Pouvons-nous changer de vie?

témoignage d'une immigrée

 

Renata Czuprin, immigrée polonaise venue en France, accepte de répondre à mes questions et de m'éclairer sur les raisons de sa nouvelle vie.

 

 

D'où venez-vous et quand vous êtes-vous installé en France?

Je viens de Pologne, de la Silésie (Sud-Ouest), de la grande ville industrielle Wloclaw. Je suis arrivée en 1989, à l'âge de 24 ans.

Etes-vous venue seule ou avec des proches?

Je suis venue avec une amie, mon témoin de mariage.

Comment êtes-vous venue et surtout quelles raisons vous ont poussé à immigrer?

Je suis venue pour rejoindre mon fiancé, Laurent, que j'ai connu en 1987, afin de nous marier. J'ai pris l'avion, mais cela a été difficile d'obtenir le droit de partir en France : à l'époque, la Pologne faisait tout pour empêcher le départ des polonais. J'ai dû venir en utilisant un visa touriste, et mon fiancé a dû préparer tout le mariage avant mon arrivée.

Quelle a été vote première impression en arrivant en France?

J'étais déjà partie à l'étranger donc je n'ai pas vraiment été surprise. Je m'attendais déjà plus ou moins à ce que j'allais trouver en France.

 

Comment se sont passés les premières semaines en France?

J'ai été accueillie par des gens que je connaissais déjà, et je me suis mariée cinq jours après mon arrivée. Tout est allé très vite.

Je n'ai pas pu retourner en Pologne pendant 2 ou 3 ans, le temps que j'obtienne la nationalité française, car le gouvernement polonais ne m'aurait sans doute pas laissé repartir.

Mes proches m'ont beaucoup manqué. Les conversations téléphoniques étaient très chères; j'ai donc peu parlé à ma famille pendant plusieurs mois.

Le plus dur pour moi a été de ne pas pouvoir travailler tout de suite. Je ne connaissais pas encore la langue, et l'État français ne reconnaissait pas mes diplômes polonais d'institutrice. J'ai appris la langue française peu à peu, à force de la fréquenter. Cela a donc été long de retrouver un travail.

Avez-vous été victime de préjugés, de discriminations?

Je n'ai jamais ressenti de discriminations.

Avez-vous continué à vivre comme avant, selon votre culture d'origine?

Oui et non, car tout est différent. On garde les racines mais il faut s'habituer à une nourriture différente, à un rythme de vie différent, à une manière de pensée différente. Il faut beaucoup de tolérance et de patience : on doit s'adapter aux français.

J'ai cependant gardé les petits déjeuners salés ainsi que d'autres habitudes alimentaires; j'ai maintenu mes relations avec la Pologne, et j'ai éduqué mes enfants suivant une éducation catholique.

Regrettez-vous votre choix?

Non, pas du tout. Cela a été dur mais je ne regrette pas.

Quel bilan pouvez-vous dresser de votre vie? Changeriez-vous quelque chose?

J'aurai refait mes études tout de suite après être arrivée en France. J'aurai dû apprendre immédiatement le français car cela m'a freiné dans ma vie professionnelle. Je n'ai d'ailleurs passé mon diplôme que l'an dernier.

Cependant j'ai beaucoup de chance car tout s'est bien passé. J'ai pu élever mes enfants tranquillement, et trouver un métier, même tardivement. Tout va bien avec mon mari alors qu'on aurait pu faire une erreur en se mariant de cette manière et en choisissant cette vie. Il m'a toujours soutenue dans les moments durs et je suis heureuse d'avoir construit ma vie avec lui.

Aujourd'hui, je me sens à moitié polonaise et à moitié française.

 

 

Propos recueillis par Kelly B (février 2011)