Les Meurtriers délicats est un article écrit par Camus an janvier 1948.

Il reprend les sources historiques des Justes. Il s'agit donc d'un article qui commente la vie des personnages qui constituent le petit groupe à l'origine de l'attentat contre le Grand-duc.

1/ il commence par une véritable problématique: "Peut-on parler de l'action terroriste sans y prendre part?". Camus veut ensuite souligner à quel point ce petit groupe a poussé la réflexion sur l'acte terroriste, si bien que 40 ans plus tard, quand lui-même écrit, on n'apporte pas de question ou de réponse nouvelle au pb que se posait les Justes.

2/ p192, Camus définit les caractéristiques de ce petit groupe; ce sont celles qu'il va mettre en valeur dans la pièce.: "ils sont tous athées, à leur manière, il est vrai" , "la clandestinité les oblige à vivre dans la solitude", "mais le lien qui les unit remplace pour eux tous les attachements" , "ce petit groupe d'hommes et de femmes, perdus dans la foule russe, serrés les uns contre les autres, choisissent le métier d'exécuteurs auquel rien ne les disposait".

3/ la question du meurtre: elle est posée dès la p 193: Camus souligne que ce groupe conçoit l'action terroriste comme des guerriers japonais. Il s'agit d'un sacrifice personnel. "Dans le même temps, ces exécuteurs, qui mettaient leur vie en jeu et si totalement, ne touchaient à celle des autres qu'avec la conscience la plus pointilleuse".

Pour traiter ce point de l'article, Camus fait le récit de l'attentat raté, celui-là même qui est raconté par Yanek. Il débute à "ce jour-là, à 5 heures du soir...rendent leurs bombes à Savinkov". Il faut comparer ce récit avec celui de la pièce. Bien sûr, le passage à une narration à la première personne, juste après la tentative, permet d'accroître l'émotion, le pathétique, mais aussi l'expression du désarroi. Ici, le récit est froid et se concentre sur les faits.

Mais après ce récit, Camus se livre à des commentaires sur sa propre époque "Le terrorisme est devenu confortable: il a ses bureaux".

Camus reprend ensuite le récit; il inclut même des passages de dialogue, pour souligner les règles de ces terroristes: on ne tue pas les gens du peuple, mais des personnes qui incarnent un fonction d'Etat. Camus souligne que les Meurtriers délicats sont conscients d'une contradiction; ils répugnent à tuer, mais trouvent cela nécessaire. Ils payent ensuite ce meurtre en mourant eux-mêmes.

Il parvient ainsi à une nouvelle réflexion sur son époque. "Le problème de la révolte ne se résoudra pas en arithmétique, mais en calcul de probabilités. En face d'une future réalisation de l'idée, la vie humaine peut être tout ou rien. Plus est grande la foi que le calculateur met dans cette réalisation et moins vaut la vie humaine, A la limite, elle ne vaut plus rien. Et nous sommes aujourd'hui à la limite, c'est-à-dire au temps des bourreaux philosophes".

En conclusion, on peut retenir qe cet article est un véritable document préparatoire à la pièce

1/ les différences entre la pièce et l'article: cet article permet à Camus de réfléchir sur son temps. Contrairement à ce qui se passe dans la pièce, à travers laquelle on ne perçoit pas son avis, ici Camus donne son avis, mais pour attaquer sa propre époque. En écrivant la pièce, il amène le spectateur à se poser des questions. En écrivant son article, il montre son désaccord avec une forme de politique qui organise la mort dans des bureaux.

2/ Les ressemblances: la peinture des caractères du groupe (point 2) correspond exactement à ce que nous retrouvons dans la pièce. Il cible des moments clefs de la vie de ce groupe qui constituent les moments forts de la pièce (l'échec de l'attentat/ l'attentat réussi/ la montée à l'échafaud). Une grande partie de l'article livre aussi les réflexions sur le rapport à l'organisation et à la mort; ce sont celles que vont développer les Justes.

Camus choisit donc de taire ses réflexions et de mettre son spectateur au coeur de l'action pour mieux le faire réfléchir.