Après-midi du jeudi 23 avril

Bon après-midi.

Vous trouverez ci-dessous les vidéos de correction en français et en mathématiques:

https://youtu.be/AYJaWi8Wa88

https://youtu.be/JI0wdOAm9Ck

J’ai mis en annexe le Tautogramme de Georges Perec et vous remets ci-dessous le rallye poésie ( vous y retrouverez la poésie ´ Si ´ de Jean-Luc Moreau et ´Déménager ´ de Georges Perec, entre autres poésies).

À demain.

Prenez soin de vous.

Olivier Pépin

Liste cycle 3 et Collège

    • Le dormeur du val (Arthur Rimbaud)
    • Danse (Cécile Périn)
    • Ulysse (Louis Guillaume)
    • Le cosmonaute et son hôte (Pierre Gamarra)
    • La pomme (Pierre Gamarra)
    • J’ai vu… (Huguette Amundsen)
    • Le premier vol de l’hirondelle (Pierre Menanteau)
    • Avant-printemps (René-Guy Cadou)
    • A  vol d’oiseau (Michel Luneau)
    • J’écris (Geneviève Rousseau)
    • Grenouilles (Raymond Queneau)
    • Araignée (Pierre Béarn)
    • J’ai vu le menuisier (Eugène Guillevic)
    • Triangles, suivi de Parallèles et Perpendiculaire (Eugène Guillevic) 
    • La biche (Maurice Rollinat)
    • Le vendeur de murmures (Philippe Garnier)
    • En voyage (Jacques Charpentreau)
    • Balançoire (Jacques Charpentreau)
    • L'air en conserve (Jacques Charpentreau)
    • La clé des champs (Jacques Charpentreau)
    • La chevauchée (Jacques Charpentreau)
    • La lessive (Jacques Charpentreau)
    • La fuyante (Jacques Charpentreau)
    • Les pommes de lune (Jean Rousselot)
    • L’ordinateur et l’éléphant (Jean Rousselot)
    • Le coeur trop petit (Jean Rousselot)
    • Je hais les haies (Raymond Devos)
    • L’oiseau voyou (Claude Roy)
    • L'escargot matelot (Claude Roy)
    • C'est tout un art d'être canard (Claude Roy)
    • La clef des champs (Claude Roy)
    • Les manières du soleil (Claude Roy)
    • Déménager (Georges Perec)
    • Terre-Lune (Boris Vian)
    • L’albatros (Charles Baudelaire)
    • Le globe (Nazim Hikmet)
    • Récatonpilu ou le jeu du poulet (Jean Tardieu)
    • L'orange des rêves (Jean-Pierre Siméon)
    • Devinettes (Jean-Pierre Siméon)
    • Comme il est bon d'aimer (Jean-Pierre Siméon)
    • La pluie (Pierre Morhange)
    • Sagesse (Paul Verlaine)
    • Si... (Jean-Luc Moreau)
    • Iles (Blaise Cendrars)
    • Ballade à la lune (Alfred de Musset)
    • Quand la porte se souvient (Hamid Tibouchi)
    • Parfois on ne sait plus rien (Julos Beaucarne.)
    • Le chant de l’eau (Emile Verhaeren)
    • Ma soeur la pluie (Charles Van Lerberghe)
    • Le vent (Emile Verhaeren)
    • Il était une feuille (Robert Desnos)
    • Arbre (Alain Bosquet)
    • Mes vers fuiraient... (Victor Hugo)
    • Voici que la saison (Victor Hugo)
    • Océano nox (Victor Hugo)
    • La chanson de Gavroche (Victor Hugo)
    • J’aime l’araignée et j’aime l’ortie (Victor Hugo)
    • Il s’en passe des choses dans ma cité (Guy Foissy)
    • Les chemins (Alain Le Beuze)
    • Vent (Alain Le Beuze)
    • Exil (Alain Le Beuze)
    • Le cancre (Jacques Prévert)
    • Page d’écriture (Jacques Prévert)
    • Dans ma maison (Jacques Prévert)
    • Tout près du lac (Théophile Gautier)
    • Giboulées (Raymond Richard)
    • Le poisson Fa (Boby Lapointe)
    • Autocritique (Jean-Pierre Develle)
    • La salle à manger (Francis Jammes)
    • Leçon de géographie (Christian Poslaniec)
    • L’averse (Francis Carco)
    • Caillou (Maurice Carême)
    • Le cheval (Maurice Carême)
    • If ... - Tu seras un Homme, mon fils (Rudyard Kipling)

TEXTES CYCLE 3 et COLLÈGE

Le dormeur du val

 

C'est un trou de verdure où chante une rivière

Accrochant follement aux herbes des haillons

D'argent ; où le soleil de la montagne fière

Luit ; c'est un petit val qui mousse de rayons.

 

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,

Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,

Dort ; il est étendu dans l'herbe sous la nue,

Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

 

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme

Sourirait un enfant malade, il fait un somme.

Nature, berce-le chaudement : il a froid.

 

Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;

Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,

Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

 

Arthur Rimbaud

 

 

Danse

 

Qui danse parmi le thym ?

Est-ce un rayon, un lutin,

Peut-être un petit lapin ?

 

Est-ce une abeille en maraude,

Une couleuvre qui rôde,

Un lézard couleur d'émeraude ?

 

Je ne sais. Mais je sais bien

Que tout danse ce matin

Parmi les touffes de thym,

 

Que l'esprit est une abeille,

Un subtil lézard qui veille,

Un lutin qui s'émerveille,

 

Ou bien ce petit lapin

Qui joue et bondit soudain

Parmi les touffes de thym.

 

Cécile Périn ("Pénélope")

 

 

 

Ulysse

 

- Ulysse, Ulysse, arrête-toi,

Écoute la voix des sirènes

Plonge, va trouver notre reine,

Dans son palais, deviens le roi

Mais Ulysse préfère au toit

Des vagues celui des nuages,

Dans la direction d'Ithaque

Son regard reste fixé droit

 

Et les filles aux longs cheveux

Ont beau nager dans son sillage,

Il demeure sourd, il ne veut

 

Que la chanson, que le visage

Conservé au fond de ses yeux,

De Pénélope toujours sage.

 

Louis Guillaume

 

 

Le cosmonaute et son hôte

 

Sur une planète inconnue,

un cosmonaute rencontra

un étrange animal;

il avait le poil ras,

une tête trois fois cornue,

trois yeux, trois pattes et trois bras !

« Est il vilain! pensa le cosmonaute

en s'approchant prudemment de son hôte.

Son teint a la couleur d'une vieille échalote,

son nez a l'air d'une carotte.

Est ce un ruminant? Un rongeur? »

Soudain, une vive rougeur

colora plus encor le visage tricorne.

Une surprise sans bornes

fit chavirer ses trois yeux.

<< Quoi! Rêvé je? dit il. D'où nous vient, justes cieux,

ce personnage si bizarre sans crier gare !

Il n'a que deux mains et deux pieds,

il n'est pas tout à fait entier.

Regardez comme. il a l'air bête,

il n'a que deux yeux dans la tête !

Sans cornes, comme il a l'air sot ! »

C'était du voyageur arrivé de la Terre

que parlait l'être planétaire.

Se croyant seul parfait et digne du pinceau,

il trouvait au Terrien un bien vilain museau.

Nous croyons trop souvent que, seule, notre tête

est de toutes la plus parfaite!

 

Pierre Gamarra

 

 

 

La pomme

 

Une pomme rubiconde

Se pavanait, proclamant

Qu’elle était le plus beau

de tous les fruits du monde,

Le plus tendre, le plus charmant,

Le plus sucré, le plus suave,

Ni la mangue, ni l’agave,

Le melon délicieux,

Ni l’ananas, ni l’orange,

Aucun des fruits que l’on mange

Sous l’un ou l’autre des cieux,

Ni la rouge sapotille,

La fraise, ni la myrtille

N’avait sa chair exquise et sa vive couleur.

On ne pourrait jamais lui trouver une soeur.

La brise répandait alentour son arôme

Et sa pourpre éclatait sur le feuillage vert.

- "Oui, c’est vrai, c’est bien vrai!"

dit un tout petit vers

Blotti dans le creux de la pomme.

 

Pierre Gamarra

 

 

J’ai vu…

 

J'ai appelé le terrassier

il marchait à cloche-pied

j'ai appelé le moissonneur

il jurait comme un voleur

j'ai appelé le cordonnier

il jetait tous ses souliers

alors je m'en suis allée

j'ai vu des hannetons

tâtonnant en rond

j'ai vu des limaces

faire la grimace

j'ai vu une libellule

très crédule

puis me penchant encore

j'ai vu un chou-fleur

chercher l'heure

j'ai vu un artichaut

qui rêvait d'être au chaud

chemin faisant

j'ai vu un lampadaire

le nez en l'air

j'ai vu un vélo

près de l'eau

j'ai vu un canard

en retard

j'ai vu un lapin

jouer au crincrin

puis j'ai vu des gens

mécontents

car ils ne voyaient rien

 

Huguette Amundsen

 

 

 

 

Le premier vol de l’hirondelle

 

Mes ciseaux à peine aiguisés

Coupent le ciel qui se déplace.

 

Une brasse. Encore une brasse.

Dans l’ouverture de la nasse

 

 

(Bon hirondeau chasse de race)

Un moustique s’est enfourné.

 

Ce petit nid où je suis né

Comme il s’éloigne dans l’espace !

 

A tire-ligne d’hirondelle

C’est un nom nouveau que j’écris

 

Et je l’écris à tire-d’aile

Et je l’écris à tire-cri.

 

Pierre Menanteau

 

 

 

Avant-printemps

 

Des oeufs dans la haie

Fleurit l’aubépin

Voici le retour

Des marchands forains.

 

Et qu’un gai soleil

Pailleté d’or fin

Eveille les bois

Du pays voisin !

 

Est-ce le printemps

Qui cherche son nid

Sur la haute branche

Où niche la pie ?

 

C’est mon coeur marqué

Par d’anciennes pluies

Et ce lent cortège

D’aubes qui le suit.

 

René-Guy Cadou

 

 

 

A  vol d’oiseau

 

Où va-t-il, l’oiseau sur la mer ?

Il  vole, il vole...

A-t-il au moins une boussole ?

 

Si un coup de vent

Lui rabat les ailes,

Il tombera dans l’eau

Et ne sait pas nager.

 

Et que va-t-il manger?

Et si ses forces l’abandonnent,

Qui le secourra ? Personne.

 

Pourvu qu’il aperçoive à temps

Une petite crique !

C’est tellement loin, l’Amérique...

 

Michel Luneau

 

 

J’écris

 

J'écris des mots bizarres

J'écris des longues histoires

J'écris juste pour rire

Des choses qui ne veulent rien dire.

 

Ecrire c'est jouer

 

J'écris le soleil

J'écris les étoiles

J'invente des merveilles

Et des bateaux à voiles.

 

Ecrire c'est rêver

 

J'écris pour toi

J'écris pour moi

J'écris pour ceux qui liront

Et pour ceux qui ne liront pas.

 

Ecrire c'est aimer

 

J'écris pour ceux d'ici

Ou pour ceux qui sont loin

Pour les gens d'aujourd'hui

Et pour ceux de demain.

 

Ecrire c'est vivre.

 

Geneviève Rousseau

 

 

 

Grenouilles

 

Ne coassons pas

Dit crapaud papa

Nul coassement

Dit crapaud maman

Moi pas coasser

Dit crapaud jeunet

 

Ils en font du bruit

Dit le vieux marquis

Vite une corvée

Disent les laquais

Ça c’est pas marrant

Dit le paysan

 

Si j’avais su ça

Dit crapaud papa

Au lieu de nous taire

Dit crapaud mémère

Nous aurions chanté

Dit crapaud jeunet

 

Raymond Queneau

 

 

 

Araignée

 

Araignée du matin: chagrin,

pensait un bébé coccinelle

cherchant à libérer ses ailes.

Araignée du midi: souci

grognait un rat dans son chagrin

de voir un chat près de sa belle.

Araignée du soir: espoir,

disait au briquet l'étincelle

mourant dans le vent du jardin.

Mais l'araignée dans sa nacelle

prisonnière à vie de sa faim

rêvait qu'elle était hirondelle.

 

Pierre Béarn

 

 

 

J’ai vu le menuisier

J'ai vu le menuisier

Tirer parti du bois.

 

J'ai vu le menuisier

Comparer plusieurs planches.

 

J'ai vu le menuisier

Caresser la plus belle.

 

J'ai vu le menuisier

Approcher le rabot.

 

J'ai vu le menuisier

Donner la juste forme.

 

Tu chantais, menuisier,

En assemblant l'armoire.

 

Je garde ton image

Avec l'odeur du bois.

 

Moi, j'assemble des mots

Et c'est un peu pareil.

 

Eugène Guillevic

 

Triangles

Isocèle                                                                                         

J'ai réussi à mettre                                                                           

Un peu d'ordre en moi-même.

J'ai tendance à me plaire.                                                            

Equilatéral

Je suis allé trop loin

Avec mon souci d'ordre

Rien ne peut plus venir

Rectangle

J'ai fermé l'angle droit

Qui souffrait d'être ouvert

En grand sur l'aventure.

Je suis une demeure

Où rêver est de droit.

Eugène Guillevic

Deux autres poèmes du même auteur ("Perpendiculaire" est au singulier), pour se réconcilier avec la géométrie :

Parallèles

On va, l’espace est grand,

On se côtoie,

On veut parler.

Mais ce qu’on se raconte

L’autre le sait déjà,

Car depuis l’origine

Effacée, oubliée,

C’est la même aventure.

En rêve on se rencontre,

On s’aime, on se complète.

On ne va plus loin

Que dans l’autre et dans soi.

Eugène Guillevic

Perpendiculaire

Facile est de dire

Que je tombe à pic.

Mais c'est aussi sur moi

Que l'autre tombe à pic.

Eugène Guillevic 1907-1997 ("Euclidiennes" - 1967)

 

La biche

 

La biche brame au clair de lune

Et pleure à se fondre les yeux :

Son petit faon délicieux

A disparu dans la nuit brune.

 

Pour raconter son infortune

A la forêt de ses aïeux,

La biche brame au clair de lune

Et pleure à se fondre les yeux.

 

Mais aucune réponse, aucune,

A ses longs appels anxieux !

Et, le cou tendu vers les cieux,

Folle d'amour et de rancune,

La biche brame au clair de lune.

 

Maurice Rollinat

 

 

 

Le vendeur de murmures

 

Il était une fois

Le vendeur de murmures.

Il murmurait la nuit donc

à la demande

du bout des dents

en une étrange litanie

les phrases confiées la veille à son oreille

et dont il avait la prudence

professionnelle

d'inscrire les commandes

dans des carnets

toujours petits

et qu'il parfumait

tantôt à la lavande

tantôt au patchouli

C'est qu'il n'avait jamais voulu user lui

comme les vendeurs de cris

de ces vastes camions d'amplification

qui sillonnaient le pays à grand renfort de klaxons

néons

haut parleurs et enseignes

ce qu'il vendait on l'entendait à peine

 

Philippe Garnier

 

 

En voyage

 

Quand vous m’ennuyez, je m’éclipse,

Et, loin de votre apocalypse,

Je navigue, pour visiter

La Mer de la Tranquillité.

 

Vous tempêtez ? Je n’entends rien.

Sans bruit, au fond du ciel je glisse.

Les étoiles sont mes complices.

Je mange un croissant. Je suis bien.

 

Vous pouvez toujours vous fâcher,

Je suis si loin de vos rancunes !

Inutile de me chercher :

Je suis encore dans la lune.

 

Jacques Charpentreau

 

 

 

Balançoire

 

Quand tu parles bien, tu me berces,

Et je m'envole avec ta voix.

Les étoiles à la renverse,

Je m'élance au ciel, un, deux, trois !

 

Si tu bégaies, je me balance

A petits coups secs, cahoté,

Quand tu déclames, la cadence

Me fait descendre et remonter.

 

Tu accélères ton effort,

Je fais des bonds comme une chèvre.

Attention ! Ne crie pas trop fort

Je suis suspendu à tes lèvres.

 

Jacques Charpentreau

 

 

 

L'air en conserve

 

Dans une boîte, je rapporte

Un peu de l'air de mes vacances

Que j'ai enfermé par prudence.

Je l'ouvre ! Fermez bien la porte

 

Respirez à fond ! Quelle force !

La campagne en ma boîte enclose

Nous redonne l'odeur des roses,

Le parfum puissant des écorces,

 

Les arômes de la forêt...

Mais couvrez vous bien, je vous prie,

Car la boîte est presque finie :

C'est que le fond de l'air est frais.

 

Jacques Charpentreau

 

 

 

La clé des champs

 

On a perdu la clé des champs!

Les arbres, libres, se promènent,

Le chêne marche en trébuchant,

Le sapin boit à la fontaine.

 

Les buissons jouent à chat perché,

Les vaches dans les airs s'envolent,

La rivière monte au clocher

Et les collines cabriolent.

 

J'ai retrouvé la clé des champs

Volée par la pie qui jacasse.

Et ce soir au soleil couchant

J'aurai tout remis à sa place.

 

Jacques Charpentreau

 

 

 

La chevauchée

 

Certains, quand ils sont en colère,

Crient, trépignent, cassent des verres...

Moi, je n'ai pas tous ces défauts :

Je monte sur mes grands chevaux.

 

Et je galope, et je voltige,

Bride abattue, jusqu'au vertige

Des étincelles sous leurs fers,

Mes chevaux vont un train d'enfer.

 

Je parcours ainsi l'univers,

Monts, forêts, campagnes, déserts...

Quand mes chevaux sont fatigués,

Je rentre à l'écurie calmé.

 

Jacques Charpentreau

 

 

La lessive

 

Chaque semaine, mes parents,

Cinq tantes, dix oncles, vingt nièces,

Cent cousins, des petits, des grands,

Se pressent dans la même pièce.

 

Dans la machine, ils introduisent

Mille corsages et chemises,

Cent mille slips et pyjamas,

Un million de paires de draps.

 

Nylon, dentelles ou guenilles,

Chaque semaine nous avons

Cette habitude : nous lavons

Notre linge sale en famille.

 

Jacques Charpentreau

 

 


La fuyante

 

Vous me croyez douce et soumise

Mais malgré vos yeux grands ouverts,

Moi, je vous échappe à ma guise

Et je joue la fille de l'air.

 

Fille de l'air, enfant du songe,

Je pars au gré de mon caprice,

Sur une brise je m'allonge,

Dans un courant d'air je me glisse.

 

Quand je suis lasse, je repose

Sur un blanc coussin de nuage,

Avec le parfum de la rose

Sur l'aile du vent je voyage.

 

Jacques Charpentreau

 

 

 

Les pommes de lune

 

Entre Mars et Jupiter

Flottait une banderole

Messieurs Mesdames

Faites des affaires

Grande vente réclame

De pommes de terre

 

Un cosmonaute qui passait par là

Fut tellement surpris qu'il s'arrêta

Et voulut mettre pied à terre

 

Mais pas de terre en ce coin là

Et de pommes de terre

Pas l'ombre d'une

 

C'est une blague sans doute

Dit il en reprenant sa route

Et à midi il se fit

Un plat de pommes de lune.

 

Jean Rousselot

 

 

L’ordinateur et l’éléphant

 

Parce qu'il perdait la mémoire

Un ordinateur alla voir

Un éléphant de ses amis

-C'est sûr, je vais perdre ma place,

Lui dit-il, viens donc avec moi.

Puisque jamais ceux de ta race

N'oublient rien, tu me souffleras.

Pour la paie, on s'arrangera.

 

Ainsi firent les deux compères.

Mais l'éléphant était vantard

Voilà qu'il raconte ses guerres,

Le passage du Saint Bernard,

Hannibal et Jules César...

 

Les ingénieurs en font un drame

Ça n'était pas dans le programme

Et l'éléphant, l'ordinateur

Tous les deux, les voilà chômeurs.

 

De morale je ne vois guère            

A cette histoire, je l'avoue.

Si vous en trouvez une, vous,

Portez la chez le Commissaire;

Au bout d'un an, elle est à vous

Si personne ne la réclame.

 

Jean Rousselot

 

 

Le coeur trop petit

 

Quand je serai grand

Dit le petit vent

J’abattrai

La forêt

Et donnerai du bois

A tous ceux qui ont froid.

Quand je serai grand

Dit le petit vent

Je nourrirai tous ceux

Qui ont le ventre creux.

Là-dessus s’en vient

La petite pluie

Qui n’a l’air de rien

Abattre le vent

Détremper le pain

Et tout comme avant

Les pauvres ont froid

Les pauvres ont faim.

Mais mon histoire

N’est pas à croire :

Si le pain manque et s’il fait froid sur terre

Ce n’est pas la faute à la pluie

Mais à l’homme, ce dromadaire

Qu’a le coeur beaucoup trop petit.

 

Jean Rousselot

 

 

 

 

Je hais les haies

 

Je hais les haies

Qui sont des murs.

Je hais les haies

Et les mûriers

Qui font la haie

Le long des murs.

Je hais les haies

Qui sont de houx.

Je hais les haies

Qu’elles soient de mûres

Qu’elles soient de houx !

Je hais les murs

Qu’ils soient en dur

Qu’ils soient en mou !

Je hais les haies

Qui nous emmurent.

Je hais les murs

Qui sont en nous.

 

Raymond Devos

 

 

 

 

L’oiseau voyou

 

Le chat qui marche l’air de rien

voulait se mettre sous la dent

l’oiseau qui vit de l’air du temps

oiseau voyou oiseau vaurien

 

Mais plus futé l’oiseau lanlaire

n’a pas sa langue dans sa poche

et siffle clair comme eau de roche

un petit air entre deux airs.

 

Un petit air pour changer d’air

et s’en aller voir du pays

un petit air qu’il a appris

à force de voler en l’air

 

Faisant celui qui n’a pas l’air

le chat prend l’air indifférent.

L’oiseau s’estime bien content

et se déguise en courant d’air.

 

Claude Roy

 

 

 

L'escargot matelot

 

Un escargot fumant sa pipe

Portait sa maison sur son dos.

C'était un garçon sympathique,

Un brave et joyeux escargot.

Il avait été matelot

Et navigué sur un cargo.

Il en avait assez de l'eau

Cet ancien marin escargot.

Son ami le petit Léon

Lui apportait du tabac blond.

Et l'escargot fumant sa pipe

Évoquait la mer, les tropiques,

Et le tour du monde en cargo

Qu'il avait fait en escargot,

Un escargot fumant la pipe

Pour n'être pas mélancolique.

 

Claude Roy

 

 

C'est tout un art d'être canard

 

C'est tout un art d'être canard

C'est tout un art

d'être canard

canard marchant

canard nageant

canards au sol vont dandinant

canards sur l'eau vont naviguant

être canard

c'est absorbant

terre ou étang

c'est différent

canards au sol s'en vont en rang

canards sur l'eau, s'en vont ramant

être canard

ça prend du temps

c'est tout un art

c'est amusant

canards au sol vont cancanant

canards sur l'eau sont étonnants

il faut savoir

marcher, nager

courir, plonger

dans l'abreuvoir

canards le jour sont claironnants

canards le soir vont clopinant

canards aux champs

ou sur l'étang

c'est tout un art

d'être canard.

 

Claude Roy

 

 

La clef des champs

 

Qui a volé la clef des champs ?

La pie voleuse ou le geai bleu ?

Qui a perdu la clef des champs ?

La marmotte ou le hoche-queue ?

Qui a trouvé la clef des champs ?

Le lièvre vert ? Le renard roux ?

Qui a gardé la clef des champs ?

Le chat, la belette ou le loup ?

Qui a rangé la clef des champs ?

La couleuvre ou le hérisson ?

Qui a paumé la clef des champs ?

La musaraigne ou le pinson ?

Qui a mangé la clef des champs ?

Ce n’est pas moi. Ce n’est pas vous.

Elle est à personne et partout,

La clé des champs, la clef de tout.

 

Claude Roy

 

 

 

 

Les manières du soleil

 

Le soleil luit pour tout le monde

Mais un peu plus ou un peu moins.

Il en est que son chaud inonde

D’autres ne le voient que de loin.

 

Il luit plus pour le cormoran

Que pour la taupe ou le cafard.

Il luit plus à Perpignan

Qu’à Lille ou à Hénin-Liétard.

 

Le soleil luit pour tout le monde

Mais plutôt plus ou plutôt moins.

 

Claude Roy

 

 

 

Déménager

 

Quitter un appartement. Vider les lieux.

Décamper. Faire place nette. Débarrasser le plancher.

Inventorier, ranger, classer, trier.

Éliminer, jeter, fourguer.

Casser.

Brûler.

Descendre, desceller, déclouer, décoller, dévisser, décrocher.

Débrancher, détacher, couper, tirer, démonter, plier, couper.

Rouler.

Empaqueter, emballer, sangler, nouer, empiler, rassembler, entasser, ficeler, envelopper, protéger, recouvrir, entourer, serrer.

Enlever, porter, soulever.

Balayer.

Fermer.

Partir.

 

 

Georges Perec

 

 

 

 

Terre-Lune

 

Terre Lune, Terre Lune

Ce soir j'ai mis mes ailes d'or

Dans le ciel comme un météore

Je pars

 

Terre Lune, Terre Lune

J'ai quitté ma vieille atmosphère

J'ai laissé les morts et les guerres

Au revoir

 

Dans le ciel piqué de planètes

Tout seul sur une lune vide

Je rirai du monde stupide

Et des hommes qui font les bêtes

 

Terre Lune, Terre Lune

Adieu ma ville, adieu mon cœur

Globe tout perclus de douleurs

Bonsoir.

 

Boris Vian

 

 

 

L’albatros

 

Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage

Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,

Qui suivent, indolents compagnons de voyage,

Le navire glissant sur les gouffres amers.

 

A peine les ont-ils déposés sur les planches,

Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,

Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches

Comme des avirons traîner à côté d’eux.

 

Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !

Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid !

L’un agace son bec avec un brûle-gueule,

L’autre mime, en boîtant, l’infirme qui volait !

 

Le poète est semblable au prince des nuées

Qui hante la tempête et se rit de l’archer ;

Exilé sur le sol au milieu des huées,

Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.

 

Charles Baudelaire

 

 

 

 

Le globe

 

Offrons le globe aux enfants, au moins pour une journée.

Donnons-leur afin qu’ils en jouent comme d’un ballon multicolore

Pour qu’ils jouent en chantant parmi les étoiles.

Offrons le globe aux enfants,

Donnons-leur comme une pomme énorme

Comme une boule de pain toute chaude,

Qu’une journée au moins ils puissent manger à leur faim.

Offrons le globe aux enfants,

Qu’une journée au moins le globe apprenne la camaraderie,

Les enfants prendront de nos mains le globe

Ils y planteront des arbres immortels.

 

Nazim Hikmet

 

 

 

Récatonpilu ou le jeu du poulet

 

Si tu veux apprendre

des mots inconnus,

récapitulons,

récatonpilu.

Si tu veux connaître

des jeux imprévus,

locomotivons,

locomotivu.

Je suis le renard

je cours après toi

plus loin que ma vie.

Comme tu vas vite !

Si je m'essoufflais !

Si je m'arrêtais !

 

Jean Tardieu

 

 

 

L'orange des rêves

 

Tu peux perdre le nord

comme on dit

tu peux perdre patience

tu peux perdre ton temps

 

perdre la mémoire

et ses chemins aveugles

 

Le sommeil peut glisser

comme une truite

dans tes mains

 

Tu peux perdre ton sourire

 

Mais ne perds pas

ne perds jamais

l'orange de tes rêves

 

Jean-Pierre Siméon

 

 

 

Devinettes

 

Qui décoiffe la mer

Avec des mains qu'on ne voit pas ?

Qui roule sa chanson

Dans la gorge des torrents ?

Qui n'est jamais si lourd

Que quand un oiseau meurt ?

 

 

 

Le vent la pierre et le silence

 

Qui est ronde comme une joue

Et plus lourde que la peine ?

Qui habille le monde

Quand il se fait tard ?

Qui souffle chaque soir

La bougie du soleil ?

 

La pierre le silence et le vent

 

Jean-Pierre Siméon

 

 

Comme il est bon d'aimer

 

Comme il est bon d'aimer

Il suffit d'un mot

Pour prendre le monde

Au piège de nos rêves

 

Il suffit d'un geste

Pour relever la branche

Pour apaiser le vent

 

Il suffit d'un sourire

Pour endormir la nuit

Délivrer nos visages

De leur masque d'ombre

 

Mais cent milliards de poèmes

Ne suffiraient pas

Pour dire

Comme il est bon d'aimer

 

Jean-Pierre Siméon

 

 

 

 

La pluie

 

La pluie et moi marchions

Bons camarades

Elle courait devant et derrière moi

Et je serrais notre trésor dans mon coeur

Elle chantait pour nous cacher

 

Elle chantait pour endormir mon coeur

Elle passait sur mon front sa peau mouillée

Et humaine ma chère pluie

Elle tendait l'oreille               

Pour savoir si mon chant silencieux était anéanti

 

Elle me met les mains sur les épaules

Et court tant haut dans la plaine du ciel

Et tant me montre les diamants du soleil

Et tant toujours me caresse la peau

Et tant toujours me chante dans les os

Que je deviens un bon camarade

J'entonne une grande chanson

Qu'on entend et les cabarets et les oiseaux

Disent à notre passage

Maintenant

Ils chantent tous les deux.

 

Pierre Morhange

 

 

 

Sagesse

 

Le ciel est, par dessus le toit,

Si bleu, si calme

Un arbre, par dessus le toit,

Berce sa palme.

La cloche, dans le ciel qu'on voit,

Doucement tinte.

Un oiseau sur l'arbre qu'on voit

Chante sa plainte.

Mon Dieu, Mon Dieu, la vie est là,

Simple et tranquille.

Cette paisible rumeur là

Vient de la ville.

Qu'as tu fait, ô toi que voilà,

Pleurant sans cesse,

Dis, qu'as tu fait, toi que voilà,

De ta jeunesse ?

 

Paul Verlaine

 

 

 

Si...

 

Si la sardine avait des ailes,

Si Gaston s'appelait Gisèle,

Si l'on pleurait lorsque l'on rit,

Si le pape habitait Paris,

Si l'on mourait avant de naître,

Si la porte était la fenêtre,

Si l'agneau dévorait le loup,

Si les Normands parlaient zoulou,

Si la mer Noire était la Manche

Et la mer Rouge la mer Blanche,

Si le monde était à l'envers,

Je marcherais les pieds en l'air,

Le jour je garderais la chambre,

J'irais à la plage en décembre,

Deux et un ne feraient plus trois...

Quel ennui ce monde à l'endroit!

 

Jean-Luc Moreau

 

 

Îles

 

Îles

Îles où l’on ne prendra jamais terre

Îles où l’on ne descendra jamais

Îles couvertes de végétation

Îles tapies comme des jaguars

Îles muettes

Îles immobiles

Îles inoubliables et sans nom

Je lance mes chaussures par-dessus bord

car je voudrais bien aller jusqu’à vous

 

Blaise Cendrars

 

 

 

 

Ballade à la Lune

 

C'était, dans la nuit brune,

Sur le clocher jauni,

La Lune

Comme un point sur un i.

 

Lune, quel esprit sombre

Promène au bout d'un fil,

Dans l'ombre,

Ta face et ton profil ?

 

Es-tu l'oeil du ciel borgne ?

Quel chérubin cafard

Nous lorgne

Sous ton masque blafard ?

 

N'es-tu rien qu'une boule,

Qu'un grand faucheux bien gras

Qui roule

Sans pattes et sans bras ?

 

Est-ce un ver qui te ronge

Quand ton disque noirci

S'allonge

En croissant rétréci ?

 

Qui t'avait éborgnée,

L'autre nuit ? T'étais-tu

Cognée

A quelque arbre pointu ?

 

Car tu vins, pâle et morne

Coller sur mes carreaux

Ta corne

À travers les barreaux.

 

Va, Lune moribonde,

Le beau corps de Phébé

La blonde

 

Tu n'en es que la face

Et déjà, tout ridé,

S'efface

Ton front dépossédé.

 

T'aimera le vieux pâtre,

Seul, tandis qu'à ton front

D'albâtre

Ses dogues aboieront.

 

T'aimera le pilote

Dans son grand bâtiment,

Qui flotte,

Sous le clair firmament !

 

Et la fillette preste

Qui passe le buisson,

Pied leste,

En chantant sa chanson.

 

Comme un ours à la chaîne,

Toujours sous tes yeux bleus

Se traîne

L'océan monstrueux.

 

Et qu'il vente ou qu'il neige

Moi-même, chaque soir,

Que fais-je,

Venant ici m'asseoir ?

 

Je viens voir à la brune,

Sur le clocher jauni,

La Lune

Comme un point sur un i.      

Dans la mer est tombé.

 

Alfred de Musset

 

 

Quand la porte se souvient

 

Quand le porte se souvient,

Quand la table se souvient,

Quand la chaise, l’armoire, le buffet, la fenêtre se souviennent

Quand ils se souviennent intensément

De leurs racines, de leur sèves, de leurs feuilles

De leurs branches,

De tout ce qui les habitait,

Des nids et des chansons

Des écureuils et des singes

De la neige et du vent

Un frisson traverse la maison

Qui redevient forêt.

 

Hamid Tibouchi

 

 

 

Parfois on ne sait plus rien

 

Parfois on ne sait plus rien,

Comme si on n’avait plus de mémoire,

Comme si le soleil s’était noyé dans la mer,

Comme si le livre des « peut-être », ce très gros volume

Avait brûlé entre les doigts si fins du feu.

                            

Julos Beaucarne.

 

 

Le chant de l’eau

 

L’entendez-vous, l’entendez-vous,

Le menu flot sur les cailloux ?

Il passe et court et glisse

Et doucement dédie aux branches

Qui sur son cours se penchent,

Sa chanson lisse.

Là-bas,

Le petit bois de cornouillers

Où l’on disait que Mélusine,

Jadis, sur un tapis de perles fines,

Au clair de lune, en blancs souliers,

Dansa.

Le petit bois de cornouillers

Et tous ses hôtes familiers,

Et les putois et les fouines,

Et les souris et les mulots,

Ecoutent

Loin des sentes et loin des routes,

Le bruit de l’eau…

Parmi les prés, parmi les bois,

Chaque caillou que le courant remue

Fait entendre sa voix menue

Comme autrefois.

Et peut-être que Mélusine,

Quand la Lune à minuit répand comme à foison

Sur les gazons

Ses perles fines,

S’éveille et lentement décroise ses pieds d’or,

Et suivant que le flot anime sa cadence,

Danse encore

Et danse.

 

Emile Verhaeren

 

 

 

Ma soeur la pluie

 

Ma soeur la pluie,

La belle et tiède pluie d’été,

Doucement vole vole, doucement fuit,

À travers les airs mouillés.

 

Tout son collier de blanches perles

Dans le ciel bleu s’est délié.

Chantez les merles,

Dansez les pies!

Parmi les branches qu’elle plie,

Dansez les fleurs, chantez les nids;

Tout ce qui vient du ciel est béni.

 

De ma bouche elle approche

Ses lèvres humides de fraise des bois,

Rit, et me touche,

Partout à la fois,

De ses milliers de petits doigts.

 

Sur des tapis de fleurs sonores,

De l’aurore jusqu’au soir,

Et du soir jusqu’à l’aurore,

Elle pleut et pleut encore,

Autant qu’elle peut pleuvoir.

 

Puis, vient le soleil qui essuie,

De ses cheveux d’or,

Les pieds de la pluie.

 

 

Charles Van Lerberghe

 

 

 

Le vent

 

Sur la bruyère longue infiniment,

Voici le vent cornant novembre;

Sur la bruyère, infiniment,

Voici le vent

Qui se déchire et se démembre,

En souffle lourd battant les bourgs.

Voici le vent,

Le vent sauvage de novembre.

 

Le vent rafle le long de l’eau,

Les feuilles mortes des bouleaux,

Le vent sauvage de novembre;

Le vent mord dans les branches,

Des nids d’oiseaux.

 

Sur la bruyère, infiniment,

Voici le vent hurlant,

Voici le vent cornant novembre.

 

Emile Verhaeren

 

 

 

 

Il était une feuille

 

Il était une feuille avec ses lignes

Ligne de vie

Ligne de chance

Ligne de coeur

Il était une branche au bout de la feuille

Ligne fourchue signe de vie

Signe de chance

Signe de coeur

Il était un arbre au bout de la branche

Un arbre digne de vie

Digne de chance

Digne de coeur

Coeur gravé, percé, transpercé,

Un arbre que nul jamais ne vit.

Il était des racines au bout de l’arbre

Racines dignes de vie

Vigne de chance

Vignes de coeur

Au bout des racines il était la Terre

La Terre tout court

La Terre toute ronde

La Terre toute ronde au travers du ciel

La Terre.

 

Robert Desnos

 

 

 

Arbre

 

Tu es plus souple que le zèbre.

Tu sautes mieux que l’équateur.

Sous ton écorce les vertèbres

font un concert d’oiseaux moqueurs.

J’avertirai tous les poètes:

il ne faut pas toucher aux fruits;

c’est là que dorment les comètes,

et l’océan s’y reconstruit.

Tu es léger comme un tropique.

Tu es plus sage qu’un poisson.

Dans chaque feuille une réplique

est réservée pour ma chanson.

Dès qu’on t’adresse la parole,

autour de toi s’élève un mur.

Tu bats des branches, tu t’envoles:

c’est toi qui puniras l’azur.

 

Alain Bosquet

 

 

 

 

Mes vers fuiraient...

 

Mes vers fuiraient, doux et frêles,

vers votre jardin si beau,

si mes vers avaient des ailes,

des ailes comme l’oiseau.

 

Ils voleraient, étincelles,

Vers votre foyer qui rit,

Si mes vers avaient des ailes,

Des ailes comme l’esprit.

 

Près de vous, purs et fidèles,

Ils accourraient nuit et jour,

Si mes vers avaient des ailes,

Des ailes comme l’amour.

 

Victor Hugo

 

 

 

 

Voici que la saison

 

Voici que la saison décline,

L’ombre grandit, l’azur décroit,

Le vent fraichit sur la colline,

L’oiseau frissonne, l’herbe a froid.

 

Aout contre septembre lutte;

L’océan n’a plus d’alcyon;

Chaque jour perd un minute,

Chaque aurore pleure un rayon.

 

La mouche, comme prise au piège,

Est immobile à mon plafond;

Et comme un blanc flocon de neige,

Petit à petit, l’été fond.

 

Victor Hugo

 

 

 

Océano nox

 

Ô combien de marins, combien de capitaines

Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines,

Dans ce morne horizon se sont évanouis !

Combien ont disparu, dure et triste fortune

Dans une mer sans fond, par une nuit sans lune,

Sous l’aveugle océan à jamais enfouis !

 

Combien de patrons morts avec leurs équipages

L’ouragan, de leur vie, a pris toutes les pages

Et d’un souffle il a tout dispersé sur les flots

Nul ne saura leur fin dans l’abîme plongée,

Chaque vague en passant d’un butin s’est chargée

L’une a saisi l’esquif, l’autre les matelots !

 

Nul ne sait votre sort, pauvres têtes perdues

Vous roulez à travers les sombres étendues,

Heurtant de vos fronts morts des écueils inconnus.

Ô ! que de vieux parents qui n’avaient plus qu’un rêve,

Sont morts en attendant tous les jours sur la grève

Ceux qui ne sont pas revenus !

 

Où sont-ils, les marins sombrés dans les nuits noires ?

Ô flots, que vous savez de lugubres histoires

Flots profonds redoutés des mères à genoux

Vous vous les racontez en montant les marées,

Et c’est ce qui vous fait ces voix désespérées

Que vous avez le soir quand vous venez vers nous.

 

Victor Hugo

 

 

La chanson de Gavroche

 

On est laid à Nanterre,

C’est la faute à Voltaire,

Et bête à Palaiseau,

C’est la faute à Rousseau.

 

Je ne suis pas notaire,

C’est la faute à Voltaire,

Je suis petit oiseau,

C’est la faute à Rousseau.

 

Joie est mon caractère,

C’est la faute à Voltaire,

Misère est mon trousseau,

C’est la faute à Rousseau.

 

Je suis tombé par terre,

C’est la faute à Voltaire,

Le nez dans le ruisseau,

C’est la faute à Rousseau.

 

Victor Hugo

 

 

 

J’aime l’araignée et j’aime l’ortie

 

J’aime l’araignée et j’aime l’ortie,

Parce qu’on les hait;

Et que rien n’exauce et que tout châtie

Leur morne souhait;

 

Parce qu’elles sont maudites, chétives,

Noirs êtres rampants;

Parce qu’elles sont les tristes captives

De leur guet-apens;

 

Parce qu’elles sont prises dans leur oeuvre;

O sort! Fatals noeuds!

Parce que l’ortie est une couleuvre,

L’araignée un gueux;

 

Parce qu’elles ont l’ombre des abîmes,

Parce qu’on les fuit,

Parce qu’elles sont toutes deux victimes

De la sombre nuit.

 

Passants, faites grâce à la plante obscure,

Au pauvre animal.

Plaignez la laideur, plaignez la piqûre,

Oh! Plaignez le mal!

Il n’est rien qui n’ai sa mélancolie;

Tout veut un baiser.

Dans leur fauve horreur, pour peu qu’on oublie

De les écraser,

 

Pour peu qu’on leur jette un oeil moins superbe,

Tout bas, loin du jour,

La mauvaise bête et la mauvaise herbe

Murmurent: Amour!

 

Victor Hugo

 

 

   

 

Il s’en passe des choses dans ma cité

 

Il s’en passe des choses dans ma cité.

Il n’y a qu’à regarder.

Moi, un jour, j’ai dit: “J’arrête, je regarde.”

J’ai posé par terre mes deux sacs.

Je me suis assis. J’ai regardé.

 

Les gens venaient

Les gens marchaient

Les gens passaient

Les gens tournaient

Les gens filaient

Les gens glissaient

Les gens dansaient

Les gens parlaient

Gesticulaient

Les gens criaient

Les gens riaient

Les gens pleuraient

Disparaissaient.

 

Il s’en passe des choses dans ma cité.

Il n’y a qu’à regarder.

On voit de tout, on peut tout voir.

Mais ce qu’on ne voit jamais dans ma cité, c’est un regard.

Un regard qui vous regarde et qui s’attarde.

 

Les gens naissaient

Les gens vivaient

Les gens mourraient.

 

Et moi, je restais sur mon banc de pierre, encadré par mes deux sacs.

Je regardais.

C’est merveilleux: partout où il y a des femmes, partout où il y a des hommes,

Partout il y a la vie.

J’aurai dû me lever. Leur tendre la main.

Leur dire: “Salut. Bonjour! J’existe.

Et vous? Vous existez?”

Je suis resté assis.

Le plus souvent, c’est ainsi que les choses se passent.

 

 

Guy Foissy

 

 

 

 

 

Les chemins

 

Les chemins

Se rencontrent

Se reniflent

Se tutoient

Se racontent

S’apprivoisent

S’éloignent

Se recherchent

Se retrouvent

Aux carrefours des doigts.

 

Alain Le Beuze

 

 

 

Vent

 

Le vent

Fait grincer les chemins

Dans les gonds de la nuit.

 

Il impose

Aux arbres

Une envergure.

 

Qui ose résister

a vite compris.

 

Il condamne l’inertie,

Est-ce sa faute ?

 

Il est des saisons

Qu’aucun vent

N’ose abuser.

 

Il est des toits coléreux

Qui ne le suportent.

 

Il lui arrive

D’aider les fruits,

Par nécessité pour eux,

Par respect pour les arbres.

 

Alain Le Beuze

 

 

 

Exil

 

Les murs

craignent

la fringale des ronces

 

les fenêtres

se méfient

des caresses de la rouille

 

le lierre

roucoule d’oiseaux

 

impatient

d’étendre sa puissance

de convertir l’espace

 

les toits

resserrent leurs tuiles

 

les chemins

se résignent

sous les averses de fougères.

 

Alain Le Beuze

 

 

 

Le cancre

 

Il dit non avec la tête

Mais il dit oui avec le coeur

Il dit oui à ce qu'il aime

Il dit non au professeur

Il est debout

On le questionne

Et tous les problèmes sont posés

Soudain le fou rire le prend

Et il efface tout

Les chiffres et les mots

Les dates et les noms

Les phrases et les pièges

Et malgré les menaces du maître

Sous les huées des enfants prodiges

Avec des craies de toutes les couleurs

Sur le tableau noir du malheur

Il dessine le visage du bonheur.

 

Jacques Prévert

 

 

 

Page d’écriture

 

Deux et deux quatre

Quatre et quatre huit

Huit et huit font seize

Répétez! dit le maitre

Deux et deux quatre

Quatre et quatre huit

Huit et huit font seize

Mais voilà l’oiseau lyre

Qui passe dans le ciel

L’enfant le voit

L’enfant l’entend

L’enfant l’appelle:

Sauve-moi

Joue avec moi

Oiseau!

Alors l’oiseau descend

Et joue avec l’enfant

Deux et deux quatre...

Répétez! dit le maitre

Et l’enfant joue

L’oiseau joue avec lui...

Quatre et quatre huit

Huit et huit font seize

Et seize et seize qu’est-ce qu’ils font?

Ils ne font rien seize et seize

Et surtout pas trente-deux

De toute façon

Et ils s’en vont.

Et l’enfant a caché l’oiseau

Dans son pupitre

Et tous les enfants

entendent sa chanson

et tous les enfants

entendent sa musique

et huit et huit à leur tour s’en vont

et quatre et quatre et deux et deux

à leur tour fichent le camp

et un et un ne font ni une ni deux

un et un s’en vont également.

Et l’oiseau lyre joue

Et l’enfant chante

Et le professeur crie:

Quand vous aurez fini de faire le pitre!

Mais tous les autres enfants écoutent la musique

Et les murs de la classe

S’écroulent tranquillement.

Et les vitres redeviennent sable

L’encre redevient eau

Les pupitres redeviennent arbres

La craie redevient falaise

Le porte-plume redevient oiseau.

 

Jacques Prévert

 

 


Dans ma maison

Dans ma maison vous viendrez

D’ailleurs ce n’est pas ma maison

Je ne sais pas à qui elle est

Je suis entré comme ça un jour

Il n’y avait personne

Seulement des piments accrochés au mur blanc

Je suis resté longtemps dans cette maison

Personne n’est venu

Mais tous les jours et tous les jours

Je vous ai attendu

 

Je ne faisais rien

C’est à dire rien de sérieux

Quelquefois le matin

Je poussais des cris d’animaux

Je gueulais comme un âne

De toutes mes forces

Et cela me faisait plaisir

Et puis je jouais avec mes pieds

C’est très intelligents les pieds

Ils vous emmènent très loin

Quand vous voulez aller très loin

Et puis quand vous ne voulez pas sortir

Ils restent là ils vous tiennent compagnie

 

Et quand il y a de la musique ils dansent

On ne peut pas danser sans eux

Faut être bête comme l’homme l’est si souvent

Pour dire des choses aussi bête

Que bête comme ses pieds gai comme un pinson

Le pinson n’est pas gai

Il est seulement gai quand il est gai

Et triste quand il est triste ou ni gai ni triste

Est-ce qu’on sait ce qu’est un pinson

D’ailleurs il ne s’appelle pas réellement comme ça

C’est l’homme qui a appelé cet oiseau comme ça

Pinson pinson pinson pinson

 

Jacques Prévert

 

 

 


Tout près du lac

 

Tout près du lac filtre une source,

Entre deux pierres, dans un coin;

Allègrement l’eau prend sa course

Comme pour s’en aller bien loin.

 

Elle murmure: Oh!quelle joie!

Sous la terre il faisait si noir!

Maintenant ma rive verdoie,

Le ciel se mire à mon miroir.

 

Les myosotis aux fleurs bleues

Me disent: Ne m’oubliez pas!

Les libellules de leurs queues

M’égratignent dans leurs ébats;

 

A ma coupe l’oiseau s’abreuve;

Qui sait? – Après quelques détours

Peut-être deviendrai-je un fleuve

Baignant vallons, rochers et tours.

 

Je broderai de mon écume

Ponts de pierre, quais de granit,

Emportant le steamer qui fume à l’océan où tout finit.

 

Théophile Gautier

 

 

 

Giboulées

 

La pluie éparpille un bouquet

De perles tièdes et légères.

On entend chanter les bergères

Et les oiseaux dans les bosquets.

 

Le soleil joue à cache cache

Avec les gros nuages gris.

Les moutons blancs, les veaux, les vaches,

Dans les prés semblent tout surpris.

 

Et voici que parmi l’ondée,

Comme du fond d’un vrai pastel,

On voit monter, arche irisée,

Le pont joyeux d’un arc-en-ciel.

 

 

Raymond Richard

 

 

 

 

Le poisson Fa

 

Il était une fois

Un poisson fa.

Il aurait pu être poisson scie,

Ou raie,

Ou sole,

Ou tout simplement poisson d’eau

Ou même un poisson un peu las,

Non,non,il était poisson fa:

Un poisson fa,

Voilà.

 

 

Boby Lapointe

 

 

 

Autocritique

 

Qu’est-ce qui ne va pas sur Terre?

C’est le chat dit la souris

C’est le lion dit la gazelle

C’est le loup dit l’agneau

C’est l’homme dit l’homme.

 

Jean-Pierre Develle

 

 

 

La salle à manger

 

Il y a une grande armoire à peine luisante

qui a entendu la voix de mes grand-tantes,

qui a entendu la voix de mon grand-père,

qui a entendu la voix de mon père.

A ces souvenirs, l’armoire est fidèle.

On a tord de croire qu’elle ne sait que se taire,

car je cause avec elle.

 

Il y a aussi un coucou en bois.

Je ne sais pas pourquoi il n’a plus de voix.

Je ne veux pas le lui demander.

Peut-être bien qu’elle est cassée,

La voix qui était dans son ressort,

ou bonnement comme celle des morts.

 

Il y a aussi un vieux buffet

qui sent la cire, la confiture,

la viande, le pain et les poires mûres.

C’est un vieux serviteur fidèle qui sait

qu’il ne doit rien nous voler.

 

Il est venu chez moi bien des hommes et des femmes

qui n’ont pas cru à ces petites âmes.

Et je souris que l’on me pense seul vivant

quand un visiteur me dit en entrant:

- Comment allez-vous, monsieur Jammes?

 

Francis Jammes

 

 

 

Leçon de géographie

 

L’océan a peur de moi

Quand il me voit arriver

il se retire très loin.

 

Je lui parle doucement

d’une voix de coquillage

pour tenter de l’apaiser.

 

Mais chaque fois c’est pareil:

il me faut au moins six heures

pour enfin l’apprivoiser.

 

Alors il revient vers moi

et il me lèche les pieds.

 

Christian Poslaniec

 

 

 

L’averse

 

Un arbre tremble sous le vent

Les volets claquent.

Comme il a plu, l’eau fait des flaques.

 

Des feuilles volent sous le vent

Qui les disperse.

Et, brusquement, il pleut à verse.

 

Le jour décroît.

Sur l’horizon qui diminue

je vois la silhouette nue

D’un clocher mince avec sa croix.

 

Dans le silence,

J’entends la cloche d’un couvent.

Elle s’élève, elle s’élance

Et puis retombe avec le vent.

 

Un arbre que le vent traverse

Geint doucement

Comme une floue et molle averse

Qui s’enfle et tombe à tout moment.

 

Francis Carco

 

Merci à la Fondation Maurice Carême

Caillou

 

Caillou noir,

Pas d'espoir.

Caillou rouge,

Rien ne bouge.

Caillou rond,

Pas un rond.

Caillou gris,

Rien de pris.

Caillou vert,

On le perd.

Caillou rose,

Peu de chose.

Caillou jaune,

On le prône,

Caillou blanc,

Vif argent.

Caillou d'or,

Quel trésor !

Caillou bleu,

Qui dit mieux ?

Moi, moi, moi,

Dit le fou :

Caillou plat

Et sans trou.

 

Maurice Carême

 

Le cheval

    

Et le cheval longea ma page.

Il était seul, sans cavalier,

Mais je venais de dessiner

Une mer immense et sa plage.

Comment aurais-je pu savoir

D'où il venait, où il allait ?

Il était grand, il était noir,

Il ombrait ce que j'écrivais.

 

J'aurais pourtant dû deviner

Qu'il ne fallait pas l'appeler.

Il tourna lentement la tête

Et, comme s'il avait eu peur

Que je lise en son coeur de bête,

Il redevint simple blancheur.

 

Maurice Carême

 

Tu seras un Homme, mon fils (autre titre : Si ...)

Rudyard Kipling, a écrit "If ..." (Si ...), en 1910. C'est la version traduite de l'anglais par l'écrivain Pierre Maurois (en 1918), qui est généralement retenue :

Si tu peux voir détruit l'ouvrage de ta vie

Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,

Ou, perdre d'un seul coup le gain de cent parties

Sans un geste et sans un soupir ;

 

Si tu peux être amant sans être fou d'amour,

Si tu peux être fort sans cesser d'être tendre

Et, te sentant haï sans haïr à ton tour,

Pourtant lutter et te défendre ;

 

Si tu peux supporter d'entendre tes paroles

Travesties par des gueux pour exciter des sots,

Et d'entendre mentir sur toi leur bouche folle,

Sans mentir toi-même d'un seul mot ;

 

Si tu peux rester digne en étant populaire,

Si tu peux rester peuple en conseillant les rois

Et si tu peux aimer tous tes amis en frère

Sans qu'aucun d'eux soit tout pour toi ;

 

Si tu sais méditer, observer et connaître

Sans jamais devenir sceptique ou destructeur ;

Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître,

Penser sans n'être qu'un penseur ;

 

Si tu peux être dur sans jamais être en rage,

Si tu peux être brave et jamais imprudent,

Si tu sais être bon, si tu sais être sage

Sans être moral ni pédant ;

 

Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite

Et recevoir ces deux menteurs d'un même front,

Si tu peux conserver ton courage et ta tête

Quand tous les autres les perdront,

 

Alors, les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire

Seront à tout jamais tes esclaves soumis

Et, ce qui vaut bien mieux que les Rois et la Gloire,

 

Tu seras un Homme, mon fils.

Rudyard Kipling  (voir aussi dans POÉSIE d'humour, dérision, parodie, un texte parodique)

 

 

 


Annexes