Romy Schneider ou les choses de la vie...
Par Olivier REUS le 22 janvier 2015, 19:33 - Dossiers - Lien permanent
Biographie
Romy Schneider, de son vrai nom Rosemarie Magdalena Albach est une actrice autrichienne, née le 23 septembre 1938 à Vienne en Autriche et morte le 29 mai 1982 à Paris. Elle nait dans une famille à tradition artistique. Ses parents sont souvent absents du fait de leur métier. Romy Schneider grandit donc avec sa grand-mère maternelle, Maria Schneider. A cette époque l’Autriche est annexée par l’Allemagne, sa mère fréquente le cercle d’Adolf Hitler. Elle a déclaré : « Je crois que ma mère a eu une liaison avec Hitler ».
En 1943, son père quitte sa mère. Romy idéalise son père et projettera son image dans ses rencontres avec ses réalisateurs. En 1945, ses parents divorcent et l’Autriche est à nouveau indépendante. La fin de la guerre marque une pause dans la carrière de sa mère. En 1949, elle entre dans un pensionnat religieux catholique pour apprendre les bonnes manières et rêve de s’évader et de devenir actrice. En 1953, elle joue dans son premier film, à l’âge de 15 ans, le rôle de la fille de sa mère. Sa mère se remarie ; Romy ne s’entendra jamais avec son beau-père. De 1955 à 1957, elle interprète l'impératrice Élisabeth d'Autriche, surnommée « Sissi », dans trois films romantiques d’Ernst Marischka, à une époque où l’Autriche cherche à faire oublier son annexion à l’Allemagne nazie et à retrouver son prestige. Ces films connaissent un engouement populaire en Autriche et en Allemagne ; en Suisse et en France ils sont même diffusés gratuitement dans les écoles.
Mais en 1957, ce rôle de jeune fille modèle lui pèse, elle déclare : « je hais cette image de Sissi ». Et, à 19 ans, elle refuse de tourner le quatrième film de Sissi au grand dam de son agent, de son beau-père qui utilise ses cachets pour investir dans hôtels et restaurants, et de sa mère qui utilise sa fille pour poursuivre sa carrière déclinante depuis la fin du régime nazi. La presse allemande ne lui pardonnera jamais d’avoir renier son rôle de Sissi.
Romy Schneider a envie de décider de sa vie, de choisir ses rôles.
En 1958, elle rencontre l'acteur Alain Delon sur un tournage. Elle se fiance avec lui en 1959. Dès lors elle s’installe à Paris et découvre les soirées parisiennes. Alain Delon est en pleine gloire alors que Romy est ignorée par le cinéma français et est reniée par les cinémas allemand et autrichien. Lors de ses moments de déprime elle se confie à Marlène Dietrich qui contrairement à la mère de Romy avait quitté l’Allemagne nazie.
Face à Delon, elle cherche à se reconstruire, elle préfère ne plus tourner que de se compromettre dans des films insignifiants.
En 1961, Alain Delon lui fait apprendre l’italien et rencontrer Luchino Visconti. Elle triomphe avec Alain Delon dans la pièce de théâtre « Dommage qu’elle soit une putain ». En 1962, Romy est hospitalisée pour surmenage. Elle s’installe à Hollywood aux Etats-Unis qu’elle quittera en 1965 : elle n’ira pas au bout de son contrat avec Columbia, envahie par le trac et le doute. En 1963, elle reçoit sa première récompense française, l’étoile de cristal, pour son rôle dans le film « Le Procès », drame d’Orson Welles.
Elle se sépare difficilement d’Alain Delon. Ses relations avec les hommes en seront marquées pour toujours. En 1964, elle tourne un film qui restera inachevé : « L’Enfer » d’Henri-Georges Clouzot. Dans ce film elle change complétement d’image et révèle son potentiel érotique. Ce film fera l’objet d’un documentaire sorti en 2009 et primé au festival de Cannes.
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En 1965, elle rencontre à Berlin l’acteur et metteur en scène de théâtre Harry Meyer d’origine juive. En 1966, Romy l’épouse, donne naissance à leur fils David et se retire de la vie publique pour s’occuper de lui à Berlin. En 1967, son père meurt.
En 1969, elle reprend sa carrière avec le film « La Piscine », drame policier, de Jacques Deray, dans lequel elle retrouve Alain Delon.
En 1970, elle joue dans « Les choses de la vie », drame de Claude Sautet qui reçoit le prix Louis Delluc et donne à Romy une grande notoriété en France. Ce film marque le début d’une longue collaboration avec le réalisateur. Femme engagée, elle se prononce pour un avortement libre et gratuit en signant en Allemagne dans le magazine Stern, l'équivalent du fameux Manifeste des 343.
En 1974, elle fait une dépression après le tournage éprouvant du film « L’important c’est d’aimer », drame d’Andrzej Zulowski. Lors de cette période elle est rattrapée par ses vieux démons : l’alcool et les médicaments que lui procure Marlène Dietrich. Elle fume également beaucoup.
En 1975, elle divorce et se marie avec son secrétaire Daniel Biasini à Berlin. En 1977, elle donne naissance à sa fille Sarah qui deviendra actrice. En 1979, elle se retrouve très affectée par le suicide de son ex-mari. En 1981, elle divorce et sa santé se dégrade. Son fils David meurt, embroché sur une grille, à l’âge de 14 ans. En 1982, Romy tourne son dernier film : « La Passante du Sans-Souci », drame de Jacques Rouffio. Le tournage du film est éprouvant car elle joue avec un jeune adolescent de l'âge de David. Elle est épuisée nerveusement et ne tient que grâce aux excitants, somnifères et à l'alcool, ses aides depuis longtemps dans les moments de détresse.
Elle est retrouvée morte dans son appartement, le 28 mai 1982. Un journaliste écrit : « Elle ne s’est pas suicidée mais est morte de ses excès ».
Filmographie
Pendant plus de la moitié de sa vie, elle a joué dans 63 films plus 1 incomplet, dirigée par des réalisateurs parmi les plus remarquables de l'époque, dans des films à succès.
Sa carrière est marquée par deux orientations différentes :
- Ses années de jeunesse influencées par sa mère qui l’impose comme la jeune héroïne allemande dans des films romantiques : c’est l’ère des Sissi
- Ses années plus sombres et complexes qui commencent avec ses interprétations dans « Le Procès » et « La Piscine ». Cette période est le fruit d’une collaboration parfois compliquée avec des cinéastes exigeants.
Les réalisateurs qui ont compté
Elle confie à une journaliste : « J'ai quatre maîtres, Visconti, Welles, Sautet et Zulawski. »
Luchino Visconti (Italie 1906-1976)
Il prend Romy sous sa protection, il a de la tendresse pour elle, il sent qu’elle est prédestinée au malheur.
Romy le voit comme le professeur qui lui a tout appris, elle le considère comme un guide.
Sous le regard très exigent de Visconti, les tournages tournent souvent au psychodrame mais se terminent par de grands succès pour Romy.
Elle tourne en 1972 « Ludwig », drame historique, où Visconti lui donne la chance de rejouer le personnage d’Elisabeth et ainsi d’exorciser le passé.
Orson Welles (Etats-Unis 1915-1985)
Elle tourne en 1962 « Le Procès », drame, qui représente beaucoup dans la vie de Romy car il lui donne une vraie raison de croire en elle, un sujet de fierté qui l’aidera à surmonter bien des épreuves.
Claude Sautet (France 1924-2000)
Romy n’a pas de stratégie de carrière, elle ne théorise pas ses choix d’actrice. Elle se fie à son instinct, Claude Sautet aussi. C’est sur un coup de foudre que Sautet engage Romy, en 1970, pour le rôle d’Hélène dans « Les choses de la vie ».
Andrzej Zulawski (Pologne 1940-….)
Avec, en 1975, « L’important c’est d’aimer », Romy franchit une nouvelle étape dans sa carrière.
Le personnage de Nadine est celui d’une comédienne ratée qui s’enfonce dans l’échec. En incarnant cette déchéance Romy affronte ses propres démons, son attirance à l’autodestruction.
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Romy : une grande actrice
Sa vie privée se mélange beaucoup avec sa carrière professionnelle et son histoire familiale elle-même liée à l’Histoire.
Ses films sont essentiellement dramatiques avec un contexte historique ou une histoire policière et des personnages à la recherche de justice et de vengeance. Par exemple : « Le vieux fusil », drame de Robert Enrico ou « La passante du sans-souci ».
Elle cherche au travers de ses films et de ses rencontres à faire oublier son passé familial :
- Elle donne un prénom juif à ses deux enfants
- Elle tourne des films sur le thème de la vengeance
Elle ne veut pas se répéter dans ses choix de personnages : « Je cherche à ne pas répéter ce que j’ai fait avant », « Je cherche des personnages très très loin de moi-même ».
Derrière la vulnérabilité de Romy, un fort tempérament se dégage, perceptible dans ses interviews (par exemple : lors de ses échanges avec la presse allemande) et dans ses films où elle interprète des femmes souffrant de solitude (par exemple : en 1972, « César et Rosalie », comédie dramatique de Claude Sautet ou en 1979, « Clair de femme », drame de Costa-Gavras.
C’est une grande actrice qui s’investit complétement dans son métier :
- Elle ne joue pas, elle vit le personnage.
- Ses rencontres amoureuses se font dans le monde du cinéma
- Mais ses nombreux tournages l’éloignent de ses amours
- Elle met en danger sa santé pour continuer le cinéma
- Même dans les pires moments de sa vie elle continue de tourner
Elle a obtenu deux fois le César de la meilleure actrice française avec :
- « L'important c'est d'aimer » d'Andrzej Zulawski en 1976
- « Une histoire simple » de Claude Sautet en 1979