Madame Olympe de Gouges,                                                                   Paris, le 7 novembre 1791

Résident présentement à Auteil, 16 rue du Buis

Madame,

Après la lecture de votre Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, je sais que mes yeux se sont ouverts plus grands qu'ils ne l'ont jamais été. Je fréquente de plus en plus les salons d'Anne-Catherine Helvétius et de la comtesse de Beauharnais, et plusieurs lectures de votre œuvre monumentale y ont été faite là-bas.

Je pensais tout d'abord que votre Déclaration serait ironique et aborderait le thème avec humour (ce qui m'aurait grandement déçue, Madame, car, comme vous le dites si bien, « la force de la raison » m'anime), mais j'ai découvert avec stupeur et saisissement qui vous brandissiez avec grâce les étendards de l'égalité à travers les mots et les lignes que vous avez écrits. Vous avez rédigé un véritable appel à la suppression des injustices faites aux femmes, et je voulais vous dire à tous prix que votre pensée a été comprise et entendue.

J'ai l'honneur de pouvoir dire que j'ai moi-même participé à l'extension et à la propagation de vos pensées parmi mes connaissances, et que chacun et chacune des ignorants qui a croisé ma route est maintenant informé, à coups subtiles et à jeux d'esprit fins et travaillés, qu'une égalité entre les sexes n'est pas une fiction. Et je suis fière d'avoir remarqué que dans les yeux de la plupart des femmes ouvertes d'esprit une étincelle s'est allumée.

Je partage sans condition l'ensemble de vos idées sur l'esclavage aussi, et je suis indignée que les esclaves enfin libérés se mettent à emprisonner leurs propres femmes dans le tissu de mensonges d'une inégalité fictive.

Pour conclure, Madame, je prie pour que notre voix soit entendue et que nos cris de révolte brisent par leur force le mur masculin du mépris et de la vanité.

Avec toute mon admiration distinguée et respectueuse,

Roxane Barbier.