- une video très intéressante sur la création de ce spectacle  : http://www.rts.ch/emissions/preliminaires/4408943-omar-porras-au-japon-vertige-de-l-ailleurs.html
- un dossier pédagogique sur le spectacle : http://www.theatre71.com/IMG/pdf/th71_dpeda_romeoweb.pdf
... dont voici quelques extraits:

UNE DÉMARCHE SINGULIÈRE

Les spectacles d’Omar Porras regorgent d’une énergie qui galvanise et euphorise. Cette énergie est produite par les acteurs eux-mêmes, métamorphosés en créatures inventives, humaines et plus qu’humaines, qui rapportent des événements simples, drôles ou tragiques, rendus extraordinaires et ultra théâtralisés par le truchement du masque et du geste.

La démarche d’Omar Porras est basée sur le mouvement du corps et sa projection dans l’espace. Il s’inspire à la fois de la tradition occidentale (la biomécanique) et orientale (les théâtres balinais, indien et japonais). Comme l’athlète, l’acteur doit entraîner son corps et en étudier la plastique grâce à une large palette d’exercices. Des exercices qui visent à une meilleure connaissance des mécanismes et des capacités de récupération de l’organisme humain.

S’il est fondé sur le mouvement, le théâtre d’Omar Porras n’en néglige pas pour autant la parole. Le texte a même, en tant que matière première, une place privilégiée dans sa recherche. L’œuvre sélectionnée, libérée de tout carcan littéraire, est d’abord soumise à l’improvisation des comédiens pour mieux explorer ses potentialités théâtrales.

Tout au long de cette longue phase préparatoire, la mise en scène et l’adaptation subissent des modifications plus ou moins radicales, en fonction du travail effectué sur le plateau ; et ce,jusqu‘aux dernières répétitions, parfois jusqu’à la générale et même au-delà. Le texte ainsi obtenu entre en totale symbiose avec la création théâtrale dont il résulte et il ne peut plus en être dissocié, désacralisant la lettre pour mieux jurer fidélité à l’acte théâtrale.

Les acteurs jouent un rôle capital aux yeux d’Omar Porras : utilisés librement et selon les besoins du projet artistique (parfois masqués, parfois travestis) ils participent intimement à la création dramatique des personnages.

Le metteur en scène possède donc une démarche bien particulière car il place au centre de sa recherche créative les artisans du spectacle et leur inventivité. L’adaptation du texte, la mise en scène, la scénographie, la conception des costumes et des lumières, la musique, l’interprétation, sont conçus directement, organiquement sur les planches.

Une telle démarche n’est possible que si tous les artisans du spectacles mettent réellement leurs compétences en commun : qu’ils soient comédiens, techniciens ou musiciens, ils assistent en principe à toutes les répétitions, dans la mesure ou chacun peut apporter une contribution parfois décisive au spectacle qui est en train de se construire.

Comme Omar Porras aime le rappeler, le travail de compagnie se fait en compagnie.

ROMÉO ET JULIETTE,

UNE CRÉATION AU PAYS DU SOLEIL LEVANT

Dans Roméo et Juliette, Shakespeare nous met face l’histoire d’une haine sans trêve entre deux familles ou deux clans, les Capulet et les Montaigu, qui se transmet d’une génération à l’autre sans que personne n’en connaisse plus les fondements, selon un processus qui n’est pas sans rappeler celui de guerres civiles qui nous sont contemporaines. Une haine qui aura pour seul pendant l’amour passionné de deux jeunes gens de clans adverses, Roméo et Juliette, encouragés par Frère Laurent, figure hypostasiée du Franciscain, travaillant à la paix et au salut de tous.

Du point de vue scénographique, pour rendre compte de ce drame familial à grande échelle, Omar Porras cherche à faire se rapprocher deux civilisations - la vieille Europe et L’Empire du soleil levant -, soit deux visions du monde – celle de la scène élisabéthaine ou du tréteau de la Commedia dell’arte et celle de l’estampe ou du paravent (biobu). Le plateau devient un ring où s’exacerbent les tensions, les désirs, les violences ; un lieu de danger où se jointoient une passerelle, des hauteurs et des éléments naturels. Ce faisant les personnages de la tragédie évoluent dans un Ukijo-e autrement dit dans « l’image du monde flottant » – un aperçu de ce monde où les hommes ne font que passer et où se concentrent les passions humaines.

Mais au-delà de ce rapprochement historique, pourquoi, fondamentalement, le Teatro Malandro a-t-il choisi de réaliser cette mise en scène de Roméo et Juliette précisément au Japon ? Sans doute la réponse à cette question est-elle avant tout dans la passion d’Omar Porras pour le théâtre oriental, pour ses techniques, ses codifications et sa dimension rituelle. Travailler avec les comédiens du SPAC implique une confrontation d’approches du théâtre différentes non sans points de rapprochement possibles. Omar Porras a en effet versé dans le corps des comédiens japonais et européens qu’il a rassemblé pour cette nouvelle création, les éléments de sa culture, qui est hybride, nourrie du Wayang Topeng, marquée par le travail de Grotowski, de Mnouchkine, de Barba, inspirée de sa relation à la danse... Toutes ces formes font un bagage avec lequel il travaille, car il a le désir de retourner aux sources du théâtre, là où se trouvent le mythe, mais aussi les formes les plus ancestrales de la représentation, sans occulter les ajustements possibles et nécessaires des références traditionnelles à un contexte contemporain. Aussi Roméo et Juliette est-elle placée au croisement des cultures, mais aussi des époques, par cette nouvelle occasion de créer un creuset d’expériences qui permettent les confrontations de cultures et de traditions théâtrales différentes, des réappropriations et des métamorphoses du patrimoine de chacun (notamment mythologiques, scénographiques et musicales) jusqu’à ne créer qu’une seule famille, dans une démarche de rapprochement des êtres et des cultures théâtrales.