La Nouvelle Vague
Par Jalil VOLARIS le 07 mars 2018, 19:34 - Dossiers - Lien permanent
Retour sur un mouvement de réalisateurs des années 60 qui bouleversa le cinéma français et mondial.
LA NOUVELLE VAGUE
"Il y a 700 ans, un maître chinois a dessiné un oiseau. Un jour, au lieu de recopier comme tout le monde les copies de copies du dessin de l'oiseau, un élève a levé les yeux au ciel pour voir les oiseaux. C'est ça la nouvelle vague"
Jean-Luc Godard
PRESENTATION
La nouvelle vague est un mouvement cinématographique français de la fin des années 50 et des années 60.
Elle est lancée par les « réalisateurs associés », groupe de critiques issus des Cahiers du Cinéma.
Elle se caractérise par une nouvelle manière de filmer et aspire à montrer la vie de gens moyens en cherchant à faire du cinéma un art véritable ainsi que la mise au centre de l'oeuvre du rôle de réalisateur.
Les réalisateurs marquants de cette époque sont J-L.Godard, F.Truffaut, A.Varda, C.Chabrol, E.Rohmer, A.Resnais, …
De nombreux acteurs, comme J-P.Belmondo, J.Seberg, J.Moreau, C.Deneuve,... sont également découverts à cette époque
L'expression de « Nouvelle vague » apparaît pour la première fois dans un dossier de l'Express de 1959.
AVANT LA NOUVELLE VAGUE
Avant la nouvelle vague, le cinéma français est d'une banalité affligeante. En effet, les films français répondent tous au même critères : le naturalisme (le fantastique n'est utilisé que pour détourner la censure) avec une absence de toute contestation sur l'ordre social et moral.
On ne parle jamais de cinéma que comme d'un support du roman. Le cinéma est d’ailleurs rattaché jusqu'en 1959 au ministère de l'Industrie.
Aux USA, on réalise de grandes fresques sur des personnages historiques ou bibliques (Les Dix Commandements, Jules César...)
Le maccarthysme interdit toute critique à l'encontre du pouvoir. Seul A.Hitchcock, avec ses films à suspense, trouve grâce aux yeux des critiques des Cahiers du Cinéma
LES GRANDES LIGNES DU MOUVEMENT
La nouvelle vague se démarque du cinéma traditionnel par :
- Des histoires qui correspondent plus au spectateur (héros de la classe moyenne de l'époque, sans buts profonds et mystiques),
- Un recours quasi-permanent aux décors d'extérieur plutôt qu'à ceux de studio, facilité par l'invention de caméras légères et portatives,
- Des fins ouvertes,
- La prédominance du réalisateur sur le scénariste et le producteur,
- La très claire ambition de faire du cinéma un art.
LE COMMENCEMENT
1951: Création des Cahiers du Cinéma. Jean-Luc Godard, Claude Chabrol, François Truffaut et d'autres fervents cinéphiles, y deviennent critiques. Ils y développent l'idée que le cinéma doit changer.
1959: Loi Cinéma, d'André Malraux : le cinéma est reconnu composante de la culture. La loi favorise le cinéma indépendant et facilite le processus pour devenir réalisateur. Les Jeunes-Turcs (comme se surnomment alors les jeunes critiques) sautent sur l'occasion.
1959:- Les quatre cent coups, F.Truffaut
- Hiroshima mon amour, A.Resnais
- Le beau Serge, C.Chabrol
Les deux premiers sont présentés à Cannes.
1960: - A bout de souffle, J-L Godard
- Les bonnes femmes, C.Chabrol
LA FIN DE L’AGE D’OR
De 1959 à 1960, le mouvement est à son apogée, avec un prix de la mise en scène à Cannes en 1959 pour « Les 400 coups » de F.Truffaut. On espère que la nouvelle vague révolutionnera le cinéma.
Cependant, 1960 marque l'affaiblissement du mouvement, du fait du développement de la télévision, qui concurrence le cinéma, et de grands échecs commerciaux (« Les Carabiniers » (1963) de J-L Godard, est le plus retentissant).
Vers 1965, des conflits internes font éloigner F.Truffaut et J.Rivette des Cahiers du Cinéma. A cette date, la nouvelle vague cesse d'exister en tant que groupe, mais la continuation personnelle des réalisateurs rythmera les années 60.
LES ANNEES 60
Suivent ainsi, pêle-mêle, «Lola» (1961, J.Demy),
«Le mépris», « Pierrot le fou» (1963 et 1965, J-L. Godard), «Jules et Jim» (1961, F.Truffaut), « L'année dernière à Marienbad » (1961, A. Resnais), « Cléo de 5 à 7 » (1962, A.Varda), …
Ces films connaissent des destins commerciaux variés, entre film pour grand public et oeuvres plus personnelles. A cette époque, F.Truffaut et J-L.Godard, longtemps amis, se brouillent définitivement pour des raisons personnelles, artistiques et politiques (Godard se rapproche des milieux maoistes et réalise des films très engagés, alors que Truffaut s'oriente vers le cinéma apolitique).
F. Truffaut poursuit également son cycle presque autobiographique «Antoine Doinel», commencé avec «Les 400 coups» avec 4 nouveaux films qui sortent, jusqu'en 1979.
En mai 1968, en plein Festival mais aussi en pleine révolution étudiante et ouvrière, le débat fait rage sur l'arrêt ou non du Festival. Les réalisateurs de la nouvelle vague sont en première ligne pour défendre l'arrêt : A.Resnais et F.Truffaut retirent leurs films et J-L. Godard s'accroche aux rideaux de la salle de projection pour empêcher les films de passer !
Le festival est écourté et la nouvelle vague a trouvé son final.
Godard aura une réplique fameuse:
«Je vous parle solidarité avec les étudiants et les ouvriers, et vous me parlez travelling et gros plans! Vous êtes des cons!»
LA NOUVELLE VAGUE A TRAVERS LE MONDE
Un mouvement, dans les années 50 et 60, cherchant à révolutionner le cinéma, n'est pas une spécificité français. Ainsi, dans le monde, on trouve :
En Italie, le néo-réalisme (1943-60) est tout-puissant. Par conséquent, les jeunes réalisateurs italiens avides de renouveau doivent continuer à se réclamer de ce mouvement : c'est la « Nouvelle vague italienne », moins spectaculaire mais étroitement liée à sa cousine française par une série de co-productions
Aux Etats-Unis, la révolte se fait attendre mais explose finalement avec le « Nouvel Hollywood » (Fin 60's-Début 80's), qui s'inspire de la nouvelle vague et ose briser les tabous américains (sexe, violence, massacre d'Amérindiens,...). Il est porté par S.Spielberg, M.Scorsese, G.Lucas, ...
Dans les pays de l'Est, le cinéma refleurit après la fin du stalinisme. On retrouve plus d'émotions dans les films, dans une sobriété toute communiste
Au Japon, la « Nouvelle vague Schochiku » s'inspire du mouvement français et enlève de la superbe aux héros en évoquant des sujets sociétaux et intimes (ce qui était extrêmement rare à l'époque dans l'empire nippon).
En RFA, le « Nouveau Cinéma » (1968-70's), se charge de porter le cinéma d'auteur et les revendications sociales.
L’HERITAGE DE LA NOUVELLE VAGUE
La nouvelle vague a changé pour toujours le cinéma français en apportant une nouvelle façon de faire du cinéma,
Les idéaux du mouvement sont encore portés aujourd'hui par La Quinzaine des Réalisateurs, créée après le festival de Cannes avorté de 68.
La Nouvelle vague a donné naissance au cinéma d'auteur, qui envisage le film à travers le réalisateur
Cependant, la Nouvelle Vague est aussi critiquée car accusée d’avoir «tué» le romanesque, préconisant un réalisme total et donné une place hégémonique au réalisateur, en écrasant le reste de l'équipe.
Quoi qu'on en pense, la Nouvelle Vague est l'un des évènements majeurs du cinéma français et la manière de faire des films ne sera plus jamais la même.