Le Musée de l’Homme

(Tristan JEAN, Emilia BERLANDI, Sarah-Louise ANDRIEUX)

 

 

Personnages

-Benjamin, le dernier homme sur terre

-Amoureuse

-La guide

-Peureuse

-Fascination, sa petite amie

-Dégoût

-D’autres filles

 

 

 

 

 

 (La scène se passe dans une salle de musée. Un garçon est installé dans une cage de verre, placée au centre de la salle. Il s’ennuie.

Entre un groupe de filles, mené par une guide. )

 

LA GUIDE : Pour clôturer notre visite du Musée des Temps Anciens, j’ai le plaisir de vous présenter Benjamin, le dernier homme sur terre. 

 

(Fascination se rapproche de la cage.)

 

LA GUIDE : Mademoiselle, ne vous approchez pas trop, s’il vous plait, vous risqueriez de l’affoler.

 

PEUREUSE : Quel être étrange, vous êtes sûre que la vitre est assez solide ? On ne risque rien ?

 

(Benjamin lève un œil maussade sur elle, et, toujours aussi ennuyé, comme s’il avait déjà répété ces gestes plusieurs centaines de fois, il consent à se lever et à faire quelques pas dans sa cage.)

 

DEGOUT : Regardez-le, comme il se dandine, comme il se gratte ! Qu’est ce qui le différencie de nous autres ?

 

(Benjamin hausse les épaules et va se rasseoir, replongeant dans son ennui.)

 

LA GUIDE : N’ayez aucune inquiétude, cette « vitre » est un bouclier ionique spécialement conçu pour ce spécimen, il est totalement infranchissable, il faudrait un court-circuit général pour le désactiver. Et pour répondre à votre question l’homme se différencie de nous par ses organes reproducteurs, ses goûts en matière de cinéma, de vêtements, de nourriture et surtout d’hygiène. Ce qui explique cette odeur peu accommodante, que vous pouvez tester par cette ouverture placée en bas à gauche du bouclier, si vous le souhaitez, mais je vous préviens que c’est une expérience un peu particulière.

 

 (Fascination s’approche de l’ouverture, très intéressée. L’air complètement blasé, Benjamin se lève de nouveau, se place de l’autre côté et pète. Peureuse et Dégoût sursautent. Fascination se met à tousser. Benjamin va se rasseoir.)

                                                                                                           

FASCINATION : Quel être fantasque, tout à fait charmant, est ce qu’il arrive à communiquer ?

 

AMOUREUSE : Charmant tout à fait…

 

LA GUIDE : Oui bien sûr, regardez-bien, je vais essayer de le faire réagir !

 

 (Elle toque à la vitre mais rien  ne se passe. Benjamin se détourne ostensiblement.)

 

PEUREUSE : Allons-nous en s’il te plait chérie, cet animal étrange me met mal à l’aise.

 

(Benjamin lève de nouveau un œil vers elle, puis, sans se donner beaucoup de mal, il lui  adresse quelques grimaces effrayantes et un ou deux gestes de menace. Ensuite, il retombe dans sa torpeur.)

 

FASCINATION : Je ne me doutais absolument pas qu’une telle créature vivait sur terre. Où l’avez-vous donc trouvé, d’où vient-il ? Comment ça se fait qu’on n’en ait jamais vu avant ? Comment fait-il pipi ?

 

AMOUREUSE (se rapprochant petit à petit de la cage) : Oui d’où vient-il ?

 

LA GUIDE : Bah, écoutez, on l’a retrouvé après le massacre allongé sur un canapé dans une maison, située en dehors de la bordure extérieure. Il n’avait pas d’armes. Il regardait des vieux films sur un écran plasma du début du siècle.  Et il possède un organe reproducteur extérieur qu’on appelle le pénis, phallus ou bite.

 

DEGOUT : Mais pourquoi vouloir le ramener avec vous ici, je veux dire pour avoir survécu là-bas il a dû faire des choses abominables. Chérie, ne t’approche pas trop, ça doit être dégueulasse !

 

PEUREUSE : Et ça pourrait être dangereux… Tu pourrais choper des maladies.

 

FASCINATION : Non, regardez-le, il a l’air inoffensif ! C’est quand même dommage qu’il soit dans cette cage… On n’arrive pas beaucoup à le voir. Vous le faites sortir parfois ?

 

LA GUIDE : Il a un enclos dehors avec un ballon de Chronoball pour se divertir, il devrait aimer le sport, normalement, mais il préfère rester à l’intérieur.

 

DEGOUT : Qu’est-ce qu’il est laid ! Regarde, il a des cheveux autour de la bouche, et ses sourcils se rejoignent, aaaaaaah et cette boule qu’il a dans la gorge. Répugnant !

 

AMOUREUSE : Mais t’es baisé, toi ! Tu te rends compte que cet être-là, cet animal comme tu dis, c’est un « homme », comme on voit dans les très vieux films en 2D d’avant la catastrophe de 2034? Tu sais, comment il s’appelait, celui sur le bateau qui flottait directement sur l’eau, enfin qui flottait pas bien, d’ailleurs, Titanic, voilà, avec cette très très vieille actrice qui a vécu, jusque chez pas, cent cinquante ans et à l'époque, c'était beaucoup, mince son nom m'échappe..  Winslet, Kate Winslet!

(Depuis qu’elle s’est mise à parler de cinéma, Benjamin est sorti de son ennui. Il murmure le nom de Kate Winslet en même temps qu'Amoureuse et il continue à la regarder avec curiosité.)

Eh ben, lui, Benjamin, ce serait un Caprio qui aurait survécu au naufrage. C’est pour ça que je le trouve même pas beau, mais beaucoup plus que ça, totalement émouvant. Mythique. Tu te souviens de la scène où elle est sur la proue du navire avec l’homme et où elle a l’impression qu’elle va s’envoler ?  « I’m flying, Jake ». Avant d’avoir vu un homme en vrai, j’avais toujours trouvé cette scène complètement absurde, mais là, je sais pas… J’ai presque l’impression de pouvoir deviner quelque chose… Retrouver une émotion ancienne… Une nostalgie d’avant ma naissance… Pas vous ?

 

PEUREUSE : Tu sais que tu me fais peur, toi ?

 

DEGOUT : Mais enfin, c’est pas possible, Am, t’as pris de l’O-Méga ou quoi ? Enfin, tu peux pas être en train de tomber amoureuse de ce… De cette bête, voilà, toute velue ! (Tchip). Enfin, tu es une femme et lui, un… On n'est plus sur le même rameau de l'évolution !  

 

FASCINATION (s’adressant à Peureuse) : Je n’ai pas compris, elle a dit qu’elle était amoureuse du homme ?

 

PEUREUSE : J’en sais rien, je veux juste partir, cette situation commence à me donner la gerbe, viens chaton!

 

DEGOUT : Regarde le bien : il dégoûte ! C’est une espèce différente, c’est de la zoophilie, ton délire !

 

LA GUIDE : Passons à la salle suivante je vous prie ! (En s’en allant) C’est une reconstitution  d’un téléphone portatif à onde cellulaire de la marque pomme !

 

(Les autres filles s’éloignent à sa suite. Dégoût essaie par des gestes de ramener Amoureuse à la raison. Mais cette dernière reste en face de Benjamin, le fixant dans les yeux. Dès que Dégoût est sortie de scène, la chanson de « Titanic » par Céline Dion se lance –et elle vaut bien Wham.

Benjamin se rapproche de la vitre, fixant  du regard la jeune femme et pose sa main contre la sienne.

Elle se retourne et, à travers la vitre, ils adoptent la position des deux amoureux à la proue du Titanic : lui derrière et elle devant. )

 

BENJAMIN : « Hold on… Keep your eyes closed… Do you trust me ? »

 

AMOUREUSE : « I trust you. »

 

(Amoureuse écarte les bras.)

 

BENJAMIN : « All right… Open your eyes !... »

 

AMOUREUSE : « I’m flying, Jake ! »

 

(Elle tourne la tête vers lui et ils s’embrassent des deux côtés de la vitre. Au moment où leurs lèvres arrivent à la même hauteur, des éclairs, la musique s’éteint.

Noir.

 

Mais, au bout de quelques secondes, la lumière revient. Dégoût entre de nouveau sur scène.)

 

DEGOUT : Am, t’es où, Am ? Il y a eu un court-circuit ou quoi ? Tout le monde est en panique !

 

(Elle aperçoit Amoureuse et Benjamin en train de s’embrasser goulûment.)

 

DEGOUT : Ah ! Mais c’est répugnant !... C’est à vomir ! Comment t’as fait pour entrer dans sa cage ? Je te préviens, je vais chercher la guide et les autres !

 

(Elle sort de scène.

Amoureuse et Benjamin se rendent compte que la cage a été désactivée. Ils font quelques pas en dehors. Aussitôt une alarme prolongée retentit. La guide et les autres filles apparaissent à l’autre bout de la salle du musée. Amoureuse et Benjamin se donnent la main et s’enfuient. Les autres se jettent à leur poursuite en criant : « Am, c’est répugnant ! », « Benjamin, viens ici ! », «Céline Dion, ça pue », « au secours » ou n’importe quoi d’autre. )

 

 

 

Par eleveoption | le 10 février 2017 15:25