Un Poème de Alexander BLOK
Par Lolita KALASHNIKOVA le 24 mars 2017, 14:50 - Des poèmes de nos pays - Lien permanent
Poème de mon pays
Незнакомка /L'inconnue Alexander Blok
Ce poème a été écrit par Alexander Blok en 1906. Je l'ai choisi parce qu'il est mon poème préféré et j'ai remporté la première place dans le concours de récitation. Le poème à porté à l'auteur incroyable popularité- les jeunes ont commencé à appeler Blok leur idole, et les dames ont pris la mode de porter des chapeaux à plumes d'autruche et présenter comme l'inconnue.
Русский:
По вечерам над ресторанами
Горячий воздух дик и глух,
И правит окриками пьяными
Весенний и третворный дух.
Вдали над пылью переулочной,
Над скукой загородных дач,
Чуть золотится крендель булочной,
И раздаётся детский плач.
И каждый вечер, за шлагбаумами,
Заламывая котелки,
Среди канав гуляют с дамами
Испытанные остряки.
Над озером скрипят уключины
И раздаётся женский визг,
А в небе ко всему приученный
Бессмыслено кривится диск.
И каждый вечер друг единственный
В моём стакане отражён
И влагой терпкой и таинственной,
Как я смирён и оглушен.
А рядом у соседних столиков
Лакеи сонные торчат,
И пьяницы с глазами кроликов
«In vino veritas!» кричат.
И каждый вечер, в час назначенный,
(Иль это только снится мне?)
Девичий стан, шелками схваченный,
В туманном движется окне.
И медленно, пройдя меж пьяными,
Всегда без спутников, одна,
Дыша духами и туманами,
Она садится у окна.
И веют древними поверьями
Её упргугие шелка,
И шляпа с траурными перьями,
И в кольцах узкая рука.
И странной близостью закованный
Смотрю за тёмную вуаль,
И вижу ьерег очарованный
И очарованную даль
Глухие тайны мне поручены,
Мне чье-то солнце вручено,
И всей души моей излучины
Пронзило терпкое вино.
И перья страуса склонённые
В моем качаются мозгу,
И очи соние бездонные
Цветут на дальнем берегу.
В моей душе лежит сокровище,
И ключ поручен только мне!
Ты право, пьяное чудовище !
Я знаю: истина в вине.
Français:
Le soir, un vent fiévreux et lourd oppresse
Parmi la rue où sont les restaurants,
Alors que juin à des clameurs d'ivresse
Mêle son âme aux souffles altérants.
À peine si quelques voix d'enfants crient.
À peine si l'on voit se détacher
Loin, sur l'ennui morne des closeries,
L'enseigne au croissant d'or d'un boulanger.
Et chaque soir par delà les barrières,
Entre les verts talus de gazon ras,
Les fins roués aux expertes manières
S'en vont, chacun une fille à son bras.
Parmi l'étang le jeu de rames sonne,
Parfois un cri de femme retentit -
Et dans le ciel, qui de rien ne s'étonne.
La lune au croissant blême s'arrondit.
Ainsi le soir, tout au fond de mon verre
Tel un ami fidèle me sourit:
Et je vois dans la liqueur amère
Se fondre avec mon visage attendri.
Quelques servants, près des tables voisines,
Errent d'un pas somnambulique et las;
Des hommes saouls aux prunelles sanguines
Clament en choeur: in vino veritas.
Et chaque soir je revois m'apparaître,
-Ou bien d'un songe seul suis-je leurré?-
On corps de femme, au vague des fenêtres,
Svelte, et de soie et de velours paré.
Spectre frôlant les tables par rangées,
Que toujours seule ainsi l'on aperçoit,
Et de parfumes et de brouillards chargée
Auprès d'une fenêtre elle s'assoit.
L'on sent peser un monde de ténèbres
Parmi sa robe aux frôlis lents et doux:
Son grand chapeau s'orne en plumes funèbres,
Ses frêles mains sont lourdes de bijoux.
Telle elle semble à mon âme hantée.
Sous sa voilette, alors plongeant mes yeux,
Je vois s'ouvrir une rive enchantée,
À des lointains purs et mystérieux.
Les sens brûlés d'incorruptible flemme,
Des plus obscurs secrets je suis témoin;
Tous les replis ténébreux de mon âme
Sont transpercés par l'âpre éclair du vin.
Je crois alors sentir dans ma cervelle
Les grands, les noirs plumages osciller;
Je vois ses yeux dont bleuit la prunelle
Comme des ils, à l'horizon, briller...
Ainsi je porte un trésor, dont sans cesse
La clé magique obéit sous ma main...
Tu disais vrai, monstre à face d'ivresse:
La Vérité pour moi gît dans le vin.
Traduit du russe par Jean Chuzeville.