, l'écho de cette désagrégation. Cataclysmes naturels et humains, disparition des matières premières, raréfaction de l'eau, … Il est trop tard pour y remédier. Trop tard pour mener à bien l'unique solution raisonnable : la conquête spatiale. Il ne reste plus assez d'autonomie à cette planète pour y parvenir. 
Phil est un écrivain raté. Mais ce scénario, il ne l'a pas écrit. C'est le spectacle qu'il observe depuis sa fenêtre. Depuis des années, il inonde en vain les éditeurs de ses romans et de ses nouvelles. Des histoires d'extra-terrestres, des histoires de mondes piégés qui tournent toutes autour de la même question : qu'est-ce que le réel ? 
Mais pour Pris, sa compagne, le réel a la couleur des factures qui s'accumulent et l'odeur du logement insalubre dans lequel ils vivent six étages sous terre. 
Lorsqu'ils rencontrent Maury, celui-ci comprend immédiatement quel parti tirer de l'imagination débordante de Phil. Maury est un inventeur de génie qui a découvert le moyen d'engendrer des extensions physiques de notre univers. Tout deux savent qu'il faut recourir au système de la chaloupe : quitter le navire, avant qu'il ne soit englouti. Ensemble, ils créent MicroWorld Inc., une entreprise qui propose aux gens de quitter le macro-monde et de glisser dans des micro-mondes dont le contenu est entièrement issu des délires de Phil. Ce sont comme des appartements témoin. Des modules ou encore des capsules à peu près vides où les gens peuvent se réfugier. 
Mais du jour au lendemain, leurs rêves s'effondrent. Maury et Phil sont arrêtés. Juridik, la machine à jugement des autorités, laisse tomber son verdict. Maury, considéré comme principal responsable est condamné à la cuve et devra poursuivre son existence en semi-vie, congelé dans un caisson. Phil s'en tire mieux. Il est assigné à résidence et doit suivre en compagnie du Dr Phelps, psychiatre sur écran, un programme de redressement moral. Ce qu'on leur reproche ? Tout simplement d'avoir mis en péril l'équilibre thermique de notre portion de l'univers. 
En dehors du Dr Phelps, Phil n'a désormais plus d'autres interlocuteurs qu'une bouilloire et une armoire à pharmacie. Reclus chez lui, il ignore ce qui se passe à l'extérieur, notamment l'étrange destin que connait Pris, sa compagne. La voilà sur un monde mort, qui ressemble à un monde des origines. Et si tout le monde était passé depuis longtemps dans les micro-mondes ? Et si Phil était resté trop longtemps enfermé dans sa propre capsule, son cerveau gavé de médicaments ? 

Vous pourrez voir sur le site du théâtre un extrait video de présentation du spectacle et quelques photos complémentaires : http://www.comediedecaen.com/web/spectacle-URBIK___ORBIK-889.html