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Résumé 1 Gaston Bouthoul, définition de la guerre (texte)

Lycée du parc des loges                                                               Français

CPGE 2014-2015                                                                          La guerre

 

Résumé n° 1

Gaston Bouthoul : Le phénomène guerre

 

Quels seront donc les traits principaux qui nous per­mettront de délimiter le « phénomène guerre » ? En premier lieu son trait le plus frappant est son caractère de phéno­mène collectif. Dans ce sens la guerre doit être nettement différenciée et séparée des actes de violence individuels. Certains auteurs dans leur désir de « discréditer » la guerre, se sont efforcés de nier cette différence. Ils raisonnent ainsi : où commence la guerre et où finit-elle? A partir de quel point ne se confond-elle plus avec le meurtre, les rixes, ou les brigandages ? Pour qu'un conflit cesse d'être indi­viduel et devienne collectif, suffit-il d'ajouter une unité, une autre unité ou deux ou mille, ou dix mille ? Tout dépend  des  circonstances,   de l'appréciation  forcément  arbitraire. Cette imprécision, disent ces auteurs, montre combien il est facile de rapprocher la guerre et le crime individuel, puisqu'il existe entre eux toute une série de formes  transitoires.

Comment  donc  déterminer ce  caractère  collectif de la guerre ? Deux éléments sont à prendre en considération : d'une part la nature du groupe, c'est-à-dire précisément la  collectivité  qui  combat  et,   d'autre part,  l'élément subjectif, c'est-à-dire essentiellement le côté intention, autrement dit les finalités, les buts que poursuivent les  auteurs   d'une  guerre.

Mais ici nous rencontrons encore d'autres difficultés : nous sommes habitués de nos jours à ne voir que des guerres menées par de grandes nations dont la dispro­portion avec tout autre genre de groupe humain est tellement grande qu'aucune confusion n'est possible. Mais il n'en est pas toujours de même : la guerre a existé bien des fois dans l'histoire entre groupes politiques beau­coup plus restreints : les seigneuries du moyen âge et certaines cités antiques avaient souvent la dimension d'un petit village. Les tribus belliqueuses qui existent encore de nos jours n'ont souvent que la dimension d'une famille nombreuse. Que dire d'autre part des guerres menées par des groupements souvent fort bien organisés, sans être à proprement parler des États, comme l'étaient certaines troupes de brigands ou de pirates? L'histoire de son côté nous montre que souvent la démarcation a été difficile à établir entre des bandes de ce genre et des groupes exerçant une souveraineté politique. Souvent la genèse de grands États montre qu'ils ont commencé par être de petites tribus prédatrices ou des troupes d'aventuriers ou de flibustiers, par exemple les Vikings, les Nor­mands de Sicile ou les fondateurs de Rome.

 

Force sera donc de nous en tenir à un critère très élas­tique au point de vue de l'étendue des groupes qui s'af­frontent dans un conflit guerrier. Ceux-ci peuvent être gigantesques comme dans le cas de l'Empire Romain, de la Chine antique ou des grands États d'aujourd'hui, mais ils peuvent aussi être minuscules, sans que leurs luttes armées perdent pour cela le caractère de guerres proprement dites.

 

Nous serons donc obligés de faire une certaine place au facteur subjectif. Les finalités de la guerre se distin­guent de celle du crime ou de la violence individuelle. La première se met au service des intérêts d'un groupe­ment politique, la seconde n'a en vue que l'intérêt privé. Mais sur ce point également nous devons admettre des nuances d'ordre historique qui vont de pair avec l'évolu­tion ou plus exactement les fluctuations du droit. Les limites du droit privé et du droit public ont en effet sou­vent varié. Jusqu'à nos jours, dans certains pays comme le Japon d'avant la capitulation de 1945, la guerre pouvait être considérée, théoriquement au moins, comme une affaire de droit privé, intéressant une dynastie princière dont les intérêts étaient servis par le reste de la nation. L'uniforme, disait-on encore au xviie siècle, c'est « la livrée du Roi ».

Un second caractère objectif de la guerre c'est qu'elle est une lutte à main armée. Peu importe qu'elle soit plus ou moins meurtrière. Dans ce sens les guerres de la Renais­sance du type de la bataille d'Anagni où il n'y eut qu'une victime tuée par une chute de cheval, est une guerre alors que le massacre par les Allemands de millions de civils polonais n'est qu'un simple crime.

[…]

 

Caractère juridique et organisé de la guerre. — Un autre trait essentiel de la guerre est son caractère juridique. On a pu dire que la guerre est un contrat.

 

La guerre est une manifestation de violence sans doute, mais de violence organisée : il n'y a pas de guerre propre­ment dite qui ne soit régie par des règles plus ou moins précises,  par un  droit formel  ou  coutumier.   Chacune d'elles a un commencement et une fin qui sont en géné­ral marqués par des cérémonies ou des solennités qui ont pour but de marquer de façon impressionnante le passage de la paix à la guerre ou vice versa.

Mais  en  quoi  consiste particulièrement  ce passage ? Il n'est pas autre chose que la substitution du droit de la guerre au droit de la paix (ou réciproquement). Comme l'ont marqué plusieurs auteurs, la guerre n'est pas un combat perpétuel ou une bataille ininterrompue,  c'est l'« état de guerre » c'est-à-dire qu'elle est  en  dernière analyse une période durant laquelle sont mises en application des règles juridiques d'une nature particulière. On peut même concevoir des guerres sans hostilités. Ainsi dans les longues guerres de position du xviii6 siècle ; c'est ce qui advint aussi sur le front franco-allemand durant la « drôle de guerre » de septembre 1939 à avril 1940. L'état de guerre existait néanmoins.

 

[…] Le crime, c'est l'homicide commis en dehors de toute règle ou en violation du droit. Au contraire le combat est soumis à certaines règles. Celles-ci varient suivant les lieux, les groupes ou les époques, mais il en existe tou­jours. En France, la coutume du duel n'est vraiment tombée en désuétude qu'après la guerre de 1914. Jusque-là elle existait surtout dans les classes dirigeantes ou tout du moins dans certains groupes à prétentions aristocratiques qui en faisaient partie.   Il existait de véritables codes du duel qui décidaient quels conflits devaient y mener et la manière dont les rencontres devaient être préparées puis devaient se dérouler. Il existait aussi dans les milieux mondains de véritables spécialistes dont les avis faisaient autorité et que l'on consultait en la matière. En étudiant le duel et les règles qui régissent les combats singuliers, on se rend compte de certains aspects de la genèse et du rôle des guerres. Le duel est une rixe différée: deux hommes qui se sont insultés ou qui estiment être séparés par un insupportable différend, au lieu de se jeter brutalement l'un sur l'autre ou de tenter de s'assas­siner   mutuellement   par   traîtrise   ou   par   guet-apens, conviennent de retarder cette bataille spontanée et de la  remplacer par un  combat régulier et revêtu d'une certaine solennité. Ils réfrènent leurs instincts mais pour mieux les lâcher ensuite.

Il en est de même de la guerre : les groupes ou leurs dirigeants réfrènent leurs impulsions guerrières et ne les déchaînent qu'à certains moments, et en suivant certaines règles. Au lieu d'hostilités confuses et indistinctes, nous noustrouvons en face d'hostilités délimitées au point de vue de leur durée et aussi quant à la détermination de l'ennemi. Ce n'est pas le hellum omnium contra omnes mais la lutte armée et délimitée de certains contre cer­tains et pendant une durée déterminée.

 

La seconde caractéristique juridique de la guerre qu'elle est un véritable procès, destiné à mettre fin à une contestation dont les motifs sont précisés à l'avance. Cette  fonction  apparaît  très   nettement  dans  l'ancien duel judiciaire qui met en jeu des individus au lieu de peuples. Dans ces cas elle n'est pas, tout au moins en théorie, la manifestation d'une impulsion hostile ou des­tructive. Elle est une manière de dire le droit. Une théorie providentialiste préside au duel judiciaire : on présume que Dieu donnera la victoire à celui qui aura raison. Ainsi il  s'apparente  aux ordalies  qui tiennent  une  si grande place dans les droits primitifs. Le duel judiciaire a été peu à peu éliminé des institutions civilisées. Mais il a subsisté entre les groupes souverains. Il est frappant de constater que, parmi les théories de la guerre, certaines n'ont fait que reprendre les arguments sur lesquels se fondait le combat judiciaire dans les vieilles coutumes germaniques du haut moyen âge. Chose curieuse ces théo­ries modernes de la guerre considérée comme source du droit,   soit   qu'elles   la   conçoivent   comme   «  l'examen des peuples » soit qu'elles y voient le point culminant de la fatalité historique, sont également d'origine germa­nique.

 

[…] Pour notre part, nous proposons la définition suivante : la guerre est la lutte armée et sanglante entre groupements or­ganisés. Cette définition offre évidemment l'inconvénient d'entourer la délimitation du phénomène étudié de larges franges d'interférences avec des phénomènes similaires. Surtout elle laisse dans un vague volontaire la notion du groupement organisé, étant donné qu'à travers l'histoire ces groupements offrent une grande variété de structure. Le lien qui en détermine la cohésion réelle ou théorique est tantôt familial (consanguin ou supposé tel), comme dans les tribus patriarcales et dans les tribus primitives, tantôt religieux ou politique. Il est fondé suivant les époques et les circonstances, sur les affinités les plus variées, (l'allégeance à la même dynastie, la langue, la race, la religion, l'intérêt économique, la position géographique, la communauté d'idéologie, etc.).

D'autre part, une lutte ou un conflit pour présenter le caractère guerrier, doit être sanglant et armé. Ce dernier trait permet de distinguer la guerre des autres formes d'opposition ou de compétition, comme la con­currence économique, les luttes sportives, la propagande politique ou religieuse, et les discussions de toutes sortes. Peu importe qu'en outre de cette lutte armée et sanglante soient menées simultanément d'autres formes de combat telles que des manœuvres politiques. Celles-ci, comme le fait remarquer M. Quincy Wright, accompagnent presque toujours les guerres. Mais le conflit ne devient une guerre qu'avec la pratique de l'homicide organisé. Jusque-là on ne peut pas encore parler d'« hostilités », mais seule­ment de lutte ou de modes de pression psychologique. Ainsi la lutte armée, pour mériter le nom de guerre, doit-elle être sanglante, c'est-à-dire comporter des com­bats et des victimes. Sans cela il s'agirait non de la guerre proprement dite, mais de démonstrations armées, de manœuvres d'intimidation ou de parades menaçantes, c'est-à-dire de manifestations que l'on a toujours dis­tinguées des hostilités proprement dites.

Enfin le fait que la guerre est une lutte sanglante, implique qu'elle comporte le passage d'une forme du droit à une autre. Mariano Cornejo avait insisté sur le fait que la guerre est un contrat de type particulier. Il se rattache au duel judiciaire du droit privé médiéval, et comporte d'autre part un statut juridique particulie.

M. Quincy Wright fait ressortir aussi l'aspect juri­dique de ce phénomène : « La guerre, dit-il, est la con­dition légale qui permet à deux ou plusieurs groupes hostiles   de mener un conflit par forces armées

. » Aux lois de la paix qui prohibent l'homicide est sub­stitué pour la durée du conflit, tout un ensemble de cou­tumes qui non seulement l'autorisent, mais l'ordonnent. C'est là la caractéristique essentielle de l'état de guerre. Le droit de la guerre organise en outre la prédation (réglementation du butin et des prises, travail gratuit ou esclavage des prisonniers, réquisitions, indemnités, etc.) et il impose aux citoyens des pays belligérants une multi­tude d'obligations particulières.

En un mot, la guerre est une forme de la violence qui a pour   caractéristique   essentielle   d'être   méthodique   et organisée quant aux groupes qui la font et aux manières dont ils la mènent. En outre, elle est limitée dans le temps et dans l'espace, et soumise à des règles juridiques parti­culières, extrêmement variables suivant les lieux et les époques. Tous ces traits découlent du caractère organisé des conflits guerriers.

Gaston Bouthoul, Le phénomène-guerre,1ère partie, ch III « Définitions et délimitations du « phénomène-guerre », Payot, 1962, p.36-44

 

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Publié le 23 septembre 2014 par anne patzierkovsky (lycée du parc des loges d'evry (91))