UNE FORET D’ARBRES CREUX

ANTOINE CHOPLIN

"Ce qui se fabrique ici, en pleine nuit, est d’une nature différente. Car il ne s’agit plus de répondre à la litanie des commandes obligatoires, plans, aménagements, embellissements, façades, architectures en quête d’apparat ou d’efficience. Il s’agirait plutôt, c’est ce qu’ils ont décidé, de dédier ce temps à la représentation de la réalité, sensible et nue. Voilà ce dont il est ici question pour ces hommes assemblés, femmes aussi parfois, dans le silence parfait, sous les halos rabougris des lampes amenées au plus près des traits de plume : dessiner, peindre un peu de la vérité de Terezin. Chacun librement, sans consigne d’aucune sorte.

Est-ce ce soir-là, ou un autre ? Cette fois où apparaît sous le crayon de Bedrich ce vieux juif à chapeau, assis sur un banc, le dos courbe, les deux mains en appui sur une canne tenue entre ses jambes. Il semble filmé par une caméra insolite, à forme presque humaine, solidaire d’une intense source lumineuse, boule de feu pourrait-on dire. S’échappe de cette drôle de machine un rouleau de pellicule, s’entortillant comme un reptile jusqu’à une jeune femme tronc, comme posée sur un guéridon à trois pieds et sur lequel on imagine quelques ustensiles à maquillage. De sa main droite, elle passe un coup de crayon sur la paupière triste et comme figée du vieux juif. Derrière le rideau auquel il est adossé gît un squelette à l’avant de remparts et de clôtures barbelées. Après avoir achevé son dessin, Bedrich inscrit à l’encre noire, au bas de la feuille." : Film et Réalité p.50/51

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image_film_et_realite.jpg, janv. 2017

L’art comme gardien de l’histoire:

Dans le roman, Bedrich Fritta résiste dans le camp grâce à l’art. Ses tableaux représentent des scènes bien précises de la vie quotidienne. Dans "Film et Réalité", Bedrich veut montrer la violence faite aux déportés. Une froideur émane de ce dessin. A gauche, la mort cachée est matérialisée par le squelette. A droite, la seule source de lumière sort de cette machine futuriste qui semble filmer une réalité bien tragique.

Au premier abord, ce dessin nous a particulièrement interpellé car la seule source de lumière éclaire le vieillard rabougri comme si les crimes devaient être dissimulés. Le rideau représente une séparation entre le réel et l’illusion dans le camp. La jeune femme tronc maquille certainement le vieillard pour cacher sa tristesse et sa résignation.

 

Abay Ali

Derbal Ilyas

Lhomme Damien

Thelusma Dimitri