Dossier 2: le transhumanisme en question - Zoom sur Laurent Alexandre
Laurent Alexandre, chirurgien-urologue, expert en nouvelles technologies et créateur de DNAVision, société de séquençage d'ADN, vous propose dans les interviews suivantes:
- une définition de la notion de "transhumanisme";
- un bilan sur les avancées transhumanistes en matière de santé;
- sa vision du devenir de l'humanité et de l'I.A. (Intelligence Artificielle) dans un futur proche!
Si vous voulez rêver ou cauchemarder - cela dépendra de votre sensibilité, de vos valeurs - je vous conseille vivement de visionner, d'écouter et lire les documents suivants!
Pour celles et ceux qui ont choisi de voir le film Bienvenue à Gattaca (proposé dans les œuvres de lectures personnelles) ou/et qui ont lu Le Meilleur des mondes de Huxley, je vous encourage vraiment à lire ces documents, vous verrez que la fiction peut devenir la réalité (ou presque)! D'ailleurs n'est-ce pas le propre de la science-fiction: représenter une réalité possible?
Le futur, c'est maintenant!
Le transhumanisme, qu'est-ce que c'est ?
Santé : la révolution du transhumanisme
Extrait d'un entretien de Laurent Alexandre sur le Figaro.fr, le 2 juin 2017
"L’intelligence artificielle est déjà dans nos vies à travers les outils technologiques. Jusqu’où peut s’étendre son influence ?
Partout y compris dans nos cerveaux : Musk a tout compris. Le 28 mars 2017 marque le début de la fusion entre les cerveaux biologiques et l’intelligence artificielle (IA). Elon Musk, l’industriel le plus médiatique au monde, fondateur de PayPal, Tesla, SolarCity, Hyperloop, The Boring Company et SpaceX, a annoncé sur Twitter le lancement de Neuralink, une société destinée à augmenter nos capacités cérébrales grâce à de minuscules composants électroniques entrelacés entre nos 83 milliards de neurones, ce qui nous transformerait en cyborgs. Elon Musk se donne cinq ans pour sortir les premiers prototypes Neuralink. Cette course au neuro-enhancement (l’augmentation cérébrale) est motivée par sa hantise d’un dépassement de l’homme par l’IA, qui nous transformerait en animaux domestiques dans le meilleur des cas. Il pense que l’interdiction de l’IA à l’échelle mondiale est illusoire, même s’il a créé Open AI, une structure destinée à encadrer, surveiller et policer l’IA.
« Nous ferons des machines qui raisonnent, pensent, et font les choses mieux que nous le pouvons », avait déclaré Sergey Brin, le cofondateur de Google, il y a deux ans déjà ; il a confessé cette année à Davos qu’il avait sous-estimé la révolution de l’IA. Musk s’est d’ailleurs fâché avec Larry Page, le président de Google, à qui il reproche de prendre le risque d’être la fabrique d’une IA hostile à tout moment, même sans qu’il s’en rende compte.
Elon Musk est très influencé par Nick Bostrom, le théoricien des IA hostiles, qui défend l’idée qu’il ne peut y avoir qu’une seule espèce intelligente (biologique ou artificielle) dans une région de l’Univers : la version moderne de la sagesse populaire selon laquelle, il ne peut y avoir deux crocodiles dans le même marigot. Ayant comme premier objectif sa survie, toute IA forte se protégera en cachant ses intentions agressives et en attaquant préventivement. L’augmentation de nos capacités intellectuelles semble à Elon Musk la seule solution, avec le développement de colonies sur Mars, pour éviter que l’humanité tout entière soit exterminée d’un coup.
Comment fonctionne l’augmentation cérébrale ?
L’augmentation cérébrale ne peut se faire que de deux façons : par sélection et manipulation génétique des embryons, ou par action électronique sur notre cerveau. Musk se refuse à toucher à l’ADN ; il ne reste donc que les implants intracérébraux. Ce projet suscite de la moquerie de la part de beaucoup de neuroscientifiques, qui le jugent irréaliste mais ils oublient que Musk délivre toujours ce qu’il promet ; la seconde est Musk peut mobiliser des moyens considérables et recruter les meilleurs spécialistes mondiaux payés à prix d’or.
Les projets révolutionnaires d’Elon Musk posent de multiples questions politiques. Serait-il éthique de ne pas augmenter les capacités cognitives des gens peu doués ? Ces implants augmenteront-ils le QI de tout le monde de façon homogène ou les gens les plus intelligents bénéficieront-ils de facto d’un gain plus élevé, ce qui créerait un monde ultra inégalitaire ? Les neurotechnologies vont bouleverser nos institutions : nous sommes à la veille d’une révolution de l’école dont le rôle va devenir la programmation, sous le contrôle de la CNIL, des prothèses cérébrales. Face à ces enjeux, les discours sur l’enseignement sont une succession de poncifs qui semblent bien niais à l’heure des manipulations cérébrales made in Californie.
Quelle est la limite entre l’homme augmenté et la simple réparation médicale ?
Le champ de l’augmentation est large. La vaccination, les lunettes de soleil, la crème solaire ou bien encore la pilule contraceptives sont des augmentations. Nous nous augmentons déjà pour prévenir des maladies ou pour maîtriser notre destin biologique. Mais nous irons bientôt beaucoup plus loin. Demain l’augmentation va prendre plusieurs formes. La sélection embryonnaire sous une forme un peu plus sophistiquée que Bienvenue à Gattaca [NDLR : film de science-fiction décrivant un monde parfait où les individus ont tous un patrimoine génétique impeccable] deviendra la norme. Ce n’est pas mon souhait personnel mais un pronostic.
Et nous accepterons des prothèses neurotechnologiques pour éviter d’être dépassés par l’IA ou par nos voisins qui auraient accepté par exemple les implants que Musk est en train de mettre au point."
Transhumanisme : Demain, serons-nous tous des êtres augmentés?