« Quand j'ai entendu que les troupes allemandes étaient aux portes de Paris, je n'ai pas pensé à fuir. J'avais perdu mon père pendant la première guerre, il avait combattu pour son pays et je ne pouvais faire autrement. Des rumeurs couraient depuis plusieurs semaines sur la prise de Paris, on parlait déjà de pacte avec l'ennemi, d'un armistice qui me semblait être une attaque directe à la fierté des  Français.

Les semaines qui suivirent, furent des jours de honte. En effet nous étions réduits à devoir présenter des tickets de rationnement pour pouvoir manger ce qu'ils voulaient bien nous donner.

Les Allemands nous prenaient nos vivres, nous soumettaient à des restrictions absurdes, et le moindre souffle de rébellion était puni par un passage à tabac.

J'avais entendu parler d'un homme qui avait distribué des tracts avec comme inscription : « Celui qui ne se rend pas à raison contre celui qui se rend ». J'avais immédiatement compris que je ne pouvais pas attendre la libération mais que je devais participer à celle-ci.

Le soir même, je suis allé vers la « zone libre », qui était sous le régime de Vichy, et où je savais que des groupes s’étaient formés autour de chefs qui avaient tous les mêmes objectifs, ceux de s'opposer à l'occupation et à ce régime imposé par notre propre gouvernement.

Nous étions très peu. L'appel de Charles de Gaulle n'avait pas réuni autant de monde qu'il l’espérait et nous formions des groupes un peu partout dans le Sud. Au début, notre rôle était de mettre en place des journaux tirés à plusieurs milliers d'exemplaires qui dénonçaient l'horreur du parti nazi.

Nous avions mis en place le noyautage des administrations publiques, qui consistait à infiltrer les ministères du régime de Vichy et à en apprendre le plus d'informations susceptibles d'aider les Alliés.

Puis nous avons commencé à cacher des armes et à mettre en place des réseaux d'espionnage et de renseignements au profit du Royaume-uni qui nous soutenait à l'aide d'envoi d'agents. J'ai entendu dire que les Polonais les avaient prévenus pour la fusée V1, ce qui a sans doute permis aux pays de se préparer à celle-ci.

Chaque camp de résistants qu'il soit en France, en Pologne ou même aux Pays-bas a permis de tous nous sauver. L'espionnage était complété par des réseaux d'évasion d'individus recherchés vers la frontière espagnole en leur procurant des faux papiers et des vêtements par exemple. Voilà ce que nous faisions au début, nous pratiquions des actions non violentes, nous ne voulions pas tomber dans le même mode fonctionnement que nos ennemis mais quand il a été évident que cela ne suffisait pas à les faire reculer, nous nous sommes tournés vers des méthodes plus efficaces comme les sabotages et les attentats.

J'ai participé à certains d'entre eux à partir de 1943 en France, des petits attentats contre des groupes allemands, des sabotages de trains, cela devenait toutefois de plus en plus dur face aux représailles du camp adverse.

Jodl, le chef des armées d'occupation a annoncé à ses soldats qu'il ne fallait pas avoir peur de pratiquer la fusillade, les incendies ou encore la pendaison. Cependant, la rébellion semblait plus forte et j'ai vu le nombre d'attentats augmenter à partir de ces jours-là.

En Seine et-Marne, il y a eu plus de 25 attentats en moins de six mois, et à partir de juin 1944 plus d'une vingtaine d'embuscades et d'attaques ainsi qu'une cinquantaine de sabotages de voies ferrées. Il semblait que nous avions retrouvé une énergie nouvelle, les attaques cruelles contre notre peuple avaient renforcés notre envie de combattre.

Malgré cela, nous avions besoin de soutien, j'ai vu mes camarades perdre leur espoir au fil des mois et des années et je l'avoue moi aussi, je ne sais pas comment nous aurions pu nous en sortir sans la radio et particulièrement la BBC dont les émissions nous donnaient des informations à l'aide de messages codés et nous soutenaient continuellement en nous informant des différentes situations dans les différents pays et l'état de leur Résistance.

Il a fallu plusieurs années pour que les États-Unis et l'URSS nous prennent au sérieux, que ces pays se rendent compte de notre importance et qu'ils commencent à nous envoyer des armes et à ne plus nous considérer comme une force occasionnelle mais comme des alliés et c'est ce que nous étions, c'est ce que j'ai toujours cru.

 Je suis fier d'avoir été l'un des 500 000 hommes à avoir participé à la Résistance française, un des hommes qui a permis d'éviter une guerre civile et qui a montré aux forces Alliés que Charles de Gaulle méritait de participer à la construction d'une nouvelle France.

J'aimerais ajouter à tous ceux qui pourraient lire ce message que la France est libre et le restera quoiqu'il arrive s'il reste des gens prêts à se battre pour elle. »

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Image d'archives des troupes américaines

sur les Champs Elysées en août 1944 © Maxppp

 

C'est ici le message d'un résistant français qui est fier d'avoir contribué à la libération.

Il écrit pour Jean Moulin, Henri Arnault, Jean Burger, ces grands hommes qui sont morts aux mains des allemands. Il écrit pour tous ceux morts aux combats, aux déportés, à ceux qui ont subi la torture, aux inconnus morts pour une idéologie absurde, aux familles qui vont devoir vivre sans l'un des leurs.

Nous voulions aujourd'hui rendre à notre façon hommage à ces individus qui ont changé notre vie, qui l'ont amélioré et qui ont risqué leur vie sans hésitation pour nous, alors nous n'avions qu'un mot à vous dire, merci.

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Texte écrit par Dounia Dif et Moira Mitchell - Mars 2016