Le réalisateur du film, Rémi Chayé s'est inspiré d'une histoire vraie ...

A travers la glace : 1914-1917, l'expédition Shackleton.

La carte du voyage de l'équipage de l'Endurance.

L'explorateur Sir Ernest Shackleton a tenté la traversée de l'Antarctique et a accompli une série d'incroyables exploits. 

” Cherche hommes pour voyage incertain. Petits gages, froid rigoureux, longs mois de nuit complète, dangers permanents, retour incertain. Honneur et reconnaissance en cas de succès. “

C’est avec cette annonce que Sir Ernest Shackleton a recruté une bonne partie des membres du bateau ” L’Endurance ” pour son expédition vers l’Antarctique, qui démarra en 1914 pour s’achever trois ans plus tard. Une aventure humaine parmi les plus incroyables du XXe siècle.

Au début du XXème siècle, la conquête des pôles, dernières contrées inconnues de l’Homme, anime nombre d’explorateurs, pour la gloire et pour la science. Au rang de ceux-ci, Sir Ernest Shackleton tient lieu de héros : sa traversée de l'Antarctique vit son navire et son équipage faits prisonniers par les glaces. Pour sauver ses compagnons, l’explorateur accomplit une série d'incroyables exploits. 

L'explorateur  fait affréter deux bateaux : l'Endurance, avec lequel il compte débarquer après avoir traversé la mer de Weddell, et l'Aurora, chargé de mettre en place des dépôts d'approvisionnement sur le chemin de Shackleton puis de récupérer l'explorateur et ses compagnons, après leur périple de 2900 kilomètres à travers le continent de glace.L'Endurance, piégé par la glace. Photos du photographe de l'expédition: Frank Hurley

Ernest Shackleton

Plusieurs fois le vaisseau est stoppé par la banquise puis se libère. Au matin du 19 janvier 1915, le navire est pris par les glaces. A plusieurs occasions, l'équipage se démène, dès qu'une faille se présente, pour tenter de l'élargir et de dégager le navire : sans succès.

L'équipage est contraint d'abandonner le navire, lentement broyé par la banquise sous les yeux des marins impuissants.                                                                                

 L'Endurance, piégé dans le pack, photographié par Frank Hurley. 

Après deux cent quatre vingt-un jours passés prisonnier de la glace, l'Endurance est progressivement englouti.

 

L'Endurance, comme un bateau fantôme piégé par la banquise. 

L'équipage installe son campement à quelques centaines de mètres de là ; entendant au loin les plaintes et craquements de leur bateau en détresse. Ils ont sauvé tout ce qui pouvait l'être, et emmenés avec eux les trois embarcations. C'est le véritable début de leur odyssée.

Rapidement, Shackleton décide d'entreprendre une expédition. Il permet aux hommes de n'emmener qu’un kilo chacun d'objets personnels. Il ne faut en effet porter que l'indispensable : chaque traîneau, avec un bateau et son chargement, pèse plus d'une tonne. Pour les tracter, quinze hommes sont nécessaires, et il faut faire de nombreux détours, creuser les crêtes de glace pour leur permettre d’avancer. La tâche est épuisante, et les chiens ne sont pas de trop pour aider à traîner la charge. Devant la difficulté de la progression et en attendant des conditions plus propices, les hommes établissent un premier camp, Ocean Camp, où ils passent deux mois.

Sir Ernest Shackleton et son équipage, à Ocean Camp.

Le 21 novembre 1915, l'Endurance, qui est encore à portée de vue, achève de disparaître dans les flots.

Un mois après la disparition du navire, le 23 décembre, l'équipage prend le départ pour une longue marche, dans le but de rallier l'île Paulet. Les hommes vont marcher la nuit, pour profiter du durcissement de la glace, et dormir le jour. En vain : après sept jours de progression, le terrain est jugé trop impraticable. Des crêtes de trois mètres rendent l'avancée particulièrement difficile. En une semaine, les hommes n'ont progressé que de 18 kilomètres. Il leur faudrait 200 jours pour atteindre leur objectif. Shackleton renonce. Il installe un nouveau camp, Patience Camp. Ils y vivront trois mois.

Thomas Crean, avec les chiots nés à bord de l'Endurance.

Face à l'ampleur de la tâche qui attend les hommes, Sir Ernest Shackleton commence à rationner sévèrement la nourriture. La principale source d'alimentation consiste en de la viande de phoques et de manchots attrapés sur la banquise. L'huile qu'ils récupèrent ainsi devient également un de leurs principaux combustibles. Mais ces animaux se font de plus en plus rares : la pénurie guette et, nécessité oblige, Shackleton ordonne d’abattre tous les chiens.

« Ce fut la plus pénible tâche de tout notre voyage et leur perte nous affligea beaucoup », regrette-t-il.

L'équipage de l'Endurance joue au football sur la banquise.

Les chiens de traîneau contemplent l'Endurance, peu à peu broyé par la banquise. 

La faim devient, au fil des jours, l'unique préoccupation des hommes, et elle les tenaille constamment. Pour dégeler l'eau, ils dorment avec des boîtes qu'ils remplissent de glace et qu'ils réchauffent grâce à la chaleur de leurs corps.

Bientôt,avec la banquise morcelée, Sir Ernest Shackleton se résout à tenter de rallier l'île de Clarence ou l'île de l’Éléphant, dernières îles au Nord, et donc dernières chances d’atterrir avant de se trouver face à l'océan Atlantique.

Le principal problème auquel sont confrontés les marins est la dislocation de la banquise : elle empêche ainsi les traîneaux de circuler, mais n'est pas assez ouverte pour permettre aux trois canots qu'ils ont sauvé du naufrage de l'Endurance de prendre la mer. Il leur faut attendre. Peu à peu, l’îlot sur lequel l'équipage a installé le camp se disloque à son tour ​​​.

Les conditions sont extrêmement difficiles. Il est impossible d'accoster toutes les nuits, et les trois équipages sont contraints de passer la nuit en mer, fouettés par les embruns, les lèvres craquelées par le sel, par des températures de – 20°C, blottis les uns contre les autres en espérant trouver un peu de chaleur. Peu à peu, l'eau douce vient à manquer, et les hommes se partagent un bloc de glace embarqué à bord d'un des canots : « Notre soif devenait terrible. Nous trouvâmes un soulagement momentané à mâcher de petits morceaux de phoque dont nous avalions le sang ; mais notre soif redoubla ensuite sous l'effet de la salaison ».

Après quatre jours de labeur quasi-continu, deux jours sans manger faute de pouvoir cuisiner et les vêtements imbibés d'eau salée, transis par le froid, les trois petits équipages parviennent enfin à l'île de l'Eléphant le 14 avril 1916. Certains hommes sont sévèrement mordus par le gel et s'effondrent dès que leurs pieds touchent le sol...Dès le lendemain, l'équipage quitte la plage sur laquelle ils avaient abordé et installe son campement plus loin. Rapidement une décision s'impose : l'île de l'Eléphant est éloignée de toutes les routes maritimes, il faut donc aller chercher des secours et tenter la traversée jusqu'à la Georgie du Sud, dans une embarcation de 7 mètres de long, à travers les mers les plus dangereuses du globe.

Frank Wild et Ernest Shackleton, lorsqu'ils étaient encore à Ocean Camp.

Le charpentier du bateau, Henri McNish, répare et aménage la baleinière de l’expédition : les bords sont surélevés, un pont de fortune est aménagé et une mature installée tant bien que mal, le bateau est également lesté d’une demi-tonne. Pour l’expédition, Shackleton prend avec lui son capitaine, Worsley. Il décide de laisser Frank Wild, le commandant en second, à l’île de l'Eléphant, afin qu’il veille sur les hommes.

L'équipage de l'Endurance resté sur l'île de l'Eléphant

 

 

Shackleton choisit également pour l’accompagner le second officier, Thomas Crean, le charpentier, Harry McNish, ainsi que Timothy McCarthy et John Vincent, tous deux marins. Le 24 avril 1916, l'embarcation réparée est mise à l’eau. Sur la grève, l’équipage restant de l’Endurance fait des signaux et pousse trois “Hourra !”. Ils ont beau garder espoir, ils savent que les chances de survie de leurs compagnons sont minces. A bord du bateau, Shackleton n’a pris que quatre semaines de provisions : au-delà de ce délai, si l'embarcation n’a pas atteint la Georgie du Sud, c’est qu’elle et son équipage sont perdus.

Pendant 16 jours, le petit bateau progresse, ballotté par les flots. Constamment trempés par l’écume, les hommes dorment tant bien que mal au milieu des éléments déchaînés, par groupes de trois : chacun rampe sous le pont pour y dormir 4 heures, avant de passer 4 heures sur le pont pour y naviguer. Il faut écoper continuellement, et enlever à la hache la glace qui s’accumule et menace de faire chavirer l’embarcation.

A travers la Georgie du Sud

Le matin du 11 mai, Sir Ernest Shackleton, Frank Worsley et Thomas Crean prennent le départ pour traverser l’île. Sans carte, ils improvisent une route à travers les pics enneigés et les glaciers, se dirigeant encordés, en bons marins, aux commandements “bâbord”, “tribord”, “tout droit”, à travers le brouillard. A plusieurs reprises, les hommes se trompent de direction et sont contraints de rebrousser chemin. Quand nécessaire, à l’aide de l’herminette, un outil du charpentier, ils taillent des marches à même la glace pour descendre les pentes abruptes. Pendant 36 heures, les trois hommes avancent et parcourent plus de 30 kilomètres d’un paysage accidenté qui mettrait en peine des alpinistes chevronnés. Ils progressent y compris la nuit, prenant à peine le temps de se reposer :

« En moins d’une minute, mes deux compagnons dormaient profondément. Si nous nous assoupissions tous, ce serait un désastre, car dans de telles conditions le sommeil peut très bien se terminer par la mort ; aussi au bout de cinq minutes je les rappelais à eux en leur faisant croire qu’ils avaient dormi une demi-heure, et donnai l’ordre du départ. »

Des membres de l'équipage creusent un trou dans l'iceberg, à l'aide d'une herminette, un outil de charpentier, pour s'abriter.

En 1956, l’explorateur britannique Duncan Carse fera à son tour la traversée de la Georgie du Sud et écrira à leur sujet : « Je ne sais pas comment ils l’ont fait, seulement qu’ils ne pouvaient faire autrement que réussir ».

La Georgie du Sud, photographiée par Frank Hurley

Le 20 mai 1916, les trois hommes arrivent à la station baleinière de Stromness après un dernier exploit : le seul sentier praticable s’avérant être le ruisseau d’un glacier, ils le suivent, immergés jusqu’à la ceinture, grelottants, et découvrent au bout une cascade d’une dizaine de mètres, qu’ils descendent en rappel.

A la station, dans leurs tenues dépenaillées et avec une barbe conséquente, l’air famélique, ils sont d’abord accueillis avec suspicion lorsqu’ils annoncent arriver par l’intérieur de l’île. C’est l’administrateur de l’île, Petter Sorle, qui reconnait Shackleton et lui offre l’hospitalité.

Après des mois passés en isolement total, le choc est grand.

Dès le lendemain, un vaisseau baleinier va chercher, de l’autre côté de l’île, les trois membres d’équipage restants. S’organise, alors, le secours de l’équipage resté sur l’île de l’Eléphant. Il faudra trois mois, et autant de tentatives avortées face à l’ampleur du pack, avant qu’un navire prêté par le gouvernement chilien, le Yelcho, ne parvienne à atteindre l’île. Sur place, l’équipage a vécu dans des conditions drastiques, sur une île constamment exposée au froid, balayée par des vents de plus de 110 km/h. Grâce aux ressources et à l’énergie de Franck Wild, le commandant en second, les hommes ont tenu bon et, malgré les conditions extrêmes,dans un journal un homme note : « Aujourd’hui repas sompteux, presque 150 g de nourriture chacun » ; les médecins de bord ont également amputé avec succès les orteils d’un marin, sans instruments adéquats ni moyens de stérilisation. Les hommes n'ont jamais perdu espoir.

Le 30 août 1916, Shackleton rejoint enfin son équipage. Lorsqu'il demande, depuis la barque qui le mène à son équipage agglutiné sur la plage, si tout le monde se porte bien, Frank Wild crie en retour :

   « Tous bien, tous vivants patron ! »

L'équipage du navire au complet, devant l'Endurance.

 C’est là que se situe le miracle, l’héroïsme, de l’expédition menée par Shackleton. Si l'expédition n'est pas parvenue à traverser l'Antarctique et s'est soldée par un échec, elle n’en tient pas moins de l’exploit. Après plus de trois ans passés dans les régions les plus inhospitalières du monde, aucun membre de l’équipage ne perdit la vie. Ils le doivent à leur extraordinaire résistance mais également à Sir Ernest Shackleton, dont l’inébranlable volonté et l’héroïsme permirent à tous de rentrer chez eux.

L’expédition prit fin en 1917, après que Shackleton eut récupéré les membres de l’Aurora restés de l’autre côté de l’Antarctique. Moins chanceux que l’équipage de l’Endurance, trois hommes avaient trouvé la mort sur la banquise.

Sir Ernest Schackleton mourut, lui, d’un arrêt cardiaque en 1922, alors qu’il venait d’arriver en Georgie du Sud. Inlassable explorateur, il avait repris la mer pour une expédition scientifique. Il était, une ultime fois, reparti à la conquête du pôle Sud, comme aiguillé par sa devise familiale : « Par l'endurance, nous vaincrons ».

Prends le temps de regarder ce magnifique documentaire !

Le documentaire Ernest Shackleton, le naufragé de l'Antartique retrace l'incroyable aventure de cet explorateur britannique. Envoyé en expédition par l'Empire anglais du début du vingtième siècle, le bateau de Sir Ernest Shackleton, l'Endurance, s'est retrouvé bloqué dans les glaces de l'Antartique. L'équipage, composé de vingt-huit hommes, se battra pendant presque deux ans, de 1914 à 1916, afin de survivre face aux conditions climatiques et naturelles de l'enfer blanc.