... un récit de l'esclavage vers la liberté.

Tous les 3èmes3 ont participé au concours : écrivez un journal intime :

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Pendant quelques semaines, vous aurez le privilège de lire quelques journaux. Commentez, dites lequel vous préférez. Pour l'instant lisez celui de Thomas.

1er jour

Cher Journal,

C'est la première fois que je t'écris, il faut dire que cela ne fait pas longtemps que j’ai appris. J'espère pouvoir écrire tous les jours mais pour cela il faut que je sois vigilant et qu'il ne m'attrape pas.

Je suis, Siaka , esclave depuis 3 ans dans les champs de canne à sucre. J'essayerai de raconter ma vie plus tard. J'écris pour décharger mon âme et chasser toutes ces souffrances de mon cœur. Elles me quitteront dans ce journal et ne reviendront plus. Enfin, je l'espère. En tout cas dans cette plantation je me sens oppressé, je veux partir loin, loin, courir les champs, libre, libre. Le marécage n’est pas loin, on dit qu’il y a des nôtres cachés, ceux qui ont osé s’enfuir.

2ème jour

C'est bon il est parti! Franklin Cains ! Nous le surnommons le Faucon car il voit tout. Il est le maître de la propriété. Je vais pouvoir commencer le récit de ma vie.

              Voila, je suis né dans un petit village au Ghana. Mon père était éleveur et ma mère s'occupait de nous. Nous étions 4 enfants et j'étais le dernier. Mon enfance s'est résumée à cela: je gardais les troupeaux le matin et l'après midi j'allais chercher de l'eau. Ensuite, j'aidais maman enfin s'il me restait un peu de temps et je jouais avec des amis du village. Ma mère croyait en moi et me disait toujours: "tu m as dit que tu voulais être docteur plus tard et bien tu le seras, je le sens."Ma mère était la personne qui comptait le plus pour moi, je me demande où elle est maintenant. Enfin bon revenons à mon récit : donc un après midi, alors que je rentrais, fatigué du puits, j'ai vu des hommes blancs en armes dans le village. J'avais 15 ans à l'époque. Je n'ai pas tout de suite compris ce qui se passait, c'était la panique au village, les hommes blancs prenaient les bijoux et les hommes ainsi que les femmes en bonne santé. Les autres femmes ils les violaient puis les tuaient. J'ai voulu me cacher mais lorsque je me suis mis à courir j'ai senti dans ma nuque la pointe d'un objet. Un homme me dit: "Ne bouge pas ou je tire ! Suis-moi!". Et il m'a emmené dans un bateau. Nous avons traversé l'Atlantique. L'air était fétide, nous étouffions dans ces cales.Ca sentait le vomis et l'urine. J'ai vu de nombreuses personnes mourir de maladies. Nous étions dans des cages comme des moutons qui partent à l'abattoir. Nous sommes enfin arrivés au bout d'un certain temps. J'étais devenu plus faible qu'au début de la traversée. Un homme m'a acheté pour une poignée de pièces de monnaie que le marchand est surement allé dépenser dans l'alcool, cet ivrogne. J'ai travaillé pendant 3 ans dans des  champs de canne à sucre. Heureusement, mon maitre laissait venir des missionnaires pour nous apprendre à parler et à écrire car sa femme, Victoria Cains, était professeur et était attachée à notre instruction pour lire la Bible. En revanche, nous devions travailler plus et nous n'avions strictement pas le droit d'écrire, c'est pour ça que je me cache. Voilà c'est un peu tout jusqu'à maintenant. Ma famille me manque, je veux la rejoindre où qu'elle soit. Mais j'ai peur. Oui peur que si un jour je rentre au village je ne retrouve pas ma famille et que ce soit une douleur encore plus forte.

3ème jour

 Aujourd'hui, comme d'habitude, j'ai travaillé dans les champs. Nous étions cinq esclaves dans les champs de canne à sucre du Nord du domaine .J'étais donc en train de travailler lorsque j’ai vu un autre esclave allongé au sol, une femme à côté de lui. Cette femme, je l’avais souvent croisée, elle était belle, elle appartenait à Duchemin, le propriétaire voisin. Ses cheveux en bataille étaient très épais, elle était très maigre mais une vraie grâce se dégageait d’elle. Elle était esclave elle aussi, mais quelque chose en elle ne reflétait pas la soumission habituelle. L'homme gémissait se tordant dans tous les sens.

"Que se passe-t-il? demandais je.

- Il s'est entaillé le bras avec la machette, il est en train de se vider de son sang, répondit la femme.

Sa voix était impérieuse :

- Donnez-moi une grande feuille de tabac, j'ai déjà vu un homme faire ça !".

Elle noua la feuille autour du bras sur la blessure. Elle était agile et ses doigts bougeaient avec une telle rapidité que cela m’hypnotisait. L'homme se releva doucement et nous remercia. Une petite discussion commença alors entre nous trois sur notre vie, le travail, le Faucon. Mais cette discussion fut écourtée car justement le Faucon arriva pour que nous nous remettions au travail. Je ne sais pas comment il fait, il voit tout. Ces deux esclaves s'appelaient Yaya et Amina. Ils n’avaient pas peur, ils pensaient à fuir. Comme Yaya était blessé, pas transportable, c’est Faucon qui devait se charger d’eux. Ils allaient dormir dans notre cellule pour les nuits à venir. Mon cœur battait à cette nouvelle.

6eme jour

Je n'ai pas pu écrire pendant un certain temps car le Faucon n'étant pas content de mon travail m'a isolé pendant 2 nuits dans la cave du domaine. Il faisait froid, il n y avait pas de lumière et ça sentait l'humidité et l'urine. Je n'ai donc pas dormi pendant 2 jours.                                                                               

           J'ai revu deux, trois fois Yaya et Amina dans les champs. La blessure de Yaya commençait à cicatriser. Mais il souffrait toujours. Le Faucon ayant vu cette blessure, il lui dit que son bras ne lui servirait plus. ET il le lui trancha d'un coup sec. Je ne pouvais rien faire j'étais impuissant face à cet homme mais au fond de moi il y avait une telle rage que j'avais envie de l'égorger sur place.         Hier les missionnaires nous ont parlé de Dieu, de l’égalité, de la liberté et aujourd'hui je suis décidé : Nous allons nous évader...

    J'en ai parlé à Amina. Elle m’a dit que depuis ce qui était arrivé à Yaya, elle était plus déterminée que jamais, la mort même serait une délivrance.

7eme jour

Il m'a fallu du temps pour faire un plan d'évasion. Ce n'est pas impossible à réaliser mais il faudra de la précision, de la vitesse, de la chance et beaucoup prier. Déjà nos jambes et nos bras sont enchainés, il faut scier ces chaines. Impossible de s'enfuir par les fenêtres, il y a des barreaux. Un garde circule autour de ce que l'on peut appeler une maison, moi j'appelle ça un enclos à cochons. La propriété est entourée de murs

Premièrement il faut réussir à rompre ces liens. Amina dit qu'avec un morceau coupant de carreau de carrelage, ça pourrait céder. Au moment de la ration de nourriture, que l’on nous donne comme si nous étions des cochons, il faudra être rusé. Nous garderons les liens pour pas que le Faucon ne s’aperçoive pas que nous sommes détachés, mais les liens seront bien coupés. Il y a moment, où il retourne chercher un autre seau de pain mouillé, la porte à ce moment n’est pas verrouillée, je l’ai remarquée de nombreuses fois.

Il faudra profiter des ombres de la cour car le salon du Faucon donne directement sur le portail qui est éclairé en permanence. Amina dit que c’est impossible. Elle est trop pessimiste. Je l’ai regardée droit dans les yeux et je lui ai dit : L’amour peut tout ! Elle a baissé les yeux, mais j’ai vu qu’à travers ses cils, ses prunelles de feu avaient un éclat étrange. Puis elle s’est mise à chanter, un chant profond du pays et j’ai eu les larmes aux yeux, nous savions à cet instant que Yaya était mort, il n’a pas survécu à l’hémorragie de son bras.

Après quand on sera sorti de la propriété, on avisera mais je pense qu'il faut atteindre le marécage le plus vite possible. Y arriver sera déjà une victoire. On a prévu de tenter cette folie dans trois jours le temps de se reposer et de tout préparer .Je n'écrirai plus d'ici là.

11ème jour

Nous avons réussi à casser et à récupérer un morceau de carrelage. Le soir, on l’a aiguisé en cachette, les autres dormaient, j’ai vu un œil d’un camarade s’ouvrir, nous regarder et se refermer dans la nuit. Au début on n'arrivait pas à rompre nos liens. Finalement, ils ont cédé. Nous avons tranquillement attendu que Faucon vienne. Lorsqu'il est arrivé, nous avions la boule au ventre. Et si quelqu'un nous repérait ? Et si Faucon fermait exceptionnellement la porte ?

 Nous avons couru aussi rapides que des chats, le long des murs. Les autres nous avaient vus, ils ont commencé à chanter pour couvrir notre fuite. Je n’oublierais jamais ce moment-là. Ils ont dû être sauvagement fouettés à notre place. Faucon a dû se venger de façon effroyable sur eux.

Aurais-je assez de force? Je courais, je voyais la silhouette fine d’Amina devant moi, à ce moment, je savais que je l’aimais. Je n'avais aucune notion du temps. Je courais mon sang cognait, mes pieds nus étaient en sang, il fallait pénétrer dans le marécage.

C’est la nuit, je me blottis contre le corps chaud d’Amina, on entend les aboiements des chiens, Faucon doit nous chercher partout. Ce n’est pas grave, l’essentiel est d’être libre. Ne serait-ce qu’une nuit ! Je regarde le ciel, les étoiles brillent.