Dans le roman adapté du film, deux lieux s'opposent: l'architecture de Welton, entièrement bâtie selon le système pédagogique de l'école (que rappelle Nolan à Keating p 129: la tradition et la discipline), et la grotte du cercle.
I- l'architecture de Welton: une architecture typique d'école privée américaine
les élèves sont accueillis à la chapelle , "l'auguste chapelle" caractérisée par ses dalles, sa voûte, et une allée centrale". Le premier lieu décrit évoque donc immédiatement la tradition et la discipline, tradition par la religion, et discipline par l'insistance sur l'ordre architectural (allée centrale). Une estrade est érigée, pour permettre au directeur de dominer son auditoire.
Pour les bâtiments du collège en lui-même, on note à de multiples reprises son ancienneté, qui frise la décrépitude: "murs noircis par l'âge semblaient se combiner à une tradition d'austérité tout juste centenaire pour isoler Welton du reste du monde (p 11)".
L'école est en briques rouges, composée de plusieurs bâtiments . On y parvient par une allée centrale bordée d'ormeaux (p 13) Elle comporte un parc (p11), un gymnase p 39. p 41, l'ensemble est un peu plus précisé: un lac , la façade de la chapelle devient rougeoyante au soleil couchant, une rangée d'arbres délimite le campus.
p 13, on lit "Les jeunes garçons étaient livrés à eux-mêmes. Ou plus exactement, ils avaient trouvé en Welton un nouveau foyer, perdu dans les bois du Vermont.</p>
Les bâtiments sont affectés à une fonction. On évoque le bâtiment de chimie, le bâtiment des dortoirs pour les élèves. Ces dortoirs sont dotés "d'un grand vestibule (p 19), pourvus de salles de bain communes, et au deuxième étage de ce bâtiment se trouvent les quartiers des professeurs. D'autres salles sont évoquées, probablement dans d'autres bâtiments. Ainsi, celle de M. Hager est remarquable: p 31: A l'image de son principal occupant, la salle du professeur Hager était plus vétuste encore que les autres. Les lattes du parquet étaient disjointes et les figures géométriques qui décoraient les murs crépis avaient la jaunisse."
La classe de littérature de Keating est pourvue d'un bureau sur une estrade, . Il dispose d'un tableau noir et d'une poubelle.
Une salle d'honneur est située dans un autre bâtiment "avec des vieilles chaises recouvertes de cuir". On y trouve un escalier à grosse rampe carrée. Quand Keating y conduit les élèves lors de son premier cours, on apprend qu'elle est carrelée et que "son regard errait sur les murs où étaient accrochées des photographies de classe remontant à la fin du XIXe siècle".
On trouve aussi un réfectoire dans lequel chaque dortoir a sa table. La table des enseignants domine la salle.
II- La grotte; c'est le lieu anti-architectural. un lieu qui n'est pas construit par l'homme
La grotte s'oppose totalement à l'espace de Welton. Elle est à l'extérieur et surtout il s'agit d'un espace complètement naturel, plusieurs fois qualifié de magique.
p 69 elle est au milieu des fourrés, des rochers et des énormes racines. Les parois reflètent les ombres mouvantes et démesurées des élèves. Elle est assimilée à un sanctuaire.
p 85: "la grotte était devenue leur foyer, lieu magique à l'abri des regards, soustrait à toute forme d'autorité; un endroit où ils pouvaient être tout ce qu'ils rêvaient d'être, et laisser libre cours à leur imagination; lieu de tous les possibles, bulle d'indépendance dans un monde régimenté, soupape aux pressions qu'exerçait sur eux l'univers de Welton".
Dans la littérature, la grotte est souvent la métaphore du ventre de la mère.
A remarquer: les élèves ne cherchent pas à l'aménager. Ils ne songent donc pas à la domestiquer, à l'habiter.
III-une leçon donnée à travers la manière d'occuper les lieux.
Cette opposition entre deux lieux semble irrésoluble. En fait, le professeur Keating donne une leçon fondamentale à ses élèves en leur apprenant à occuper les lieux de tradition autrement. Il évolue au milieu de sa salle qui est disposée comme celle de ses collègues, mais il y évolue autrement: le professeur regarde par la fenêtre lors de la première arrivée des élèves, des allées séparent les rangées de tables, et le professeur les arpente à grandes enjambées, ou "d'un pas ample". Il saute à pieds joints dans sa poubelle p 53, il invite les élèves à monter sur son bureau pour voir les choses autrement.
p 76: "Ah, mais comme il est difficile d'échapper à ces croyances et à ces écoles, conditionnés comme nous sommes par nos parents, par nos traditions, par le rouleau compresseur du progrès . Comment dès lors exprimer nos vraies natures, comme nous y invite le père Whitman? (...) La réponse, jeunes et tendres pousses, est qu'il faut sans cesse s'efforcer de changer de point de vue".
Conclusion; dans le cercle des poètes disparus, l'étude des lieux nous permet de comprendre la leçon donnée par ce roman qui se présente comme une argumentation indirecte. Notre manière d'aborder la vie, d'être dans le carpe Diem, se perçoit dans la relation que nous avons avec les lieux. Welton est un lieu étouffant qui ne semble pas propice au bonheur, mais la grotte n'est pas un lieu fait pour être habité en permanence; elle est assimilable à un rêve, à une utopie, à un hors-lieu. Y habiter en permanence n'est pas possible. Le bonheur réside donc dans l'entre deux que propose Keating: regarder les lieux où nous devons être en changeant de point de vue. C'est uniquement ainsi que l'on comprend la signification de la fin du roman; en montant sur leur table, les élèves montrent à leur enseignant qu'ils ont compris la leçon et qu'ils vont désormais changer d'angle de vue sur ce qui les entoure. Welton et son architecture imposante ne sont donc des prisons que si l'on se laisse dominer.
Conclusion pour notre problématique; ce lieu influe sur la formation des élèves, il est en adéquation avec les valeurs à enseigner, mais on peut enseigner en tout lieu la liberté. La leçon enseignée reste plus puissante que ce que le lieu impose.