Semaine 2

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Voyage autour de ma chambre, Xavier de Maistre, 1880: 

"Après mon fauteuil, en marchant vers le nord, on découvre mon lit, qui est placé au fond de ma chambre, et qui forme la plus agréable perspective. Il est situé de la manière la plus heureuse : les premiers rayons du soleil viennent se jouer dans mes rideaux. — Je les vois, dans les beaux jours d’été, s’avancer le long de la muraille blanche, à mesure que le soleil s’élève : les ormes qui sont devant ma fenêtre les divisent de mille manières, et les font balancer sur mon lit, couleur de rose et blanc, qui répand de tous côtés une teinte charmante par leur réflexion. — J’entends le gazouillement confus des hirondelles qui se sont emparées du toit de la maison, et des autres oiseaux qui habitent les ormes : alors mille idées riantes occupent mon esprit ; et, dans l’univers entier, personne n’a un réveil aussi agréable, aussi paisible que le mien. (Chap. 5) 

Je ne voudrais pas, pour tout au monde, qu’on me soupçonnât d’avoir entrepris ce voyage uniquement pour ne savoir que faire, et forcé, en quelque manière, par les circonstances : j’avoue ici, et jure par tout ce qui m’est cher, que j’avais le dessein de l’entreprendre longtemps avant l’événement qui m’a fait perdre ma liberté pendant quarante-deux jours. Cette retraite forcée ne fut qu’une occasion de me mettre en route plus tôt. (chap. 29) 

Charmant pays de l’imagination, toi que l’Être bienfaisant par excellence a livré aux hommes pour les consoler de la réalité, il faut que je te quitte. — C’est aujourd’hui que certaines personnes dont je dépends prétendent me rendre ma liberté, comme s’ils me l’avaient enlevée ! comme s’il était en leur pouvoir de me la ravir un seul instant, et de m’empêcher de parcourir à mon gré le vaste espace toujours ouvert devant moi ! — Ils m’ont défendu de parcourir une ville, un point ; mais ils m’ont laissé l’univers entier : l’immensité et l’éternité sont à mes ordres. (dernier chapitre)"