Il est 18 heures, j'ai rendez-vous dans les beaux quartiers, précisément dans le 8ème arrondissement. La cinquantaine, Yvan un ancien de l'assurance m'a donné rendez-vous dans un bistrot du coin.

Ventre bedonnant, visage ridé et mal rasé, il se dirige vers notre table. Je n'arrive pas à détacher mon regard de ses chaussures trop propres pour le personnage. Il s'allume une cigarette et me fixe de son regard absent :

« Notre entreprise a été créé en 1946. Son but premier était de protéger les banques du Crédit Agricole des hold-up et des cambriolages. Quand je suis entré en 1982, elle venait de se diversifier en assurant tout ce qui touche au Crédit Agricole que ce soit les infrastructures ou les contrats. Tu me diras que cela n’a rien d’incroyable, que d’autres assurances ne s’occupent que des professionnels ».

Il marque une pose et souffle un gros nuage de fumée.

« Mais le plus surprenant est que nous n'assurons que le Crédit Agricole ou ses filiales. Pire encore : on est tout de même mis en concurrence avec d’autres assureurs. Ce qui signifie que la perte d’un seul client, de notre seul client, sonnerait la fin de l'entreprise, et donc de notre travail. On est comme des animaux, qui luttent pour survivre tout en sachant que l'on sera toujours à la merci des grands prédateurs. Nous devons donc, nous les employés, constamment donner le meilleur de nous-même, pour fournir les meilleurs contrats, car nous savons que sinon, tout est fini ». Me dit-il les yeux rouges, ce qui lui rajoute encore quelques années.