Critique du film "Fatima" de Philippe Faucon

La peur commence à reculer et je prend confiance en moi

Fatima, produit en 2014, est un film réalisé par Philippe Faucon. Présenté lors de la 47e édition de La Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes, il en reçu 4 nominations. 

Synopsis. Fatima vit seule avec ses deux filles : Souad, 15 ans, adolescente en révolte, et Nesrine, 18 ans, qui commence des études de médecine. Fatima maîtrise mal le français et le vit comme une frustration dans ses rapports quotidiens avec ses filles. Toutes deux sont son moteur, sa fierté, son inquiétude aussi. Afin de leur offrir le meilleur avenir possible, Fatima travaille comme femme de ménage avec des horaires décalés. Un jour, elle chute dans un escalier. En arrêt de travail, Fatima se met à écrire en arabe ce qu'il ne lui a pas été possible de dire jusque-là en français à ses filles.

Fatima nous présente la face cachée, le derrière, le ressenti propre et juste d'une famille d'étrangers d'origine algérienne à croyance musulmane.

Le portrait de cette vie où la mère, divorcé de son ex mari, ne parle pas le français et élève deux sœurs, Soual et Nesrine.

La plus jeune, Soual est en classe de troisième. Désintéressée de l'école, elle ère dans le laisser-aller et ne porte aucune attention sur le travail scolaire. L'insolence, la violence et la vulgarité la dominent, elle passe son temps libre à rester avec ses amis, dehors, à ne pas partir en cours. Elle est impolie avec sa mère, qu’elle trouveégalement. Ici est dressé le portrait des jeunes de quartiers de nos jours, de la nouvelle génération, qui est principalement décrit par l’image de jeunes étrangers. 

La seconde, Nesrine, a le profil opposé à sa cadette. En première année d'études en médecine, ses études et sa réussite scolaire sont au cœur de ses préoccupations. Elle est concentrée par son travail est n’a qu’un seul objectif en tête : réussir ses examens. Elle délaisse toutes autre futilité pour laisser place aux révisions.

Fatima, quant à elle, est très calme, juste et fidèle à sa religion. Mais le fait qu'elle ne maîtrise pas la langue française est un handicap, un non-accès à la société française qui semble l'exclure. Le manque d'instruction du à ses origines étrangères ne lui donne pas accès a beaucoup de choses. Il est difficile pour elle de trouver un travail, de faire des choses même les plus banales du quotidien, comme ne pas comprendre les paroles d’un autre. Cependant elle est très impliquée dans la vie de ses deux filles, leur réussite est vitale. Elle tente de les aider mais en vain, la plus grande a besoin d’argent, la plus petite a besoin d’instruction.

Ses origines africaines ainsi que sa croyance musulmane sont comme une barrière, une barrière qui les écarte de cette société où elle se sent repoussée. L'incompréhension et le recul envers cette société l'emmène dans l'écriture d'un livre, écrit dans la langue qu'elle maitrise, où elle expose clairement ses idées, elle se libère, se débarrasse d'un poids qu'elle portait, en y apportant une réflexion sur sa cause, la cause féminine des étrangers, vis à vis de la société française où le racisme est omniprésent.

Une sorte de honte est ressentie par les enfants vis a vis de leurs parents, et plus particulièrement de leur mère. Elle est telle qu'une intrusion indésirable, exclue de la population, qui ne devrait pas être la. Elle est perdue, repoussée. Elle ne trouve pas sa place. 

Inspiré par le livre "Prière à la Lune" de Fatima Elayoubi, le réalisateur retranscrit à travers ce film une description de la situation des familles de cette catégorie, débarrassée de toute caricature. Ici est livré un jeu d'acteur sobre, naturel et très épuré qui accentue la vérité, la réalité du film. Philippe Faucon se présente comme le porte-parole des femmes vivant dans l'ombre, à l'écart. Il veut montrer au public, à la société repoussante, ce que vivent ces personnes au quotidien, malgré leur intégration incomplète, ce quelles ressentent, leurs émotions, leur point de vue, afin de faire prendre conscience de la détresse de ces personnes, et permettre à ces femmes de s'exprimer, tout en ne plaquant aucune image stéréotypée.

Commentaires

1. Le 01 juillet 2015, 10:32 par gilles jacob

La critique du film "Fatima" de Philippe Faucon par Cyrine JDEY rend compte du film avec intelligence, acuité et sens de l'analyse. Peut-être une prochaine fois, l'auteur pourrait-il s'attacher davantage à l'étude de la mise en scène proprement dite. Il évoque le jeu des acteurs, l'absence de caricatures et de stéréotypes. On aurait aimé lire en quoi le style et le talent du réal. fait de son film autre chose qu'une bonne illustration du livre. Ou pas.

2. Le 07 juillet 2015, 18:33 par Netgear Paris

Quelle belle critique de Cyrine Jdey du Film "Fatima" de Philippe Faucon. C'est une histoire courante de notre société. Le regard pressé du quotidien met peu de lumière sur cette héroïne. Elle montre la frustration et l’impuissance d'une femme forte dont le soutien s'avère déterminant pour ses enfants. Un arbre qui tombe fait plus de bruit qu’une forêt qui pousse! Fatima permet de garder l'espoir d'une intégration réussie et de raconter à sa manière l'arbre qui pousse... Bravo Cyrine!

3. Le 09 juillet 2015, 15:39 par Cyrine JDEY

@gilles jacob :

Bonjour Monsieur Jacob, c'est avec plaisir et honneur que je reçois votre commentaire et vous remercie. Les remarques constructives que vous m'avez adressées m'ont permis d'améliorer cette critique et de les prendre en compte pour de prochains écrits où je pourrai mettre en avant l'approche du réalisateur du film. Je vous les adresse ici. 

Dans le film Fatima, Philippe Faucon nous offre une vision non-stéréotypée de personnages maghrébins dans lesquels tous peuvent s’identifier : la mère est non francophone mais rédige son propre livre en arabe et se cultive, sa fille aînée est très studieuse et responsable en  opposition à la cadette, plus mouvementée et instable. Ces personnages ne sont pas propres à une catégorie de personnes et leurs caractères peuvent être retranscrits sur un large éventail de nationalités, et bien que la religion domine le cadre quotidien, la culture française est adoptée. Les rôles sont également interprétés par des acteurs non professionnels, hormis la fille aînée, afin de donner un rendu plus naturel, plus spontané aux personnages et agrandir leurs crédibilité. 

Les plans sont le plus fréquemment éloignés des personnages afin de garder une certaine distance émotionnelle entre les personnages et le public qui reste uniquement spectateur. Ce choix qui pourrait apporter de la froideur aux scènes est pourtant judicieux car le réalisateur dresse un portrait juste, nuancé et universel d'une mère élevant seule ses deux enfants. Philippe Faucon parvient ainsi à émouvoir.