Lors du séminaire de cinéma au cinéma Utopia de Saint-Ouen-l'Aumône, nous avons eu l'occasion de voir plusieurs films, dont deux traitant des secrets de famille : Carré 35 d'Eric Caracava et Incendies de Denis Villeneuve. Je vous laisse découvrir les bandes annonces :
source vidéo : Youtube, chaîne de Télérama
source vidéo : Youtube, chaîne de MrVIDx3
Ainsi, comment les secrets de famille sont ils incorporés dans ces films ?
Incendies et Carré 35 présentent plusieurs points communs : tout deux inspirés de faits réels, ils relatent une histoire centrée sur un secret de famille, et ce secret est lié à leurs mères qui ont vécu différents traumatismes qui ont impactés leurs vies quotidiennes. Eric Caracava a voyagé jusqu'en Algérie afin de percer le mystère : ce voyage est source de nombreuses révélations, il y découvre notamment que sa soeur, dont sa mère lui avait caché l'existence pendant son enfance, était atteinte du syndrome de Down, aussi appelé trisomie 21. La quête de Jeanne et Simon, personnages principaux du film Incendies, est aussi racontée à travers un voyage. C'est d'abord Jeanne qui se rend au Moyen - Orient et y fait de nombreuses découvertes à propos de sa mère, suite à ça, elle se voit dans l'obligation de demander à Simon de la rejoindre. Ainsi, de la même façon que'Eric Caracava, ce voyage est en effet très révélateur pour eux... En effet, dans le film de Denis Villeneuve, la mère, Nawal, s'est faite séquestrée, puis violée par son propre fils sans savoir l'identité de celui-ci. De ce viol, sont nés des jumeaux, Jeanne et Simon. Mais ceux-ci ne connaissaient pas l'identité de leur père, qui est également leur frère. Ainsi, après sa mort, Nawal confie une mission à ses deux enfants : l'un doit retrouver leur père tandis que l'autre doit trouver leur frère. Mais leurs enquêtes mènent en réalité au même but... La scène où Simon annonce sa découverte à sa soeur est d'ailleurs frappante, elle est marquée par la phrase "Un plus un, ça peut faire un..". Cette courte phrase est lourde de signification : En effet, Simon voulait expliquer le fait que normalement, un et un font deux, c'est-à-dire que leur père et leur frère seraient deux personnes différentes. Mais ici, un et un font un, car leur père et leur frère sont finalement la même et unique personne. De la même façon, la mère d'Eric Caracava a subi un traumatisme : celui de la perte de sa fille. Eric va également mener l'enquête afin de comprendre pourquoi ses parents lui ont caché, à lui et son frère, la perte de cet enfant. Pareillement aux jumeaux dans Incendies, le réalisateur de Carré 35 essaie d'élucider ce mystère.
Le titre de Carré 35 est significateur : il s'agit du carré correspondant au numéro de la tombe de sa soeur. C'est un titre subjectif auquel on peut donner plusieurs significations, on peut supposer que le réalisateur a choisi ce titre car sa soeur, nommé par ailleurs Christine, est l'élément principal dans ce film. Mais, on peut égaler penser qu'il a choisi de nommer son film ainsi, car c'est à partir du moment où il est parti voir la tombe de sa soeur, au "carré 35", qu'il a pu découvrir toute la vérité à son propos. Le titre du film Incendies est également subjectif, il vient lui même du livre qui provient d'une pièce de théâtre, mais on peut s'imaginer différentes significations. On peut supposer que ce nom fait part des nombreuses scènes de violence dans le films : l'incendie du bus, la guerre avec les bombardements et les armes à feu, ou encore les incendies dans les orphelinat. Cela peut aussi faire part des horreurs vécus par la mère, ou encore par les jumeaux quand ils ont découvert que leur père était aussi leur frère : ils ont tout les trois été brûlés de l'intérieur.
Cependant, les formats de ces films diffèrent : le film d'Eric Caracava est un documentaire tandis que celui de Denis Villeneuve est une adaptation du livre Wadji Mouawad. Ainsi, dans Carré 35, l'histoire nous est expliquée sous forme de plusieurs interviews avec la famille du réalisateur. Il y interroge beaucoup son père et sa mère, mais aussi son oncle, ou des personnes qui ont été associées de près ou de loin à l'histoire de sa soeur. Le film est évolutif : ils nous immerge dans ses recherche, puis y associe par la suite les interrogatoires en lien avec ses découvertes. Ce film provient du vécu personnel de Caracava. Nous suivons ainsi à travers son film ses recherches pour percer le mystère de sa soeur, dont il n'avait pas connu l'existence auparavant. De plus, le réalisateur y intègre des vidéos d'archive pour expliquer des faits historiques, comme par exemple la Guerre d'Algérie. Cela présente de l'intérêt : ses parents vivaient en Algérie pendant cet événement historique, ils ont donc dû fuir le pays pour aller habiter en France. Il y a des plans tournés en caméra 16 mm nous montrant des images du mariage de ses parents, ou des vidéos de son enfance. Cela conserve l'aspect ancien de ces images, et nous permet de mieux se renvoyer à cette époque, et ainsi, d'être plus impliqué dans le film. Le spectateur y est d'ailleurs très impliqué d'une autre façon : lors des interview, le réalisateur a choisi de filmer de sorte à ce qu'on ait l'impression de nous même questionner sa famille, mais aussi lors des autres nombreux plans, comme la visite au cimetière...etc. De ce fait, on ne voit pas Eric Caracava en action et on arrive très finalement à se mettre à sa place. On entend juste sa voix en voix-off. Dans le film de Denis Villeneuve, les faits sont relatés avec des flashbacks. On suit ainsi deux intrigues : l'histoire de la mère sous forme de flashback, et l'histoire de ses enfants, à l'époque actuelle dans le film. Cela permet au spectateur de se poser des questions tout au long du film, car, bien évidemment, flashbacks et époque actuelle sont reliés : tout ce qui s'est produit durant ces retour en arrière, les jumeaux l'ont découvert par la suite, à quelques détails près. Cela met ainsi en parallèle passé et présent, et cela nous permet d'essayer par nous même de résoudre le mystère tout au long du film. Pour ma part, certains indices ne m'ont pas échappé : une scène a été plutôt révélatrice pour moi. Juste après le viol de Nawal, la mère des jumeaux, son agresseur s'en va, et un gros plan est fait sur l'arrière de ses pieds. Même s'il portait ses chaussures, j'ai tout de suite deviné qu'il pouvait s'agir de son fils qui avait été marqué de trois points sur un de ses arrière pied à la naissance.
On a pu ainsi voir que les secrets sont incorporés dans ce films de différentes façons : les réalisateurs se servent de différents format et plans pour mieux transmettre leur secret au spectateur. Ces deux films suivent un peu le même schéma narratif : Suite à un traumatisme chez leurs mères, leurs enfants doivent élucider un mystère, ils cherchent à percer le secret, et pour cela, ils se rendent dans un autre pays, là où sont les origines de leurs parents respectifs... Finalement, ils réussissent à découvrir ce que cachaient leurs mères depuis si longtemps, et continue à vivre malgré les lourdes répercussions qu'on eu ses secrets sur leurs vies.
Par Cyrine Hafsia
une réaction
1 De olivier FAZILLEAU (Lycée de l'Hautil, Jouy-Le-Moutier (95)) - 25/11/2018, 22:42
Excellent article !
Note : 20/20