Voici le texte que je vous mets également en document joint, pour ceux qui veulent travailler sur feuille.
Le Paysan parvenu est une fausse autobiographie, c'est-à-dire que l'on retrouve les codes de l'autobiographie, selon lesquels narrateur et personnage sont la même personne, sauf que Jacob, le héros narrateur, est un personnage inventé par Marivaux. Il raconte son ascension sociale depuis la paysannerie jusqu'à la noblesse.
Ce qui le caractérise, c'est son optimisme, sa gaieté et le goût du plaisir.
Marivaux rêve d'un monde transparent, sans tromperie, et toute son oeuvre nous montre à la fois des personnages qui tentent de cacher ce qu'ils sont, leurs sentiments, tout en n'y parvenant pas complètement. On voit donc que cet incipit est particulier, car le héros promet de nous livrer des secrets , de nous aider à percer à jour les codes de la société, pour mieux en interroger la moralité.
Le titre que je donne à mes Mémoires annonce ma naissance ; je ne l’ai jamais dissimulée à qui me l’a demandée, et il semble qu’en tout temps Dieu ait récompensé ma franchise là-dessus ; car je n’ai pas remarqué qu’en aucune occasion on en ait eu moins d’égard et moins d’estime pour moi.
J’ai pourtant vu nombre de sots qui n’avaient et ne connaissaient point d’autre mérite dans le monde, que celui d’être né noble, ou dans un rang distingué. Je les entendais mépriser beaucoup de gens qui valaient mieux qu’eux, et cela seulement parce qu’ils n’étaient pas gentilshommes ; mais c’est que ces gens qu’ils méprisaient, respectables d’ailleurs par mille bonnes qualités, avaient la faiblesse de rougir eux-mêmes de leur naissance, de la cacher, et de tâcher de s’en donner une qui embrouillât la véritable, et qui les mît à couvert du dédain du monde.
Or, cet artifice-là ne réussit presque jamais ; on a beau déguiser la vérité là-dessus, elle se venge tôt ou tard des mensonges dont on a voulu la couvrir ; et l’on est toujours trahi par une infinité d’événements qu’on ne saurait ni parer, ni prévoir ; jamais je ne vis, en pareille matière, de vanité qui fît une bonne fin.
C’est une erreur, au reste, que de penser qu’une obscure naissance vous avilisse, quand c’est vous-même qui l’avouez, et que c’est de vous qu’on la sait. La malignité des hommes vous laisse là ; vous la frustrez de ses droits ; elle ne voudrait que vous humilier, et vous faites sa charge, vous vous humiliez vous-même, elle ne sait plus que dire.
Les hommes ont des mœurs, malgré qu’ils en aient ; ils trouvent qu’il est beau d’affronter leurs mépris injustes ; cela les rend à la raison. Ils sentent dans ce courage-là une noblesse qui les fait taire ; c’est une fierté sensée qui confond un orgueil impertinent.
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Le Paysan parvenu (incipit) - Marivaux - 1735
Voici des vidéos pour vous permettre d'analyser ce texte. N'oubliez pas qu'il ne s'agit pas de répéter ou de réciter, mais de choisir les éléments qui vont vous permettre d'expliquer ce qui est important pour vous dans le texte, le sens que vous lui donnez. L'analyse est divisée en deux vidéos que voici: