C'est une matinée ordinaire, dans un petit cabinet de kinésithérapeutes, à Clamart. Les patients entrent dans la salle d'attente. Certains sont jeunes, d'autres plus âgés.

La première patiente se plaint sans arrêt de ses douleurs aux chevilles, tandis que les autres patients nous regardent fixement. Le kinésithérapeute révèle plus tard:

"J'ai l'habitude d'entendre ses plaintes. Si elle veut guérir, il faut qu'elle soit patiente, qu'elle prenne le temps de faire les exercices que je lui recommande." Alors, quand elle se plaint auprès de la petite stagiaire que je suis, je hoche la tête d'un air gênée.

Heureusement, les autres patients sont plus agréables et font les exercices qu'on leur demande de faire. Ils me posent des questions, et prennent plaisir à m'expliquer pourquoi ils se rendent à ce cabinet. Les kinésithérapeutes rient avec leurs patients en se racontant des petites anecdotes. Les patients ne souhaitent pas toujours que je sois présente pendant leur rendez vous, alors je teste les machines, comme devrait le faire la patiente geignarde. Celle-ci se tient devant moi. Elle est petite, porte un col roulé coloré et un pantalon rouge. Avec ses cheveux courts et très frisés, elle me fait penser à une sorcière. Ses petites lunettes rondes me font sourire, mais je me reprends vite lorsqu'elle me regarde. Son mauvais caractère est insupportable, mais je prends sur moi.

Je préfère discuter avec un patient paraplégique, qui aime me parler de sa pathologie due à une section de la moelle épinière. Malgré sa paralysie, il reste souriant et respire la joie de vivre.

Après une nouvelle plainte de la geignarde, le kinésithérapeute, à bout de nerfs, s'impatiente et s'énerve:  "Mais enfin vous ne faites jamais les exercices recommandés, c'est normal que vous ne guérissiez pas! Et j'aimerais que vous arrêtiez de vous plaindre auprès des autres patients ainsi qu'auprès de la stagiaire ! Je refuse de continuer ainsi. Si vous avez besoin d'un kiné, trouvez-en un autre!" La patiente, étonnée, ne sait plus quoi dire, et reste sans voix. Quant à moi, je suis soulagée.