Pour les S. Les cours seront consacrés à la philosophie politique. Il faut donc lire les situations consacrées à cette notion (situation 25, 26, 27 et 32)

 Nous traiterons en classe le sujet suivant: que peut-on attendre de la politique? Vous devez commencer à réfléchir à cette question en procédant à son analyse et à sa problématisation.


Pour les ES2. Les cours de mercredi porteront sur la correction du sujet du bac blanc: Quel est le pouvoir des mots? pour vous préparer à ces séances il faut lire les extraits suivants tirés de la Parole et l'écriture de Louis Lavelle et répondre aux questions qui sont posées.

Pour les ES2 encore et les ES1, nous traiterons le sujet suivant: A quelles conditions l'expérience nous instruit-elle? Il faut donc relire les situations 2 et 29) et réfléchir au sujet en retrouvant le sens de l'expérience sensible, de l'expérience comme vécu et de l'expérience scientifique. 

Exercices sur le sujet : Quel est le pouvoir des mots ?

Objectif 1 : rendre le sujet intéressant (et éviter les clichés et banalités)

Qu’est-ce qu’un signe linguistique ?

En quel sens cette définition peut nous conduire à problématiser le sujet ?

Objectif 2 : approfondir sa réflexion à partir de l’analyse d’un texte. Ici des extraits de l’ouvrage de L.Lavelle, la parole et l’écriture. Répondez aux différents questions.

Objectif 3 : Organisez vos idées dans un raisonnement structuré et cohérent.  

 

Quel est l’intérêt d’une réflexion sur le langage ? Quelles menaces pèsent sur le langage ?

Au moment où le monde subit de si grands ébranlements, où les nations changent de figure, où les sociétés cherchent un équilibre nouveau, où, dans chaque individu, l'humanité tout entière s'interroge sur son propre destin, c'est, semble-t-il, appliquer son esprit à un objet bien menu que de chercher à définir l'essence de la parole et celle de l'écriture. Est-ce rien de plus qu'un divertissement destiné à nous permettre d'oublier nos soucis ? Une sorte de fuite de la réflexion qui, au lieu de faire face avec courage à ses tâches les plus pressantes et les plus viriles, choisit le thème le plus frivole où rien ne puisse troubler ses complaisances dans son propre jeu ?

Mais la parole et l'écriture sont les instruments par lesquels les hommes se communiquent leurs pensées : c'est par elles qu'ils agissent les uns sur les autres, qu'une idée, qu'un désir, nés dans le secret de quelque conscience et qui n'étaient en elle que de timides possibilités, s'en échappent tout à coup, acquièrent on ne sait quelle subtile réalité qui s'insinue dans d'autres consciences, où elle produit un mouvement mystérieux qui entraîne aussi les corps. Or, c'est dans les périodes les plus troublées et les plus violentes que leur action est la plus puissante et risque, par l'abus même qu'on en fait, de nous laisser oublier leur destination première et leur divine origine. Il appartient alors aux âmes les plus fermes, qui sont libres de toute passion, de retrouver leur usage pur. C'est par la parole et par l'écriture que les hommes réussissent à capter tous ces éclairs secrets qui traversent chaque conscience, pour en faire une atmosphère de lumière qui est commune à toutes. C'est par elles que le sceau de chaque solitude se trouve rompu et le fossé qui sépare les différentes solitudes traversé. Elles donnent un corps à l'in­visible et dévoilent le mystère de l'être spirituel, sans altérer pourtant sa nature, qui n'est ni dans le son ni dans la lettre, mais dans le sens, que le son et la lettre retiennent, mais sans le livrer.

 

 

 

 

II . Pourquoi faut-il veiller à bien parler et à bien écrire ? Qu’est-ce qui se joue dans cette attention au langage ?

 

La corruption de la parole et de l'écriture est la marque de toutes les autres corruptions : elle en est à la fois l'effet et la cause. Et l'on ne peut songer à purifier l'une ou l'autre sans purifier son âme elle-même. La période où nous vivons est à cet égard pleine de périls : il faut veiller pour les conjurer.

Les progrès de la science ont permis de multiplier et de répandre la parole au-delà du cercle familier auquel elle s'adresse naturellement : de là une sorte de disproportion entre le son qu'elle rend et l'écho qu'elle produit, une coupure qui s'accentue tous les jours entre celui qui la profère et celui qui l'écoute. Chacun de nous se trouve enveloppé dans des événements qui le dépassent, mais qui retentissent sur sa propre vie : il en parle comme s'il était capable de les juger ou de les conduire, mettant en jeu toute sa passion pour couvrir à la fois son ignorance et son impuissance.

 

Toutes les voix qui lui parviennent ne sont plus qu'une rumeur massive où l'on ne reconnaît plus le timbre vivant d'une âme individuelle. Nous imitons nous-mêmes trop souvent ce langage primitif et informe qui, si nous n'y prenons garde, nous tiendra lieu bientôt de conversation.

Nous nous contentons de répéter et n'avons plus le goût de découvrir. Nous perdons peu à peu cette délicatesse incomparable de l'expression qui crée entre les êtres une sorte de communication ininterrompue, toujours différente et toujours en péril, qui ressemble tout à la fois à une genèse et à une révélation. Nous n'avons plus l'expérience de la solitude où la pensée s'éprouve elle-même en se muant peu à peu en paroles, dont l'effet est à la fois de la rompre et de l'agrandir.

 

III

 

Le temps est propice pour considérer à nouveau ce point d'éclosion où la pensée naissante commence à se réaliser dans le langage avant de prendre figure dans le monde et de le former à son image. La discipline du langage est la même que la discipline du silence : il y a un silence de la pensée que les paroles les plus belles doivent traduire et non point interrompre.

Mais la parole appartient à l'instant : elle doit être rare si elle ne veut pas témoigner du vide de la pensée en croyant témoigner de son abondance. Elle doit être en rapport avec les circonstances et l'événement ; elle manque son objet si elle manque d'opportunité. Quant à l'écriture, au contraire, le danger pour elle c'est qu'elle ressemble trop à la parole et qu'elle devienne périssable comme elle. Rien ne mérite de lui être confié qui ne dépasse l'instant où il s'est produit. Elle ne remplit son véritable rôle que si elle conserve celles-là seules de nos pensées dont les hasards de l'existence nous séparent à chaque instant, mais que nous voudrions pouvoir retrouver toujours. Elle risque de s'avilir si on la destine seulement à transmettre des nouvelles, à produire un mouvement d'opinion.

Elle n'est rien sans le style que la parole n'atteint que dans certaines réussites. Mais le mépris du style, si commun aujourd'hui, est le signe de la bassesse d'âme. Rien ne dure que par le style, qui est la marque même de la personne, au moment où elle appréhende le réel dans une démarche unique, et dont la valeur pourtant est éternelle. Mais la perfection du style est une perfection tout intérieure qui rend la pensée transparente, au lieu de résider, comme on le croit, dans une certaine beauté du son ou dans une certaine élégance du mouvement capables de se suffire. Il y a une pureté du style qui est une pureté proprement morale, qui se retrouve dans toutes les espèces de l'expression, et non pas seulement dans le langage, et qui, libre de toutes les recherches de la volonté et de toutes les complaisances de l'amour-propre, ne peut être obtenue que par un dépouillement sévère qui, déchirant tous les voiles entre l'esprit et le réel, nous livre la vérité de nous-mêmes et du monde dans une coïncidence miraculeuse. Une telle rencontre de la vie cachée et de la vie manifestée est toujours pour l'esprit à la fois une grâce et une résurrection.

 

 

Quel est le rapport entre les mots et les choses ? En quoi consiste le pouvoir des mots ?

Dieu qui avait formé tous les animaux des champs et tous les oiseaux du ciel les fit venir vers l'homme pour voir comment il les appellerait et pour que tout être vivant portât un nom que lui donnerait l'homme. Ainsi, c'est le privilège de l'homme de donner des noms non seulement aux êtres, mais aux choses. Dès qu'il leur a donné des noms, il semble qu'elles lui deviennent familières et consanguines. Chaque nom est pour lui un Sésame ouvre-toi : et il pense qu'il a pénétré leur secret dès qu'il les a nommées. Chaque nom est le signe de sa puissance : qui le tient croit qu'il tient aussi la chose ; et il imagine qu'en le prononçant, il la produit.

C'est que le mot lui permet à la fois de la désigner, de la reconnaître et d'en disposer. Elle cesse de lui échapper : il la capte et refait désormais le monde en la composant avec d'autres dans de nouveaux assemblages.

La plus grande découverte de cette aveugle sourde-muette dont l'âme était comme un vivant tombeau, la seule révélation qu'elle ait reçue : c'est que chaque chose a un nom. L'univers cesse alors de lui être fermé, les barrières qui l'en séparaient s'abaissent tout à coup. Une lumière spirituelle, dont l'autre n'était qu'un signe, commence à se déployer devant elle, qui enveloppe tout ce que les yeux peuvent voir et le lui découvre.

 

Le langage est un abrégé du monde ; et l'émission du langage ressemble à la création du monde, et même, de la signification du monde. Toute phrase que je prononce, c'est le monde qu'en la construisant, je construis.

 

Que signifie cette dernière phrase énigmatique : Toute phrase que je prononce, c'est le monde qu'en la construisant, je construis.

 

II

 

Quels sont les rapports entre la pensée et les mots ? Pourquoi pouvons-nous y voir un pouvoir des mots ?

II y a plus : c'est parce que le langage a sa source dans la pensée qu'il nous révèle sans doute le secret même de la création. Car c'est par lui que la pensée se réalise, et si la pensée est l'action la plus pure, sans le langage elle demeure virtuelle, elle est une puissance sans effet. Ainsi le langage, c'est la pensée en exercice, mais qui déjà se maté­rialise.

Il ne suffit pas de dire que le mot n'est point encore la chose : car le mot est prononcé ; et ce petit mouvement des lèvres suffit à ébranler l'univers. Le mot est un intermédiaire entre la pensée et l'action, une action qui se cherche et qui commence à s'ébaucher, une promesse d'action qui peut-être ne sera jamais tenue. Sa vertu, c'est d'être non point un objet que je retrouve, mais un mouvement dont je dispose et qui peut être répété indéfiniment. Et pourtant, le ton avec lequel je le prononce, l'assemblage où je le fais entrer le rendent toujours nouveau, de telle sorte que sa signification se transforme sans cesse et m'étonne toujours.

On croit parfois que la pensée sans le langage serait une pensée plus pure ; mais c'est seulement un désir, ou une volonté de pensée, non pas une pensée qui s'exerce et qui s'accomplit. Elle est le germe, et non pas la croissance. Elle est comme l'intention, mais avant qu'elle agisse. Il faut se méfier de ceux qui accordent toute leur prédilection à ces premiers mouvements de l'âme et qui refusent de les pousser jusqu'à la lumière du jour : c'est là le signe d'une grande complaisance en soi-même, qui ne va point sans beaucoup de lâcheté et de paresse.

On a le droit de dire que le langage donne des chaînes à la pensée : et cela est même vrai en deux sens, puisqu'il l'empêche de faire et qu'il la contraint dans son libre jeu. Mais il est vrai aussi qu'il la délivre, car, sans cette contrainte, la pensée resterait prisonnière dans les limites du possible et sans accès dans l'univers où nous sommes.

La pensée n'est d'abord qu'un rêve sans consistance. On s'étonne que ces lueurs fugitives qui traversent un instant notre conscience, qui nous paraissent à nous-mêmes sans réalité, comme des feux follets de la caverne intérieure que la lumière du jour suffira à faire évanouir, puissent parfois soutenir une telle épreuve, acquérir tout à coup une solidité et un éclat qui en font l'objet commun de tous les regards. C'est le langage qui obtient ce prodige. Il transpose, si l'on peut dire, l'individuel dans l'universel et, au lieu, comme on le croit, de l'appauvrir, de lui ôter l'originalité et la vie, il lui donne la substance et l'accroissement ; il lui ajoute la chair et le sang.

 

III

En quel sens le langage participe à la constitution d’une communauté ?

La parole et l'écriture sont les deux portes du langage. Et la vertu du langage, c'est d'obliger la pensée de l'individu à retrouver, en se proposant à autrui, une expérience commune dans laquelle elle puise et qu'elle modifie toujours. Il ne réussit à manifester le secret des consciences et à établir entre elles une vivante communication qu'à condition d'inscrire la pensée de l'individu dans un monde qui est celui de tous.

Les débats que le langage fait naître ont moins pour effet de tracer une ligne de séparation entre les différents êtres en leur révélant leurs dissentiments, que de découvrir à chacun de nouvelles perspectives sur un monde dont tous les êtres ensemble n'auront jamais fini d'explorer la richesse. Les conversations les plus graves dans lesquelles les hommes cherchent non point à se vaincre, mais à s'éclairer et à se convertir, montrent la même foi dans une même vérité, bien qu'ils ne réussissent pas tous à pénétrer en elle avec la même profondeur.

Qu'il s'agisse de l'émotion ou de l'idée, le propre du langage, c'est de désigner une action tout intérieure, mais qui est telle qu'elle intéresse les autres êtres autant que nous-mêmes. Or, cette action, à son tour, se répand de proche en proche et tous les objets auxquels nous donnons des noms représentent les termes auxquels elle s'applique, que nous proposons à l'attention d'autrui, dont nous entendons nous servir et modifier les relations mutuelles. Le langage n'est pas destiné à exprimer tantôt des actions de l'âme et tantôt des objets extérieurs à l'âme, mais à les joindre de telle sorte que chacune de ces actions vienne se poser sur un objet qui la symbolise et la ressuscite indéfiniment.

Ainsi le langage brise l'unité du monde : il y distingue les objets privilégiés de mon intérêt. Il les désigne ou il les signale à l'attention des autres hommes afin de marquer toutes les opérations de pensée dont chacun d'eux peut être le siège ou le témoin, et de les suggérer à tous ceux qui doivent former avec nous une même société spirituelle.

 

IV

 

Le langage est le corps de la pensée. C'est par lui que la pensée entre dans le monde, mais de telle manière pourtant qu'elle garde son indépendance et recouvre le réel sans jamais s'identifier avec lui. Il est l'instrument par lequel la pensée appréhende les choses, qui, comme tous les instruments, semble être une chose parmi les choses et qui est, non point comme les autres instruments le véhicule de notre action sur elles, mais le véhicule, par leur intermédiaire, de notre action sur les autres hommes. Le langage est un témoin de l'esprit et un moyen de communication entre les esprits : sans lui, chacun d'eux demeure cloîtré à la fois dans l'impuissance et dans la solitude. Mais le langage les révèle perpétuellement l'un à l'autre : il leur découvre ce qu'il y a entre eux de commun, qui est aussi, sans qu'ils le sachent, leur intimité la plus profonde, et ce qu'il y a de différent, qui ne les oppose qu'en apparence et pour qu'ils s'enrichissent mutuellement. Ainsi le langage atteste qu'il n'y a qu'un esprit auquel tous les esprits participent, chacun d'eux étant pour tous les autres, au cours de leur itinéraire, un auxiliaire et un soutien. Il n'y a qu'un esprit comme il n'y a qu'un monde. Et le langage qui va de l'un à l'autre calque l'identité des pensées sur l'identité des choses.

Le langage est donc l'épreuve de la vérité qu'il oblige à se produire de manière que tout le monde la puisse saisir. Mais cela ne va pas sans effort : car c'est l'œuvre de l'individu séparé qui essaie de vaincre sa séparation.