Rencontre avec l'écrivain Fabien Clavel le 2 avril 2012
Par pg le 04 mai 2012, 15:44 - Des écrivains au collège - Lien permanent
Fabien
Clavel, qui est aussi professeur de Lettres en classe de seconde et première,
écrit depuis dix ans et a déjà fait paraître une vingtaine d’ouvrages. Il a
tout d’abord écrit pour adultes et s’est ensuite consacré à la littérature pour
la jeunesse, encouragé par la demande croissante des éditeurs dans ce domaine.
Ce qu’il aime avant tout dans l’écriture, c’est s’emparer de mythes très
anciens, les adapter au goût du jour et créer des univers qui lui sont propres.
Il a ainsi déjà pu explorer plusieurs genres littéraires comme la
« Fantasy », la science fiction et le policier.
Le Dragon et l’épée, premier tome de « L’Apprentie de Merlin », sera suivi de 3 autres volumes consacrés à la légende arthurienne. Avant de se lancer dans cette réécriture, FC a lu des dizaines de livres et mêmes d’anciens manuscrits afin d’animer ses personnages et de les rendre encore plus vivants. Ainsi, il a pu découvrir que le personnage de Gauvain, dont la force augmente et décroit en fonction de la course du soleil, est une figure liée à un très ancien culte solaire.
Les questions des élèves de 5è7 :
Pourquoi le choix d’une fille pour incarner l’apprentie ?
La version la plus connue de Merlin l’Enchanteur est celle de Disney. Je ne souhaitais évidemment pas réécrire la même histoire. J’ai trouvé intéressant d’inventer une personnalité féminine. Je suis en général très respectueux des sources du mythe mais je l’ai modernisé pour des lecteurs du 21è siècle.
Pourquoi vous être intéressé au thème de la Table Ronde ?
Comme tous les mythes, il peut être interprété à plusieurs niveaux. Tous ceux qui y prennent part sont traités également et ne sont jugés qu’à leur courage et à leur mérite. C’est en quelque sorte une tentative de démocratie à l’époque médiévale. Arthur, par ses origines appartient à la fois au peuple et à la noblesse. Dans la légende arthurienne, les gens du peuple méritants sont anoblis.
Comment vous est venue l’envie d’écrire ?
Depuis ma petite enfance, j’adore lire. Je lis une centaine de livres par an et j’ai toujours 4 ou 5 livres dans mon sac. J’aime également beaucoup les séries TV américaines dont je trouve les scénarios excellents. L’envie de raconter moi-même des histoires m’est venue tout naturellement grâce à ce contact permanent avec les fictions. Je me sers d’ailleurs beaucoup de mes lectures dans mes propres récits.
Combien de temps avez-vous mis pour écrire cet ouvrage ?
Je l’ai écrit très rapidement, en deux mois. Il faut dire que lorsque je me mets devant mon ordinateur, j’ai déjà longuement réfléchi et la trame de l’histoire est déjà précise.
Pendant la période qui précède le travail d’écriture, je fais beaucoup de recherches sur mon sujet. Je lis tout ce qui a déjà été écrit sur ce thème pour éviter de faire la même chose et proposer une autre vision à mon lecteur.
Comment inventez-vous les noms de vos personnages ?
Je ne les invente pas car ils existent déjà.
Comment avez-vous choisi votre métier d’enseignant ?
Comme je vous l’ai dit, j’adore la lecture et l’écriture. J’ai donc choisi un métier proche des ces activités. J’écris surtout pendant les vacances car il m’est parfois difficile de concilier mon emploi du temps de professeur à temps plein et mon travail d’écrivain, particulièrement cette année pendant laquelle je dois publier 5 livres.
Qu’est-ce que vous aimez le moins dans votre travail d’auteur ?
Le pire c’est de se relire ! J’écris dans une sorte d’élan, littéralement porté par mes personnages et l’action dans laquelle je les entraîne. Je suis comme le lecteur qui a hâte de connaître la suite même si bien sûr, j’ai déjà fixé les grandes lignes du récit. J’ai besoin d’écrire dans cet élan. Si je m’arrête, j’ai beaucoup de mal à reprendre. Relire m’ennuie donc beaucoup même si je reconnais que c’est nécessaire.
Pourquoi faites-vous mourir Vortimer alors qu’Ana est amoureuse de lui ?
Vortimer doit être sacrifié pour montrer que le monde dans lequel il évolue est particulièrement violent. Arthur lui-même meurt durant la bataille de Camlaan. Il tue son fils et son fils le tue. L’aventure arthurienne se termine mal et les conflits sont permanents surtout entre parents et enfants.
Quand vous écrivez, est-ce que vous voyez la scène ?
Oui, certaines scènes sont construites de manière très cinématographique mais pour les jeunes lecteurs, il vaut mieux éviter les longues descriptions. Il faut donc choisir le bon mot, le détail qui va marquer. Pour le physique également. Par exemple, la mèche d’Ana.
Pour d’autres romans, j’avais fait un casting. Je choisissais un acteur pour incarner mon personnage. Cela m’a aidé à leur donner vie. Il vaut mieux faire vivre un personnage à travers sa manière d’agir plutôt qu’en le détaillant physiquement et moralement. Plutôt que de dire : « Il est grand et fort. », il vaut mieux écrire : « Il se baissa pour franchir la porte. »
Quels moyens utilisez-vous pour vous mettre dans une ambiance d’époque ?
La musique m’aide beaucoup. Elle peut aussi m’aider à stimuler ma mémoire. J’ai écouté beaucoup de musique bretonne et médiévale en écrivant ce livre.
Avez-vous envisagé de parler à un réalisateur pour une adaptation au cinéma ?
Non, pas du tout. Les films historiques sont les plus chers à réaliser. Il faudrait beaucoup trop de figurants, de cascadeurs, de costumes…
Avez-vous déjà eu des remarques négatives sur vos livres ?
Oui bien sûr et au début c’était très douloureux. Quand on écrit, on s’expose, on se met à nu et l’on peut donc se sentir très déstabilisé par une mauvaise critique. Avec le temps, on s’habitue et on en tire même profit pour s’améliorer. Ainsi, je rentre dans l’action de mes livres plus rapidement qu’auparavant. Il ne faut pas hésiter à faire lire ses manuscrits à de nouveaux lecteurs car vos proches (parents ou amis) ne sont pas toujours les meilleurs juges.
Il faut proposer ses manuscrits à de nouveaux éditeurs.
Pourquoi avez-vous inséré le dragon à 7 têtes à cette histoire ?
C’est vrai qu’il n’y a pas de dragon dans la légende arthurienne mais cela m’a amusé de proposer ce défi à ma fluette Ana. Et puis, j’aime la symbolique du chiffre 7 : les 7 pêchés capitaux (la gourmandise, la colère…), les 7 objets d’étude des écoliers du Moyen-âge.
Quel est votre personnage préféré ?
…. Futur sénéchal, d’une fidélité sans faille au roi Arthur, même s’il est rongé de jalousie.
Avez-vous de la concurrence sur les mêmes sujets ?
On a toujours de la concurrence mais on n’écrit pas tous de la même manière. Chaque écrivain a sa propre vision. De toute façon, l’éditeur peut refuser le sujet s’il considère qu’il n’aura pas de lecteur.
Quel est votre roman jeunesse préféré ?
« La Petite planète » de François Sautereau dans la collection Zanzibar.
Que vous évoque la page blanche ?
Rien, car je n’ai aucun problème d’inspiration.
Quel livre de la sélection préférez-vous ?
Poil au nez que je trouve surprenant et rafraichissant.
Quel livre auriez-vous aimé écrire ?
Les Misérablesde Victor Hugo. Pour moi Victor Hugo, c’est tout le temps, partout et toujours.
Il y a d’ailleurs un personnage dans la Légende des siècles dont j’aimerais faire le héros d’un de mes prochains livres.
Dans le tome 3, qui sera l’ennemi principal ?
Dans les deux tomes suivants, les ennemis vont venir de l’intérieur et non de l’extérieur comme dans le tome 1.
Avez-vous choisi le Première de couverture ?
Pour le tome 1, on ne m’a rien demandé. Pour le tome 2, l’illustrateur m’a envoyé son projet. Je voulais un ogre répugnant avec un ventre énorme et flasque.
Quand sortiront le tome 3 et le tome 4 ?
Si tout se passe bien, le tome 3 en octobre 2012 et le tome 4 en octobre 2013.
Quel est votre prochain projet de livre pour adultes ?
J’ai en effet un livre pour adulte en préparation. Son titre est « El ». L’histoire se passe en banlieue, sur fond de combat entre des anges et des démons. C’est très noir.
Parmi tous vos livres, quel est votre préféré ?
Il est très difficile de répondre à cette question. Ce ne sont pas toujours ceux qui rencontrent le plus de lecteurs.
La dernière Odyssée m’a apporté beaucoup de satisfactions car il a été mon premier réel succès. Il s’agit d’un livre autour de la mythologie grecque et plus particulièrement sur le retour à Troie. J’avais été marqué par un passage de l’Iliade où l’on trouve le catalogue de tous les navires qui rentrent à Troie après les longues années de guerre. Mon attention a été retenue par le plus modeste d’entre eux, le plus pauvre. J’ai décidé de m’intéresser à ce guerrier dont il est dit qu’il est le plus pauvre mais aussi le plus beau après Achille.
Que va changer pour vous le Prix des Incorruptibles si vous êtes lauréat ?
Pour moi, c’est déjà gagné. Le fait d’avoir été sélectionné a permis la vente d’un grand nombre de livres et me donne l’assurance de pouvoir terminer mon cycle arthurien. Cette sélection est donc déjà une très belle chance.
La deuxième surprise, c’est de rencontrer des classes chaque fois différentes. Ici, par exemple, je suis surpris qu’il y ait autant de questions sur le tome 2 voire sur le tome 3.
J’ai également beaucoup apprécié le petit spectacle du début.
Pourriez-vous vivre uniquement de votre plume ?
Cette année, cela aurait pu être possible mais c’est encore un peu trop tôt. L’écriture n’est pas vraiment un métier. Il faut toujours avoir des idées, passer beaucoup de temps avec les éditeurs. Quand une idée ne leur plait pas, il faut savoir s’adapter, corriger. Ce qui plait à un éditeur ne plait pas forcément à un autre. Et puis, l’envie d’écrire ne se commande pas.
Par ailleurs, j’aime mon métier d’enseignant et je n’ai pas envie d’arrêter.
Encore un grand merci à Fabien Clavel d’avoir su nous communiquer sa passion avec bonne humeur et simplicité.