Cela va bientôt faire une semaine. Une semaine entière que je suis là, sur une île perdue au beau milieu de l’océan Atlantique. Je suis tombé du bateau à bord duquel j’effectuais ma traversée, pour rejoindre les Etats-Unis. Hélas, personne n’était présent pour me porter secours : il faisait nuit lorsque je suis passé par-dessus bord. Insomniaque, j’étais allé faire un tour sur le pont arrière pour prendre l’air ; une vague puissante m’a déséquilibré alors que je me penchais par-dessus le bastingage pour observer les remous que créait le bateau dans l’eau. Fatigués par le voyage, tous les passagers dormaient. Ils n’avaient à vrai dire aucune raison de rester éveillés : aucune animation n’était proposée à bord du bateau, peu luxueux. Mes cris de détresse, qui étaient de plus atténués par le bruit des vagues et des moteurs du navire, n’alertèrent personne.

Je fus obligé de nager, ma survie en dépendait. L’eau, glacée, manqua de me paralyser. J’eus une chance inouïe : alors que je perdais mon souffle et que j’avais la plus grande peine à maintenir ma tête hors de l’eau, j’aperçus une île. Dans un dernier élan, je parvins à l’atteindre, hors d’haleine.

 

A présent, la joie d’avoir atteint l’île laisse place à une très grande inquiétude. Comment survivre ? Il n’y a sur cette étendue de sable que quelques arbres. Cela fait six jours que je me nourris presque exclusivement de noix de coco, de racines, d’insectes… La grande gastronomie est à mille lieues d’ici. De plus, la seule eau dont je dispose est celle des quelques flaques d’eau douce vaseuse que je m’efforce de filtrer à travers ce qu’il reste de ma chemise.

Le pire ? Sans doute les moustiques, le plus effrayant étant d’imaginer que lorsqu’ils vous piquent, quelles terribles maladies ils transportent.

 

Plus je raconte ce qu’il m’arrive, plus je perds espoir. Il est impossible que j’en réchappe. Soyons réalistes : ni eau potable ni nourriture convenable… D’ailleurs les forces commencent à me manquer et la météo n’est pas clémente : dès lors que j’allume un feu, une pluie violente l’éteint ; les nuits sont glaciales et mes vêtements déchirés ne m’aident pas à me réchauffer.

 

C’est alors que je l’aperçois : un navire ! Un immense navire qui s’approche de plus en plus ! Je cligne plusieurs fois des yeux pour m’assurer que ce n’est pas un mirage. C’est bien un bateau. Je me mets à hurler au secours et à agiter mes bras pour lui faire signe. Je crois qu’ils m’ont vu : le navire dévie légèrement de sa trajectoire pour arriver tout près de l’île. Une joie sans bornes m’envahit. Lorsque le bateau est assez proche, je nage jusqu’à l’échelle lâchée depuis le pont pour me permettre de monter à bord. Je suis sauvé ! Je n’ai jamais été aussi heureux de voir des gens. Le capitaine m’accueille sur le pont principal.

« Trouvez-lui une cabine où il pourra se reposer ainsi que des vêtements propres et de la nourriture, ordonne-t-il aux membres de l’équipage. »

Je le remercie chaleureusement d’une poignée de main.

« Il n’y a pas de quoi, me dit-il en souriant. Bienvenue à bord du Titanic ! »