Le carré de chocolat

            Qu’est-ce qui a permis aux juifs des camps de concentration de tenir le coup ?

Notre question est de savoir comment les milliers de juifs rescapés des camps ont réussi à tenir le coup jusqu’à leur libération.

En effet, pour ceux qui n’étaient pas tués immédiatement, les conditions de vie dans les camps étaient déplorables. En arrivant, on leur retirait leur identité. Ils vivaient entassés dans des dortoirs, travaillaient dès l’aube et durant toute la journée à la manière d’esclaves avec pour seul repas de la soupe très peu calorique ne pouvant pas convenir à leur besoins alimentaires. Ils ont de nombreuses carences alimentaires et des maladies. Cependant, même si une infirmerie est disponible, peu de prisonniers y vont se faire soigner puisqu’à l’intérieur de ses dernières des expériences médicales sur les juifs sont réalisées.

 

            De plus, certains prisonniers possèdent plus de pouvoir qui d’autres : les kapos. Ceux-ci peuvent décider de battre ceux ne respectant pas les règles, ou de garder des rations pour eux. Donc en plus de la maltraitance des nazis, certains prisonniers se maltraitent entre eux.

 

            En plus de ça, si un détenu n’était plus en état de travailler, s’il décidait de se rebeller en ne travaillant pas, il était conduit vers les chambres à gaz avec les plus faibles.

            Pour savoir ce qui pouvait permettre aux juifs de tenir le coup nous avons cherché le témoignage de Francine Christophe, une rescapée qui avait huit ans au moment des camps.

                      

  Elle nous raconte son histoire dans les camps :

Elle nous explique qu’en tant qu’enfant de prisonnier de guerre elle était privilégiée puisqu’ils avaient le droit d’emmener « deux ou trois petites choses. » comme « une poignée de riz ou un morceau de sucre ». Sa mère prit deux morceaux de chocolats et lui dit :

« On garde ça pour le jour où je te verrai vraiment, complètement par terre, fichue. Je te donnerai ce chocolat. Il t’aidera peut-être à remonter. »

Parmi elles, il y avait une femme enceinte : Hélène. Elle était tellement maigre qu’on ne voyait même pas qu’elle était enceinte. Cependant, le jour de l’accouchement arriva quand même. Elle partit  au revier (baraquement destiné aux prisonniers malades des camps) accompagnée de sa mère, leur chef de baraque. Avant de partir sa mère et elle eurent un dialogue :

  • « Tu te souviens, je garde un morceau de chocolat.
  • Oui maman.
  • Comment te sens-tu ?
  • Bien maman, ça peut aller.
  • Alors, si tu me le permets, ce morceau de chocolat je lui apporterai, à notre amie Hélène. Parce qu’un accouchement ici, elle va peut-être mourir. Et si je lui donne le chocolat, ça l’aidera peut-être.
  • Oui maman. Tu le prends. »

 

Hélène a ensuite accouché d’un tout petit bébé, « une petite chose minuscule ». Elle a mangé le chocolat et elle n’est pas morte.

Le bébé n’a jamais pleuré jusqu’à la libération six mois plus tard où il a crié ! Puis ils l’ont ramené en France.

 

Elle nous raconte une histoire plus récente :

 

            Il y a quelques années, sa fille lui a demandé ce qu’il se serait passé s’ils avaient eu des psychologues ou des psychiatres à la sortie des camps. Il n’y en avait pas mais l’idée lui a semblé intéressante et elle a décidé d’organiser une conférence sur le sujet : « Et si il y avait eu des psychologues en 1945 à notre retour des camps ? »

 

            Elle eu beaucoup de monde, des psychologues, des psychiatres, des anciens survivants, ou encore des curieux.

            Un jour, une femme arrive et dit :

« Moi j’habite Marseille. Je suis médecin psychiatre, et avant de vous faire ma communication j’ai quelque chose à donner à Francine Christophe »

Elle fouille dans sa poche et sort un morceau de chocolat qu’elle lui donne en lui disant « Je suis le bébé. »

 

            Ainsi, nous savons que malgré ces conditions de vie très difficiles, certains juifs (comme Francine) ont réussi à tenir le coup jusqu’au jour de la libération et à réintégrer une vie relativement normale. Tous ces prisonniers ont du se raccrocher à quelque chose pour tenir le coup et dans notre cas il s’agit d’un simple morceau de chocolat.

 

Témoignage extrait de : Human, Yann Arthus-Bertrand

 

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Texte écrit par Arthur Billon et Fabien Arnal - Mars 2016