10 janvier 1857

 

10 janvier 1857. Le plus beau jour de notre vie. Enfin au moins le plus beau jour de ma vie. Nous venons d’arriver à l’église. Tout le monde nous observe et nous dévisage. Certains chantent pour célébrer notre union, pour d’autres, il suffit d’un regard. Lorsque j’entre dans la grande église de Paris, mon cœur palpite. Je le vois, au bout de cette grande allée décorée de fleurs et de rubans. Il me regarde de la tête aux pieds puis sourit avec un regard amoureux. Ma robe est blanche et mes cheveux blonds sont attachés soigneusement et forment un large chignon. Au moment où j’atteins le bout de l’allée, il me prend la main et se retourne vers le Vicaire de la paroisse pour écouter son long discours officialisant notre union aux yeux de notre famille, de nos amis, de l’état et de notre Dieu.

Cela fait une semaine. Cela fait une semaine que nous vivons ensemble. Cela fait une semaine que nous sommes mariés. Il est désormais mon époux et je suis son épouse. J’aime cette vie, cette nouvelle vie à deux. Elle me rend heureuse, et elle le rend heureux aussi. Je crois.

Cela fait un mois. Cela fait un mois qu’il est parti. Cela fait un mois qu’il est parti en voyage. Il réalise ses rêves, je suis heureuse pour lui. Et moi je l’attends, j’attends qu’il passe la porte de notre maison et que je puisse le prendre dans mes bras. J’aimerais qu’il soit là, avec moi, il me manque. Alors je me raccroche à des souvenirs, à des objets. Comme cet acte, ce certificat de mariage accroché dans un cadre noir au-dessus de notre lit dans la chambre. C’était le 10 janvier 1857 dans l’église paroissiale de Saint-Eugène. Ce jour-ci le Vicaire avait prononcé ces mots : « Je déclare Jules Gabriel Verne et Honorine Aimé Hébé Deviane unis par les liens du mariage ». Je m’en souviens comme si cela était hier ; et ce certificat, écrit en noir sur un papier toujours aussi blanc, me le rappelle chaque jour.

Aujourd’hui il n’est pas là, il est toujours en voyage, il pense à moi je le sais ; je le crois. Mais il me manque. Il me manque terriblement.

                       

                                                                                                                                                                                                                            Lucie Cadet S8