Les artistes de la Renaissance ont représenté tantôt des récits de rêve, tirés de la mythologie et de l’histoire sainte, tantôt des visions reconstruites qui se font parfois cauchemardesques.

Alors que la première salle de l’exposition est dédiée à la nuit, au fur et à mesure que nous avançons, la nuit avance aussi en quelque sorte pour arriver dans la dernière salle à des œuvres présentant le lever du jour. Cette évolution permettra aussi d’aborder les différents types de rêve.

Dans la première salle, nous découvrons une photographie qui représente une grande sculpture de Michel-Ange, sculpture qui se trouve dans la chapelle San Lorenzo de Florence.


Nous observons une femme d’un côté, qui représente la nuit, et un homme de l’autre, qui représente le jour. La femme est endormie en position assise, avec une chouette, oiseau de nuit, entre ses jambes. Sous son épaule, on observe un masque. Ce masque est le symbole du rêve.






En face de cette œuvre, le tableau de Del Ghirlandaio, Allégorie de la nuit, fait écho à cette sculpture. On retrouve la chouette, le masque, et la femme endormie qui n’est pas dans une position confortable, comme pour montrer que son corps peut se réveiller d’un moment à l’autre. Il faut savoir qu’à la Renaissance, on ne représente jamais les personnes endormies complètement allongées, car cette position est celle du mort. Sur ce tableau, le petit garçon qui allume une lampe renvoie au jour qui arrive, tout comme le sablier entrain de s’écouler.



Les deux masques sur la gauche du tableau correspondent aux deux types de rêve. Le masque aux traits doux renvoie au rêve et le masque aux traits méchants renvoie au cauchemar. Le masque qui se trouve en bas à droite du tableau est le même que celui de la sculpture de Michel-Ange. Cette chouette, ces masques, sont autant de symboles de la nuit, comme la lune, dessinée sur le bandeau ornant les cheveux de la jeune femme.


A côté de ce tableau, Battista Dossi propose une autre Allégorie de la nuit. Si l’on note des points communs, comme la présence des symboles de la nuit (la chouette, la lune, ou avec la position peu confortable de la dame endormie), d’autres occurrences nouvelles sont présentes : le feu en arrière-plan, des animaux bizarres, quelque peu effrayants, des têtes grimaçantes…le peintre nous montre de cette façon que le rêve de cette jeune femme est en fait un cauchemar.


Dans une seconde salle, nous nous arrêtons devant une sculpture en argile, qui a servi de décor à une maison. Il s’agit de l’Allégorie du Sommeil ou de la Mort ; le Char du Soleil ou de l’Âme de Sansorino. Cette sculpture illustre bien le goût de la Renaissance pour l’Antiquité. Le point de départ de l’œuvre peut être cette légende selon laquelle au départ il n’y a rien : ce rien est le Chaos. Puis, le Chaos a une fille, la Nuit, qui elle-même aura deux jumeaux, dont Hypnos, le Sommeil. Cette sculpture met aussi en scène le personnage d’Aurore, que nous retrouverons dans un tableau en fin d’exposition.


Nous changeons ensuite complètement de thématique avec le tableau religieux La Sainte Famille d’Agnolo di Cosimo, dit Bronzino. Les personnages sont deux petits garçons, Jésus (en position surélevée sur des coussins) et son cousin Saint-Jean Baptiste. Si Marie a l’air un peu triste en regardant Jésus, c’est parce qu’elle connaît déjà l’histoire de ce dernier. La peinture revêt ici un caractère de rêve prémonitoire. Le caillou, par exemple, sur lequel sont posés les pieds de Jésus, renvoie à celui qui le recouvrira plus tard son tombeau, une fois qu’il aura été enterré.

Nous admirons ensuite deux peintures évoquant d’anciennes légendes autour de Vénus. Il s’agit de Vénus endormie et Cupidon de Bordone et de Vénus et l’Amour endormie découverte par un satyre de Le Corrège.

Dans le tableau de Bordone, on voit que Cupidon a accroché ses ailes et son arc et joue avec un bout de tissu porté par sa mère pendant que celle-ci s’est endormie. Le joli décor, la très belle nature représentée sur la toile montrent que Vénus fait de beaux rêves.


Dans le tableau de Corrège, Cupidon s’est endormi à côté de sa mère, le carquois est davantage caché ; le satyre quant à lui soulève le tissu pour qu’on voie le corps de Vénus. Enfin, la torche avec le petit feu symbolise le sommeil.


Dans la troisième salle, trois toiles sont l’occasion d’évoquer la légende de Psyché et de Cupidon (ou l’Amour). Il s’agit de Zéphyr et Psyché de Dell’Abate


Psyché emportée par Zéphyr de Limosin


L’Amour endormi de Dubreuil.

Voici un rapide résumé de la légende :

Psyché est une jeune femme tellement belle qu’elle n’arrive toujours pas à trouver de mari ! Ses parents décident de consulter l’Oracle, qui leur conseille de la laisser seule sur un rocher, afin qu’un monstre l’emporte. Les parents suivent ce conseil et Zéphyr, Dieu du vent, va alors emporter Psyché dans le palais de l’Amour, c’est-à-dire dans le palais de Cupidon. Vénus, sa mère, devient jalouse car elle voit en Psyché une rivale pour sa beauté. Elle ordonne donc à Cupidon de tirer une flèche à Psyché, afin qu’elle tombe amoureuse d’un homme très laid. Mais Cupidon décide de se tirer à lui-même la flèche, pour tomber amoureux de Psyché…Pour que sa mère ignore cette union, Cupidon rend visite à Psyché la nuit, et fait en sorte qu’elle ne puisse le voir…


Le tableau de Van Aelst, Le songe de Pâris, évoque une partie de l’histoire liée à ce héros légendaire. A sa naissance, comme un oracle avait prédit qu’il détruirait Troie, ses parents avaient décidé de l’abandonner. Il avait alors grandi comme berger dans la campagne. C’est ce cadre qu’on retrouve dans le tableau. Il y fit un jour la connaissance de trois Déesses : Vénus, Athéna et Junon. La légende dit que Pâris devait donner une pomme d’or à celle des trois qu’il trouvait la plus jolie. Pour se faire choisir, Vénus lui promit de lui donner en retour la plus belle femme du monde (mais cette femme était déjà mariée, ce qui déclenchera ultérieurement la guerre de Troie !). Dans le tableau, l’artiste a changé la pomme d’or en une boule en or : c’est Mercure, un autre Dieu, qui tient la boule. Vénus est mise en avant pour montrer que c’est elle qui va gagner la compétition.

 


Dans la salle suivante, les tableaux évoquent l’histoire religieuse.

Dans La vision de Sainte-Hélènede Véronèse, une femme est assise près d’une fenêtre, la tête dans sa main droite, les yeux fermés ; en haut à gauche, deux anges portent une croix. Ces anges sont ceux que Sainte-Hélène voit dans son rêve. Ils lui indiquent où se trouve la croix de Jésus-Christ. La fenêtre est là pour symboliser son imagination. La peinture a ici pour thème la vision qui visita sainte Hélène lorsqu’elle se rendit à Jérusalem en 326, en quête de la vraie Croix.


Nous nous arrêtons ensuite devant Le songe de Sainte-Catherine d’Alexandrie, de Carraci.

La Vierge se trouve en haut à droite du tableau, avec Jésus. Sainte-Catherine est en bas à gauche du tableau, endormie. Elle porte une bague à l’annulaire gauche, qui symbolise son mariage avec la religion chrétienne. C’est ce mariage qui l’a poussée à refuser la demande en mariage de l’empereur romain Maxence. Ce dernier, fou de rage devant son refus, l’a fait tuer avec une roue à pics. Nous retrouvons cet objet dans le tableau, ce qui peut suggérer que malgré la douceur qui émane du corps endormi de Catherine, celle-ci vit en songe une partie beaucoup plus terrible de son destin…On peut dire également que le tableau reprend différents éléments de la vie de Sainte-Catherine.


Deux tableaux évoquent ensuite l’histoire de Pharaon : Le Rêve de Pharaon de Pellegrini Di Mariano Rossi et de Joseph interprétant les songes de Pharaon de Del Sarto.


Voici l’histoire de Pharaon : ce dernier avait vu dans son rêve 7 vaches grasses qui dévoraient 7 vaches maigres, au sortir du Nil où elles s’étaient baignées. Il voyait enfin dans son rêve des épis de blé pousser. Ne sachant comment comprendre ce rêve, Pharaon se rendit chez Joseph pour qu’il le lui interprète. Joseph lui prédit 7 bonnes années de récoltes, auxquelles succéderaient 7 années de mauvaises récoltes. Il lui faudrait donc mettre de côté du blé pendant les sept premières années, afin de survivre à la famine des 7 suivantes.

Avec La Vision de Tondal de Bosch, nous observons une peinture radicalement différente. Cet artiste du Nord propose une approche du rêve sous l’angle cauchemardesque. Il faut dire qu’à l’époque en Europe du nord, on peignait des scènes de l’Enfer pour apeurer les populations et les pousser ainsi à une meilleure ligne de conduite.


Dans le tableau de Bosch, le chevalier de Tondal, qui fait le cauchemar, est endormi en bas à gauche. Son ange gardien lui montre tout ce qu’il ne faut pas faire pour ne pas finir en Enfer. Nous voyons ainsi, sur la droite, des hommes qui ont bu trop de vin ou ont trop mangé et qui se retrouvent punis. Certains sont noyés dans un bassin où coulent des pièces de monnaie.

La tête infernale, sorte de masque qui trône au centre du tableau,  incarne le péché en soi : ses yeux sont vides, des arbres poussent de ses oreilles,évoquant ainsi l’idée qu’on a des oreilles mais qu’on n’entend pas, en référence aux pécheurs qui s’obstinent à refuser Dieu. A l’arrière-plan à droite, le feu qui brûle symbolise bien l’Enfer.


Dans Visions de l’Au-Delà, l’artiste reprend la même histoire mais inclut cette fois-ci le paradis dans deux des quatre parties qui composent le tableau.




Un peu plus loin nous pouvons nous détendre un peu en admirant le panneau de Allori, Dossier de lit avec scènes mythologiques et grotesques Ce panneau a servi de décor pour une chambre à coucher, constituant la tête du lit d’un couple. C’est un peu comme si les rêves des gens qui dorment sur le lit se peignaient sur le tableau. En haut au milieu, peint en vert et rose, un masque symbolise le rêve. Les petites colombes symbolisent pour leur part l’amour. Ce panneau est vraiment exceptionnel, il n’en reste quasi plus de tel.





Ensuite, nous nous arrêtons devant trois toiles peintes d’après le dessin de Michel-Ange, Le Rêve de la Vie humaine. La dernière, peinte par Allori, a cette particularité d’être peinte en double face, la deuxième face étant un portrait de Bianca Cappello. Le tableau de Francesco delBrina est une autre œuvre dérivée du célèbre dessin de Michel-Ange. On y voit, au centre de la composition, un jeune athlète nu, appuyé sur une sphère, qui pourrait représenter le monde. Les personnages qui gravitent autour de lui sont là pour évoquer différentes formes du vice.


Dans la dernière salle, le tableau de Battista Dossi, Le Matin : Aurore et les chevaux d’Apollon, illustre le réveil et fait écho à l’Allégorie de la Nuit présente dans la première salle. 


Enfin, dans Amour et Psyché de Zucchi, on retrouve l’histoire de Cupidon et Psyché. C’est le moment où Psyché prend une lampe pour enfin voir le corps de son mari qui la retrouve toujours la nuit. Elle tient un couteau dans son autre main, au cas où il serait dangereux. Elle tremble car elle est très émue, c’est ce qui lui fait renverser une goutte d’huile provenant de la lampe sur Cupidon.


Quelques vues d'autres œuvres découvertes dans cette exposition :

- sur le thème de l'échelle de Jacob

                                                                 Le rêve de Jacob, Ludovico Cardi dit Cigoli

                                                       Le rêve de Jacob, Adam Elsheimer
- sur le thème de la tentation de Saint-Antoine

                                                         Hieronymus Bosch La tentation de Saint-Antoine

                                                           La tentation de st Antoine, Jan Mandijn

Mme Trouvé, Documentaliste