L école oriente, classe, trie, ce dès le plus jeune âge : ce n’est pas une nouveauté mais elle le fait aujourd’hui dans le cadre d’une raréfaction de la demande de travail peu ou pas qualifié, très fortement pénalisante pour les jeunes peu ou non diplômés. Un ensemble de résultats, qu’on peut qualifier de robustes, tirés de diverses enquêtes statistiques, depuis une quinzaine d’années, en France, le diplôme continue de protéger les jeunes du chômage, à condition d’atteindre au moins le niveau « licence » ou d’obtenir des diplômes professionnels recherchés. Ils ont aussi montré que l’obtention d’un emploi stable, acquis pour les trois quarts des personnes de 30 ans, reste le meilleur gage d’une intégration sociale qui se traduit par la conjugaison d’une décohabitation parentale, de la constitution d’une famille et de diverses formes de participation à la vie civique et politique. Pour le dire de manière encore plus parlante, l’absence de diplôme, en France, non seulement condamne la grande majorité des jeunes concernés à une alternance durable chômage/petits boulots mais diminue aussi considérablement leurs chances d’obtenir un jour un emploi stable, amoindrissant d’autant leurs possibilités d’intégration sociale. Or ceux qui sont en priorité touchés sont les jeunes de milieu populaire et notamment les garçons. 

 Entre 1995 et 2009 , en France, le taux de scolarisation des 15-19 ans a diminué de 89% à 84 % durant cette période. 
84%, cela peut paraître important, et en effet, d’une certaine manière, cela l’est : en 2010, le taux moyen était de 83% dans la moyenne des pays de l’OCDE, les 30 pays les plus riches du monde. La France est donc encore au-dessus de la moyenne, malgré cette chute vertigineuse.

Comment s’explique cette régression? Selon Eric Charbonnier, expert à l’OCDE pour la France, le système français ne s’est pas amélioré ces dernières années, et s’est même dégradé sur bien des points, comme le salaire des enseignants ou l’échec scolaire. Selon une étude PISA, l’échec scolaire des élèves de 15 ans serait passé de 15 à 20% de 2000 à 2009. “Le système français n’arrive plus à progresser”, résume Eric Charbonnier.
Face à ce constat, l’OCDE préconise de mieux valoriser la formation professionnelle, pour que les jeunes qui se déscolarisent puissent au moins se former pour un métier. Et rien ne sert de faire redoubler les élèves, puisque - et toutes les études le montrent, avance Eric Charbonnier - c’est inefficace. Mieux vaut mieux encadrer les élèves en échec scolaire. 
Comment ça arrive, le décrochage?

C'est bien sûr multifactoriel, et différent selon les enfants. Des problèmes d'apprentissage, qui traînent de classe en classe. En sixième, cinquième, c'est l'effondrement. 

Quelque 120.000 jeunes, selon le gouvernement, sortent chaque année du système scolaire sans diplôme. 

Qu’en est-il pour notre lycée ? 

Nous avons posé une question anonyme à des élèves en fin de seconde; celle-ci était la suivante : votre orientation désirée a-t-elle été accepté ?  12 personnes sur 30 avouent qu’ils n’ont pas réussi à obtenir la filière de leur choix.

En plus des problèmes scolaires et disciplinaires, les problèmes familiaux?

Il y a des ados qui décrochent parce qu'ils sont mobilisés ailleurs. Certains sont soutiens de famille. Ils s'absentent pour protéger leur mère frappée par leur père par exemple, ou pour jouer un rôle de co-éducation des petits. Les services sociaux s'occupent du plus urgent. On va s'occuper de protéger un enfant maltraité. Mais une mère dépressive, alcoolique, pas en mesure de suivre une scolarité, avec un enfant qui commence à s'absenter, c'est peu repéré. Il n'y a pas forcément d'assistante sociale dans tous les collèges, et si elle est là, l'élève ne demandera pas forcément de l'aide. On va s'occuper des ingérables, ou de ceux qui savent se faire aimer. 

Qu'est-ce qui marche?

Il n'y a pas de solution miracle. Ne pas se jeter sur la sanction. Il faut du monde, il faut des heures, il faut des gens formés. Des gens qui croient les gamins, qui n'ont pas un regard stigmatisant. Pour ces élèves, la relation avec leurs profs est déterminante. La logique empathique et le tutorat, ça marche mieux que les conseils de discipline à répétition.